Assureurs : comment maintenir le cap de la transformation ?

La généralisation du télétravail, liée à la crise sanitaire, doit amener les assureurs à ouvrir le chantier de l'automatisation de certaines tâches pour délester ses salariés d'activités répétitives.

Il y a eu la pandémie et les cyberattaques. Puis la tempête Alex. Et de nouveau la pandémie avec la résurgence de nouveaux cas de pertes d'exploitation. Difficile, même pour les plus optimistes des observateurs, de ne pas considérer 2020 comme une annus horribilis pour les assureurs.

Secoués par les événements, mis sous pression par l’exécutif (le Président vient de demander au secteur de "faire le plus vite, le plus simple possible et le maximum qu'il est possible de faire»", ces derniers doivent agir sur le front conjoncturel sans pour autant occulter leurs enjeux structurels. D’ailleurs oublier les seconds au profit des premiers exposerait l’ensemble de l’industrie à une année 2021 encore plus éprouvante.

Anticiper les risques nouveaux et émergents

L’impossible n’existe plus. Indiscutable, cette leçon de la crise impose un élargissement du périmètre des risques à couvrir. Ou une nouvelle hiérarchisation. En 2016, le cyber n’était qu’un risque parmi d’autres. Quatre ans plus tard, selon le baromètre annuel des risques publié par Allianz, il est devenu la première menace des entreprises dans le monde, aux côtés du changement climatique. Pourtant selon l’AMARAE, nous serions passés "d’une période où les assureurs se frottaient les mains face aux nouveaux risques à une période où ils sont plus frileux".

Compte tenu de la nature systémique du risque, il est normal que les assureurs se montrent particulièrement regardants sur les processus de sécurité informatique et de protection des données mis en place par les entreprises. Toutefois, prudence ne saurait rimer avec désengagement. Les conséquences économiques et sociales imposent aux assureurs de se positionner en première ligne dans le soutien aux entreprises. D’autant plus qu’aux yeux de nombreux entrepreneurs, le couac relatif à la couverture des pertes d’exploitation est loin d’avoir été soldé.

Protéger et apaiser la cité

La crise a fait émerger de nouvelles attentes et de nouvelles visions au sein de la population. Un sondage récent de l’institut BVA révélait une forte exigence d’éthique et de responsabilité de la part des Français : relocalisation, préservation de l’emploi des salariés, soutien à l’économie locale et meilleure prise en compte du bien-être des employés. De même, la pandémie et le confinement ont confirmé des attentes préexistantes. Plus prosaïques. Comme l’expansion du domaine du digital ou la flexibilité des services. Dans un monde en plein bouleversement, les assureurs doivent répondre à ces impératifs. Par le haut et par le bas.

Le 22 mai 2019, le gouvernement d’Edouard Philippe promulguait la loi Pacte pour engager les entreprises à se doter d’une raison d’être - leur utilité dans la société - voire d’une mission - un problème social ou environnemental à résoudre.

Si de plus en plus d’entreprises commerciales s’engagent, les assureurs semblent, paradoxalement, manquer à l’appel. A part la Maif, et Pascal Demurger, son directeur général, rares sont ceux qui ont saisi l’opportunité. Pourtant, par leur proposition de valeur et leur activité, les assureurs devraient être les fers de lance de ce mouvement. D’autant plus que les enjeux sociétaux n’ont jamais été aussi nombreux.

Mener au pas de charge sa transformation numérique, est une autre façon d’être à la hauteur des défis de l’époque. L’assurance connaît, à dix ans d’intervalles, ce que la distribution et la banque ont vécu : la pression d’acteurs innovants capables de concevoir des services dans l’air du temps. Dans la distribution et la banque, cette menace a provoqué la généralisation de l’omnicanalité. Dans l’assurance, le virage expérientiel est moins affirmé. Peut-être à cause d’une menace plus lointaine. Il est vrai que Lemonade et Ping An sont respectivement aux Etats-Unis et en Chine. Toutefois les attentes auxquelles ces assurtech répondent sont très vives aussi ici. Par exemple, la dernière étude menée par OpinionWay et le cabinet Mazars révélait que deux français sur trois étaient prêts à tester des services d’assurance à la demande.

Repenser durablement son rapport à la technologie

"Nous devons apprendre à vivre avec la menace de risque épidémique international". Avec le recul, cette déclaration de François Bricaire, membre de l’Académie nationale de médecine, prononcée en février dernier, à une époque où le confinement n’était même pas une éventualité semble quasi-prophétique. En plein cœur de l’été, les gestes de protection drastiques se sont imposés, la seconde vague risque de se confirmer et le reconfinement s’organise par petites touches. Cette nouvelle normalité, dans laquelle les salariés seront fréquemment contraints à rester chez eux, doit amener les assureurs à ouvrir le chantier de l’automatisation de certaines tâches. La robotisation n’est pas un gros mot. Surtout lorsqu’elle protège le personnel, le déleste d’activités répétitives (saisie d’informations d’état civil, vérification de l’authenticité des documents) et lui permet de monter en valeur sur le conseil et la relation client.

La feuille de route pour les prochains mois est chargée : la relation de confiance avec les Français et les entreprises doit être recousue. Une mission de taille mais accessible car il ne s’agit pas d’ébranler les fondamentaux de l’assurance mais plutôt de les adapter à de nouveaux impératifs.