L'assurtech française Alan lève 185 millions d'euros et devient une licorne

L'assurtech française Alan lève 185 millions d'euros et devient une licorne Ce méga tour de table valorise l'assurance santé en ligne 1,4 milliard d'euros. Elle vise 1 million de bénéficiaires d'ici trois ans. Et la rentabilité en 2023.

La marmotte devient licorne. L'assureur santé en ligne Alan, représenté par un petit rongeur blanc, annonce ce 19 avril une levée de fonds de 185 millions d'euros, tout juste un an après un tour de table de 50 millions d'euros. Un nouveau financement qui valorise la start-up 1,4 milliard d'euros (première valorisation connue). Trois nouveaux investisseurs font leur entrée au capital d'Alan : Coatue Management, qui mène le tour, Dragoneer et Exor. Index Ventures, Ribbit Capital et le fonds singapourien Temasek remettent, quant à eux, au pot. Il s'agit de la plus grosse levée européenne pour une assurtech, devant la britannique Zego et ses 150 millions de dollars en mars dernier (et une valorisation à 1,1 milliard de dollars). C'est aussi un record pour une start-up française qui évolue dans le monde de la santé puisque la dernière levée de Doctolib avait atteint 150 millions d'euros début 2019. Au total, Alan et sa marmotte ont levé 309 millions d'euros depuis leur création en 2016.  

Ces 185 millions d'euros serviront à bâtir une super app de santé. A l'origine, Alan proposait uniquement une assurance santé à l'application léchée et aux remboursements en un temps record (jusqu'à 86% des soins sont remboursés en moins d'une heure). Depuis, l'application a été largement étoffée : chat médical sécurisé, téléconsultation, rappels de prévention automatiques… Sans compter les services créés en urgence suite à la pandémie de Covid-19 (autodiagnostic, livraison de masque, ligne de soutien psychologique…). D'ailleurs, Alan compter intégrer prochainement Covidlist, site qui vise à écouler les doses de vaccins non utilisées, dans l'application.  

De la conciergerie médicale à l'assistant personnel 

L'assurtech a des projets plein les cartons en France : un assistant personnel de santé qui permettra aux bénéficiaires de poser toutes les questions qu'il souhaite, une gamme de services sur la santé mentale (bien utile en ces temps de Covid !), l'automatisation des démarches RH, l'affiliation des employés à l'assurance santé et à la prévoyance ou encore l'intégration dans des systèmes de paye. En créant tout un écosystème autour de la santé, Alan se rapproche de plus en plus de la plateforme de prise de rendez-vous Doctolib, qui a aussi développé de la téléconsultation. "Doctolib a levé aussi beaucoup d'argent. Mais ils sont plus dans une logique de vendre du logiciel au médecin", balaie Jean-Charles Samuelian-Werve, cofondateur d'Alan, qui s'adresse, de son côté, de plus en plus au grand public. Début 2021, la start-up a lancé Alan Baby, une application gratuite qui mêle groupe de discussions entre parents, contenu dédié à la petite enfance et un chat médical avec des experts.

"Nous développerons d'autres applications grand public dont la prochaine sera autour de la santé mentale"

"Nous croyons beaucoup en l'engagement, les communautés. Nous développerons donc d'autres applications de ce type dont la prochaine sera autour de la santé mentale", confie Jean-Charles Samuelian-Werve. Ces applications doivent permettre de convertir les utilisateurs en assurés.

Les cartons à projets sont aussi pleins pour ses bénéficiaires en Belgique et Espagne, où la jeune pousse est présente depuis fin 2020. Chat médical et soutien psychologique pour les Belges, service de conciergerie médicale pour identifier le bon médecin et prendre rendez-vous pour les Espagnols. "Sur ces deux pays, nous avons la voie libre puisqu'il n'y a pas d'application de santé comme nous. Ce n'est pas étonnant puisqu'obtenir un agrément n'est pas évident", souligne Jean-Charles Samuelian. La start-up n'est pas un courtier comme la majorité des assurtech. Elle a obtenu un agrément de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), un graal dont le précédent avait été délivré en 1986 en France.

Cibler les grandes entreprises

Ce financement tout frais va aussi permettre à Alan de toucher de plus grandes entreprises, alors qu'elle était jusqu'ici plutôt sollicitée par les PME et indépendants. "Nous venons tout juste de signer avec deux entreprises de plus de 5 000 salariés", glisse le cofondateur. Elle vise aussi de nouveaux secteurs comme la restauration et l'industrie. "A chaque fois, il faut créer une nouvelle couverture d'assurance. On n'onboarde pas de la même façon un salarié de la restauration qu'un consultant en SSII", note Jean-Charles Samuelian-Werve. A ce jour, la start-up revendique 9 400 entreprises clientes et 158 000 bénéficiaires. Elle espère doubler ce chiffre cette année et vise le million d'ici trois ans. "Alan va vite rentrer dans la top 10 des assurances santé en France. Il ne faut pas oublier que le marché de l'assurance santé en France compte de très gros acteurs comme AG2R La Mondiale, Malakoff Médéric et Vyv mais aussi plein de petites mutuelles spécialisés avec peu de membres", fait remarquer Florian Graillot, fondateur d'Astorya VC, fonds d'investissement spécialisé dans l'assurtech.

Pour être en haut du classement, Alan compte sur le bouche-à-oreille, les canaux d'acquisition digitaux classiques, sa force commerciale mais aussi sur une loi du 14 juillet 2019 qui permet aux assurés, depuis le 1er décembre 2020, de résilier après un an de souscription leur contrat de complémentaire santé à tout moment, sans frais ni pénalité. Cette nouvelle disposition a déjà "permis de bien accélérer en début d'année", assure Jean-Charles Samuelian-Werve. La start-up espère aussi doubler ses revenus en 2021. Ils s'élevaient à 100 millions d'euros annualisés en 2020, soit une croissance de 105% par rapport à 2019. Surtout, notre jeune licorne prévoit d'être rentable en France d'ici 2023.  

Enfin, la levée de fonds va également permettre à la start-up de recruter 400 personnes en Europe, dont une centaine en Belgique et en Espagne. A ce jour, la jeune pousse compte 350 salariés dont 40 à l'étranger. Sans oublier la petite marmotte.