Assurance santé liée au comportement : le marché évolue en France

Les complémentaires santé lancent des produits digitaux au service de la santé de leurs adhérents. Indispensables pour appréhender la relation assurance/assurés de demain et répondre aux attentes immédiates des clients "collectifs", ces plateformes pourront à terme bouleverser le fonctionnement du marché.

Depuis 2 ans, la majorité des complémentaires santé françaises s’équipent de plateformes digitales santé. Ces services innovants leur permettent non seulement de prendre soin de la santé de leur assurés (le service est très souvent proposé gratuitement) mais également d’engager avec eux une relation correspondant aux nouveaux usages digitaux d’aujourd’hui.Si la réalisation de telles plateformes est complexe, l’approche en faveur de l’utilisateur final est assez simple : proposer un service intuitif, composé de fonctionnalités diverses, pour lui permettre de prendre du recul sur ses comportements, d’adopter de bonnes habitudes et ainsi, de vivre mieux au quotidien.

Un impact sociétal et économique réel
Les premières études (notamment publiées dans The Lancet aux Etats-Unis dans le cadre du projet Better Health, Better Choices) sont très positives quant à l’impact réel de tels suivis digitaux sur la santé des utilisateurs. Et les dernières études de l’Organisation Mondiale de la Santé sur les maladies chroniques le confirment : si les quatre facteurs de risque principaux (sédentarité, mauvaise alimentation, tabac, alcool) étaient mieux appréhendés par les populations, il serait possible d’éviter près de 75% des maladies cardiovasculaires et des diabètes de type 2, et de faire baisser le nombre de cancer de près de 40%.
Ces résultats confortent les complémentaires santé dans leur responsabilité de déployer de tels services : les effets sont réels. Certains argueront que l’intérêt économique n’est pas loin : un assuré qui se maintient en bonne santé coûte forcément moins cher qu’un assuré, en moins bonne santé. Bien sûr ! Mais cette logique financière est salvatrice, à l’heure où le système de santé français doit faire face à l’un des plus grands défis économiques de son histoire. Oui, il est possible pour tous les acteurs (publics, privés) de faire baisser les coûts de santé en France. C’est une bonne nouvelle.
L’attente des assurés est réelle : l’usage de ces services est bon, très bon. Le mouvement de fond est même plus large : les entreprises, pouvant faire bénéficier leurs salariés de tels avantages au travers de leurs contrats collectifs, sont elles-mêmes de plus en plus demandeuses de telles offres.

L'assurance comportementale arrive en France
Sur ce marché bouillonnant, une étape vient d’être franchie : un assureur (Generali) a en effet annoncé le lancement en France de sa propre plateforme digitale santé, Vitality, en Janvier prochain, et assume un fonctionnement clair de récompenses : si vous êtes capables de prouver au service que vous faites les bons gestes pour votre santé, celui-ci vous récompense en bons d’achats valables auprès de quelques marques partenaires.

Le modèle de demain ?
Nous ne sommes pas encore dans le domaine de l’assurance comportementale à proprement parler : le montant de la prime n’évoluera pas encore en fonction de votre comportement. Mais clairement, l’assureur italien vient de franchir le rubicon et lance un mouvement de fond qui permettra sans doute de faire tomber quelques tabous en France.

Tout en conservant en socle l’intérêt moral d’une approche mutualiste (tout le monde paie le même prix pour soutenir ceux qui en ont le plus besoin), n’y a t-il pas des modèles à trouver où, à la marge, le prix de votre complémentaire santé pourrait dépendre de votre comportement, si vous êtes prêt(e) à jouer le jeu ?

Pour l’heure, tous les modèles de services proposés par les assureurs sont très clairs : aucune donnée de l’utilisateur ne remonte à l’assureur, aucune donnée ne peut influer sur les contrats et les montants qu’ils représentent.

Mais demain ? Un utilisateur non fumeur, sportif, acceptant de partager ses données avec son assureur (après tout, un grand nombre de personnes ne trouve pas cela choquant) peut apprécier de voir sa prime aménagée, par rapport à celle de son voisin au mode de vie moins sain. Tant qu’il n’y est pas obligé, et que le fameux voisin n’en n’est pas, en retour, pénalisé.

Bien sûr, de nombreuses précautions sont à prendre, sur la gestion et la sécurité des données, le respect de la liberté de chacun de vivre la vie qu’il veut, etc.

Mais dans une société où les services deviennent de plus en plus individualisés, où les usages digitaux bouleversent notre vie, nul doute que le domaine de la santé, et les modèles économiques qui vont avec, vont être profondément transformés dans les prochains mois.

Et l’impact positif que pourront avoir ces transformations sur l’état de santé des populations en général, ainsi que sur l’économie de nos systèmes de santé fragiles, mérite en tout cas que le débat avance, sereinement.