Facturation électronique : passer (enfin) du comment au pourquoi

Les modalités d'application de l'obligation de la facturation électronique en France sont désormais fixées (JO du 9/10/22). La facturation électronique devient une réelle opportunité stratégique.

Avec la parution de nouveaux textes au Journal officiel du 9 octobre 2022, les modalités d'application de l'obligation de la facturation électronique, qui débutera en France au 1er juillet 2024, sont fixées. Les missions des plateformes, les formats des factures, mais aussi les dates de déclaration en fonction du régime TVA de l'entreprise et de son activité sont notamment précisées. Sont par exemple définis les missions assurées par le portail public de facturation, les fonctionnalités minimales exigées des plateformes de dématérialisation partenaires, la procédure d’immatriculation de ces plateforme, les données devant figurer sur les factures, les données à transmettre à l’Administration ou encore les éléments que celle-ci doivent rendre publique. Trois formats de transmission des factures sont retenus : le format Cross Industry Invoice (CII) ; le format Universal Business Language (UBL) ; le format mixte composé d’un fichier de données structuré au format XML et d’un fichier PDF.

Certes toutes ces précisions étaient attendues et sont donc bienvenues. Certes ce chantier parait vaste et complexe. Mais cela ne doit pas occulter le vrai apport de la facturation électronique pour les entreprises.

Un chantier complexe … Vraiment ?

Les PME et TPE n’auront pas à faire de la facturation électronique par elles-mêmes : elles s’appuieront selon les cas sur une solutions SaaS ou leur expert-comptable, des acteurs dont la mission est d’effacer la complexité de ce chantier de la facturation électronique. Et compte tenu du temps que la France a pris pour s’approprier cette question, il est raisonnable de s’attendre à des solutions PME/TPE intuitives remplaçant tout simplement la phase papier de la facturation avec un échange transparent par voie électronique.

Pour les grandes entreprises, il convient de distinguer entre celles qui échangent déjà via l’EDI – ou d’autres méthodes d’intégration de données comme les portails fournisseurs – et les autres. Pour celles ayant déjà adopté des solutions métier basées sur l’échange de données structurées et personnalisées, on pense là par exemple au secteur automobile et au retail, elles ont, dans le cadre des discussions avec les pouvoirs publics, inspirées la création de plateformes de dématérialisation partenaires (PDP). De fait, la plateforme publique peut s’avérer trop rigide pour ce type d’utilisateurs. La plateforme étatique, gratuite, n’est pas à même de tout gérer. C’est là qu’intervient un point important : les autres entreprises (ou cas d’usage) doivent se demander s’il y a un vrai besoin de recourir à une PDP ? Il faut éviter un choix par effet de mode ou par réflexe, celui qui veut que dans une situation complexe, on cherche la voie la plus sécurisante, car certifiée. Le risque si l’on opte pour une direction ou une autre sans passer par une analyse des besoins -, c’est-à-dire définir la plateforme qui offre les fonctionnalités nécessaires au regard des différents flux de facturation-, est de devoir changer de direction, voire de revenir sur son choix après y avoir consacré du temps et des moyens financiers. Le concept de PDP, très avantageux pour certains cas, n’est pas obligatoire et n’est pas forcément nécessaire pour des échanges classiques de factures.

Dépasser la conformité pour atteindre la stratégie

Surtout, les entreprises doivent dépasser ce comment faire pour s’intéresser -vraiment- au pourquoi faire de la facturation électronique. Certes, ls nouvelles obligations de facturation électronique et de ‘e-reporting’ n’ont rien de simple, mais la France a beaucoup d’éditeurs de logiciel, d’experts-comptables et d’opérateurs à qui il revient d’investir dans des solutions simples et intuitives. Vu de cet angle, beaucoup d’entreprises surévaluent la complexité des choses, le comment, et sous-estiment le quoi faire. Ce n’est pas étonnant : face à une obligation, les entreprises visent avant tout à se mettre en conformité. Mais il leur faut ici regarder plus loin. Se cantonner à la compliance fiscale revient à rater une vraie opportunité de développement.

L’infrastructure d’échanges déployée dans le cadre de la facturation électronique peut être utilisée pour exploiter les données recueillies et favoriser la réactivité. Il y a là un vrai potentiel d’efficacité qui permettra au secteur privé de faire un bond. Les données, une fois normalisées et structurées, doivent être mises au service de la stratégie d’entreprise, que ce soit pour la création de produits ou la consolidation de l’écosystème fournisseurs/donneurs d’ordres. A l’instar du smartphone, une fois la connectivité numérique universelle établie pour des données aussi importantes pour le monde des affaires que celles de la facturation, la diversité des applications à valeur ajoutée possibles pour les entreprises peut dépasser notre imagination actuelle.

Enfin, les entreprises implantées à l’international doivent veiller à ne pas faire de la France un cas isolé en matière de facturation électronique. Si les spécificités réglementaires ne peuvent être niées, elles ne doivent pas conduire à opter pour un opérateur ou une équipe par pays. Recouper les process pays par pays n’a pas de sens et constituerait une erreur. La facturation électronique est certes un défi mais surtout une opportunité stratégique.