FTX : quelle réglementation pour le Web3 ?

Les régulateurs doivent tirer les conclusions de l'effondrement de FTX. Une régulation adaptée à l'émergence de la finance décentralisée s'appuyant sur des moyens de contrôle spécifiques.

Des dizaines de milliards d'euros évaporés, et des millions de particuliers floués à travers le monde. C’est le résultat d’une succession de faillites qui secoue l’univers du Web3 et des cryptomonnaies

Qu’il s’agisse de malversations avérées ou de faible gestion du risque, ces scandales sont les deux faces d’une même pièce. Celle d’un secteur non régulé dans lequel se côtoient deux univers bien distincts et souvent peu compatibles : la recherche d’une croissance frénétique des start-ups pour se saisir du marché et les enjeux de conformité du monde de la finance traditionnelle pour protéger le consommateur. 

Soupçons de fraude et amateurisme  

Les révélations concernant l’effondrement de FTX s’enchaînent et dévoilent une situation totalement aberrante. La société et ses dirigeants semblent avoir utilisé les dépôts de leurs clients pour spéculer à outrance via leur société sœur, le hedge fund Alameda, mais aussi à des fins personnelles pour l’acquisition d’immobilier et l’octroi de prêts.

Si la gestion de son fondateur a été frauduleuse, celle-ci a été facilitée par le manque de cadre légal et permise par une expatriation offshore, éloignant FTX de la supervision par le régulateur américain.

Un risque pour la stabilité économique mondiale ? 

Désormais, la valeur des actifs numériques est supérieure au trillion d’euros et le nombre d’individus qui en possèdent dépasse 300 millions d’après l’étude réalisée par Crypto.com.
Quand sera-t-il lorsque la capitalisation totale des actifs numériques pèsera plusieurs dizaines de trillions de dollars et quand le nombre d’individus propriétaires aura dépassé le milliard ? Les faillites de ces acteurs en 2022 sont restées peu ou prou circonscrites à l’écosystème des cryptomonnaies. Si cela se renouvelle à l’avenir, c’est l'intégralité du monde financier qui pourrait être touché et générer une crise économique majeure, au-delà du monde des actifs numériques. Ce que n’a pas manqué de souligner le Président Joe Biden dans un récent appel à la régulation du secteur à l'occasion du Sommet du G20.

CeFi : une régulation inspirée de la finance traditionnelle

Pendant que de nombreuses voix s’élèvent un peu partout pour une meilleure régulation des plateformes d’échange d'actifs numériques, nous ne pouvons que constater que les moyens de contrôle à disposition des régulateurs sont encore limités. 

Si les premières initiatives réglementaires à l’échelle nationale (PSAN) et européenne (Mica) sont à saluer. Elles restent néanmoins insuffisantes pour construire un écosystème plus sain, tant pour les acteurs du Web3 que pour les consommateurs. 

Regagner la confiance du grand public est une étape clé du développement du secteur des cryptomonnaies. Cela passera par une réglementation des plateformes centralisées qui impose aux acteurs de construire des standards de conformité proches de ceux de la finance traditionnelle. Citons la sécurisation des actifs numériques, la gestion des risques, la ségrégation des fonds des clients, l’instauration d’audit interne, la conformité réglementaire ou encore l’intégrité des systèmes d’information. 

DeFi : une régulation adaptée à un écosystème naissant

Les protocoles de finance décentralisée (DeFi) ne peuvent pas être soumis à la même régulation que les plateformes centralisées. Par nature, ces acteurs décentralisés font preuve de transparence : l’ensemble des opérations ont lieu “on-chain”, elles sont donc consultables et traçables sur la blockchain, qui est publique. Il est d’ailleurs important de mentionner que les protocoles DeFi les plus utilisés comme Aave ou Uniswap ont continué à fonctionner correctement et n’ont pas été impactés. Les utilisateurs gardent le contrôle de leur fonds et le fonctionnement de la DeFi est donc profondément différent de celui de la CeFi.

S’équiper et monter en compétence pour réguler efficacement

Pour mettre en place une régulation pertinente et intelligible, les régulateurs doivent dès aujourd’hui mettre les moyens financiers et humains. Les compétences et outils de la finance traditionnelle sont souvent peu adaptés au secteur des actifs numériques. Il est nécessaire de bâtir des équipes constituées de profils le maîtrisant. Les régulateurs doivent également s’appuyer sur les meilleurs outils de traçabilité et d’analyse des transactions on-chain, pour être capables de surveiller et d’identifier les activités frauduleuses.

Aller au-delà des mesures déclaratives du cadre actuel de régulation, en se donnant les moyens humains et technologiques d’effectuer les contrôles nécessaires, est indispensable pour garantir une croissance saine du secteur et un bon niveau de protection des consommateurs.