Face à Starlink, l'Europe réunit ses géants pour un Airbus spatial
Airbus, Thales et Leonardo poursuivent des discussions pour regrouper leurs activités satellites. Une décision attendue depuis plus de vingt ans, relancée face à la montée en puissance de Starlink.
Un projet de longue date relancé par l'urgence du marché
Les discussions engagées à la mi-2024 pourraient aboutir à un accord d'ici fin 2025, selon Le Monde. Le projet, baptisé en interne "Bromo", vise à regrouper les activités satellites des trois industriels européens dans une structure unique. Selon la même source, cette nouvelle entité pourrait représenter plus de 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires et être valorisée autour de 10 milliards d'euros, d'après des données relayées par Reuters.
Thales et Leonardo coopèrent déjà dans ce domaine depuis 2007 via Thales Alenia Space et Telespazio. L'ajout d'Airbus viendrait achever cette consolidation. Toujours selon Le Monde, les dirigeants des trois groupes devaient se rencontrer à la mi-septembre pour entamer les négociations sur la valorisation. Un porte-parole de Thales indique : "Aucun accord n'a été trouvé à ce stade. Nous poursuivons notre travail. Tout autre commentaire serait prématuré." Leonardo n'a pas fait de déclaration.
Des difficultés industrielles et une pression extérieure accrue
La transformation du secteur spatial s'est accélérée avec l'arrivée de Starlink, qui repose sur des milliers de petits satellites produits à la chaîne et positionnés en orbite basse. Ce modèle s'oppose à celui, plus traditionnel, des satellites géostationnaires, fabriqués sur mesure et déployés à 36 000 kilomètres de la Terre.
Le marché des satellites géostationnaires commerciaux est passé d'une vingtaine d'unités par an en 2020 à une dizaine aujourd'hui. Ce recul a fragilisé Airbus et Thales Alenia Space, qui ont lancé de vastes plans de restructuration. Airbus prévoit la suppression de 363 postes dans sa filiale Space Systems en France d'ici à mi-2026. Chez Thales Alenia Space, 980 postes pourraient disparaître.
Lors de la présentation des résultats annuels d'Airbus, Guillaume Faury évoquait que "certains acteurs américains perturbent l'écosystème", en visant SpaceX et Starlink, selon Le Monde.
Une fusion à construire
Plusieurs obstacles restent à surmonter. D'après Le Monde, la répartition du capital fait partie des points de friction. Airbus pèserait plus de 50% du chiffre d'affaires de la future entité, contre à peine 20% pour Leonardo. La CFDT d'Airbus Defence and Space soulignait en juillet que "sauf à trouver des contreparties [cessions d'actifs, compensation financière], l'équilibre ne sera pas facile à atteindre".
La gouvernance constitue un autre sujet sensible, les tensions passées sur la nationalité des dirigeants ayant marqué l'histoire d'Airbus. Le projet devra aussi obtenir l'accord de la Commission européenne. Selon le journal, l'Agence spatiale européenne craint une réduction de la concurrence, ce qui pourrait conduire Bruxelles à demander des cessions, notamment au profit du groupe OHB.
Un rapport parlementaire cité par Le Monde appuie ce rapprochement. L'étude du cabinet Syndex y estime qu'un regroupement permettrait de "limiter les aléas en mutualisant les carnets de commandes" et "d'accroître l'effort de R&D".