Le BIM manager, pierre angulaire du BTP 2.0
Avec l'avènement de la maquette numérique, les entreprises de la construction ont besoin d'un professionnel dédié au Building Information Modelling.
Vous penserez à elle lorsque vous emprunterez la ligne 15 Sud du métro de Paris. Diplômée de l'Ecole spéciale des travaux publics et d'HEC, Tara Martis est BIM manager chez Bouygues Travaux Publics. Sa mission : "récupérer les maquettes numériques, s'assurer de leur cohérence, vérifier que les informations contenues sont exploitables et les redispatcher aux personnes concernées".
La maquette numérique constitue le socle du BIM, pour Building Information Modelling. Réalisée en 3D, elle est enrichie et utilisée par chaque corps de métier impliqué dans une construction. Grâce à la réalité virtuelle, elle permet notamment d'améliorer l'ergonomie du lieu et la sécurité d'un chantier. Exemple avec celui de la Nouvelle Route du Littoral, sur l'île de La Réunion. "Comme il s'agit d'un viaduc en mer, la passerelle est accrochée au pont et présente certains risques pour le compagnon chargé de terminer la finition de béton, décrit Tara Martis. La réalité virtuelle nous permet de comprendre comment il peut se déplacer d'un niveau à l'autre de la passerelle en évitant les chutes."
Les premiers postes de BIM managers se sont créés vers 2013. "Les maitres d'ouvrage demandent de plus en plus d'intégrer le BIM dans la phase de conception ou de construction", explique Franck Quéret, directeur du service BIM chez Eiffage Construction. Mais les opérationnels du secteur, eux, ne sont pas forcément aussi enthousiastes : "C'est un vrai défi d'apporter une nouvelle technologie à des collaborateurs qui travaillent depuis 20-30 ans sur des chantiers munis d'un papier et d'un crayon, et qui ont toujours très bien fonctionné ainsi. Il faut de la patience et de la persévérance pour faire évoluer les mentalités", raconte Tara Martis. Même son de cloche du côté d'Eric Tournez, en charge du déploiement du BIM chez Bouygues Travaux Publics : "Le BIM est encore majoritairement vécu comme une contrainte et pas comme facilitateur dans le travail."
Sur le chantier de la Ligne 15 Sud, Tara Martis doit "définir les objectifs et le périmètre d'action afin de concilier les attentes des clients et les demandes internes du groupement. Il faut également mettre à jour les processus d'entreprise, pour qu'ils reflètent au mieux les expériences menées, et organiser le travail pour ceux qui exécuteront les actions BIM et ceux qui utiliseront les résultats. Cela demande de faire preuve de pédagogie et d'accompagner les utilisateurs, d'une part, mais aussi les bureaux d'études et les producteurs de maquettes d'autre part".
Ce ne sont pas là les seules qualités requises pour officier en tant que BIM manager. Tara Martis en égrène quelques-unes : "Il faut avoir une bonne connaissance des logiciels courants du marché, bien comprendre ce qu'est une maquette numérique et savoir comment organiser l'information. Car on ne structure pas la maquette de la même manière si elle est destinée à un bureau d'études, qui va sortir des plans de coffrage, ou à des méthodes", qui font la liaison entre le BE et la ligne de production. Ce qui implique de bien saisir les enjeux des métiers du secteur. Un point cher à Franck Quéret : "Il faut cerner le métier de constructeur. A une période, les BIM managers venaient d'entreprises informatiques. Je pense qu'il faut avoir un profil très opérationnel mais aussi savoir se montrer curieux et un peu autodidacte sur la manipulation des nouveaux outils liés au BIM".
Une espèce en voie de reconversion
Indispensable aujourd'hui, la fonction de BIM manager pourrait pourtant disparaître, estime Tara Martis, pour qui "le rôle du BIM manager est voué à être endossé par les différents métiers de la direction technique dans les années qui viennent. A terme, chacun sera garant de la justesse de l'information et saura la gérer pour répondre aux attentes des uns et des autres". Un point de vue en partie partagé par Franck Quéret : "Un manager de projet doit pouvoir intégrer les notions de management du BIM, à l'exception de certaines compétences techniques liées aux outils logiciels."
Les constructeurs préparent déjà cette montée en compétences. "Chez Eiffage Construction, nous avons recours à la création de parcours de formation au BIM par métier. Cela signifie qu'un collaborateur d'études aura un parcours différent d'un collaborateur travaux", explique Franck Quéret. Alors, le BIM manager, une espèce à peine apparue et déjà en voie d'extinction ? Plutôt en voie de reconversion, selon Tara Martis : "Avec la digitalisation que va connaître le secteur, le métier de BIM manager pourra évoluer vers celui de data manager".
Un article paru dans le Figaro Tech
Cet article est originellement paru le 18 juin dans le Figaro Tech, supplément trimestriel du quotidien Figaro, fruit de la collaboration entre les équipes du Figaro Economie et du JDN. Objectif de ce cahier : créer un point de repère dans l'innovation technologique, pour distinguer les modes des phénomènes de fond.