Construction : le mystère des abandons de programmes neufs

Construction : le mystère des abandons de programmes neufs En France, il n'est pas possible de connaître le nombre de chantiers annulés par les promoteurs immobiliers faute d'acheteurs.

Combien de chantiers immobiliers ont-ils été abandonnés par leurs promoteurs depuis le début de la crise économique en France, notamment faute d'acheteurs ? Une question simple en apparence mais à laquelle il est impossible de répondre. Pourtant, on ne saurait rêver meilleur instrument pour prendre le pouls de la construction, un secteur dont le pronostic vital semblait engagé en ce début d'année, au vu de l'urgence avec laquelle François Hollande s'était empressé d'annoncer ses 20 mesures.

Le ministère de l'Ecologie ne rend pas publiques les informations sur les abandons qu'il recueille via l'Enquête trimestrielle de conjoncture

Mais le ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie ne s'aventure pas à rendre publiques les informations qu'il recueille à ce sujet via l'Enquête trimestrielle de conjoncture réalisée auprès des promoteurs. Et ce pour la simple et bonne raison que les résultats obtenus le sont sur une base déclarative et qu'ils ne font l'objet d'aucune vérification ! Dans ce contexte, libre aux dirigeants des entreprises de construction de dire ou non la vérité, l'aveu d'un échec s'avérant rarement bon pour les affaires.

Par ailleurs, le ministère de l'Ecologie ne recense que les abandons de programmes pré-commercialisés (des chiffres qu'il est possible d'obtenir... moyennant finance cette-fois). Autrement dit, si le promoteur renonce à lancer l'opération avant que les logements soient mis en vente, cela peut passer encore plus facilement inaperçu. Et les élus, au premier rang desquels les maires, n'ont pas vraiment intérêt à inciter les promoteurs immobiliers à dire la vérité. "Surtout si c'est la commune, ou son bras séculier l'aménageur, qui a vendu le terrain sur lequel les logements devaient être construits", confie le président d'une société de construction qui souhaite conserver l'anonymat.

Pourtant, au dire de ce dirigeant d'entreprise, d'un point de vue technique, le ministère de l'Ecologie pourrait aisément s'assurer de son honnêteté et de celle de ses concurrents. "Il lui suffirait de prendre le nombre de permis de construire délivrés et de regarder si les Déclarations d'achèvement des travaux (DAT) correspondantes ont bien été déposées par les promoteurs dans les trois ans."

Seule oasis au milieu de ce désert informationnel : les statistiques mensuelles des annulations de permis de construire qui peuvent être obtenues sur le site de l'Insee. Mais celles-ci peuvent être autant le fait d'un promoteur incapable de pré-vendre ses logements que les suites d'une décision administrative ou judiciaire. Autre biais méthodologique : on ne connaît pas la date d'autorisation des permis de construire annulés. Un pic d'annulations peut donc correspondre à un pic d'autorisations qui a eu lieu dans les mois qui ont précédé.

Seul enseignement du graphique ci-dessous : entre janvier et novembre 2008, le nombre de logements annulés augmente alors que le nombre de logements autorisés, lui, diminue. Nous n'en saurons pas plus...

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Source : service statistique du ministère du Développement durable. © JDN