Concevoir, tester, conduire : l'IA s'invite à tous les étages chez Valeo
De la sécurité des systèmes à la conduite assistée, l'IA s'invite de plus en plus dans les systèmes ADAS (sécurité de la conduite). Mais chez Valeo Brain, division de Valeo en charge de la brique software, l'IA ne se limite plus au fonctionnement : elle intervient dès la conception, aussi bien sur la partie logicielle que matérielle. Résultat : des phases de développement nettement accélérées et des systèmes mieux adaptés aux besoins de la conduite autonome.
L'IA à chaque étape de la conception
"Demain, il n'y aura plus aucun véhicule sur la route qui ne contienne pas un élément d'IA embarquée, ou qui n'ait pas été conçu ou fabriqué avec l'aide de l'IA", affirme Joachim Mathes, CTO de Valeo Brain. Une transformation qui touche d'abord la phase de conception logicielle, où les modèles de langage automatisent la co-génération de code et la création de cas de tests pour les développeurs. L'objectif est double : libérer la créativité des équipes en automatisant les tâches répétitives et répondre à l'impératif de vitesse qui domine désormais l'automobile. "Le défi numéro un dans l'industrie automobile, c'est la vitesse", souligne Özgür Tohumcu, responsable automobile et manufacturing monde chez AWS. Et d'ajouter : "Si vous êtes incapable de mettre des véhicules sur le marché en moins de deux ans, votre véhicule devient obsolète dès qu'il arrive sur le marché."
Pour accélérer sa production, Valeo a justement noué un partenariat avec le fournisseur cloud AWS. Le but est de gagner en rapidité du développement logiciel, depuis la conception jusqu'à la validation, en passant par les tests et l'intégration. Concrètement Valeo se sert maintenant du cloud pour virtualiser ses laboratoires matériels Une virtualisation qui permet aux développeurs de travailler avec des modèles de capteurs et des unités de contrôle simulées avant même que le matériel physique ne soit disponible. Enfin, pour pousser encore le curseur de l'optimisation, l'équipementier a déployé des systèmes d'inspection optique automatique alimentés par des modèles de machine learning. Ces derniers analysent en continu les composants sur les chaînes de fabrication, détectant automatiquement les défauts qui échapperaient à l'œil d'un humain.
Mais c'est dans le domaine des tests que l'IA dévoile tout son potentiel. Traditionnellement, valider les performances d'un capteur LiDAR nécessitait une piste d'essai de 200 mètres pour simuler différents scénarios de conduite. Grâce à plusieurs modèles d'IA, Valeo parvient à réduire drastiquement la distance nécessaire aux tests. "Nous avons pu compresser la longueur de la piste à seulement 15-20 mètres, en conservant exactement la même qualité de test", nous détaille Joachim Mathes. L'IA permet ainsi de virtualiser les conditions d'un parcours long en analysant et extrapolant les données captées sur une distance plus courte. Une petite révolution qui divise par dix l'espace nécessaire aux tests.
Une approche plus prudente que Tesla sur la voiture autonome
Mais si l'IA accélère déjà la conception et les tests, c'est bien dans la voiture autonome de demain qu'elle prendra toute sa place. L'industrie automobile s'organise autour de cinq niveaux d'autonomie, du niveau 0 (aucune automatisation) au niveau 5 (autonomie totale). Aujourd'hui, les véhicules commercialisés atteignent au mieux le niveau 3, où le conducteur peut déléguer la conduite dans certaines conditions mais doit reprendre le contrôle si nécessaire. L'objectif de Valeo : franchir le cap du niveau 4, où le véhicule gère intégralement la conduite dans un environnement défini, sans intervention humaine requise.
Pour atteindre ce niveau 4, Valeo fait un choix technologique radical qui l'oppose frontalement à Tesla. Là où le constructeur américain mise exclusivement sur des modèles IA de computer vision avec des caméras, Valeo privilégie une approche multimodale combinant radar, LiDAR et caméras. "Les voitures autonomes doivent fonctionner dans un environnement conçu pour les humains. Les humains utilisent principalement leurs yeux pour conduire, mais avoir un niveau de perception humain n'est clairement pas suffisant", argumente Joachim Mathes. Chaque capteur apporte sa spécificité : le radar pour la détection par tous temps, le LiDAR pour la cartographie 3D précise, et les caméras pour la reconnaissance d'objets. "Si un capteur peut rendre la conduite ne serait-ce que 0,2% ou 0,5% plus sûre, c'est significatif car nous parlons de vies humaines", renchérit Özgür Tohumcu d'AWS.
Quant à savoir quand le niveau 4 d'autonomie sera atteint, Valeo reste prudent sur les délais mais confiant sur la faisabilité. "Une chose que vous verrez très bientôt, c'est qu'à basse vitesse, nous allons permettre certaines fonctionnalités de niveau 4", confie Joachim Mathes.