Les technologies et le handicap : de la résilience au dépassement de soi
Selon les chiffres du dernier rapport mondial sur le handicap publié par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), plus d'un milliard de personnes présentent un handicap, soit 1 personne sur 7 dans le monde. Parmi elles, 970 millions ont besoin de lunettes et d'aide à la vision, 75 millions nécessitent un fauteuil roulant ou encore 466 millions souffrent de déficiences auditives invalidantes, pour ne citer que ces quelques exemples.
Parmi les mesures pour réduire les inégalités et discriminations dont souffrent une majorité des personnes en situation de handicap, les technologies, l’intelligence artificielle (IA), ou encore la domotique constituent un élément clé pour améliorer et faciliter leur quotidien.
Alors que l’épidémie de Covid-19 appelle à la vigilance et au confinement, les technologies tiennent une place plus essentielle que jamais dans la santé, pour accompagner les professionnels et les patients – à l’instar de la généralisation des téléconsultations, en débat et timide progression ces dernières années – afin de permettre de respecter les règles de distanciation sociale. Des plateformes de mise en relation telles que Doctolib se sont ainsi démocratisées afin de désengorger les standards téléphoniques et temps d’attente pour la prise de rendez-vous. Il en est de même pour le dossier médical partagé (DMP) qui permet à un praticien de disposer de l’historique de tout patient qu’il rencontre, simplifiant ainsi le partage d’information et la coordination des soins.
Autant d’outils visant à simplifier le travail des professionnels qui peuvent remettre l’humain au cœur de leurs priorités. Ainsi, Microsoft et le réseau d’écoles du numérique Simplon viennent d’ouvrir en mars 2020, la toute première école française sur l’intelligence artificielle (IA) dédiée au secteur de la santé, au sein du CHRU de Nancy. Il s’agit de la première ouverture sur 20 écoles envisagées pour 2020, et la 13ème école spécialisée dans l’IA ouverte par le duo. Une initiative dans la lignée de la pensée de Michel Serre pour qui "les nouvelles technologies ont condamné les hommes à devenir intelligents".
Aujourd’hui les technologies, plus que des outils, viennent littéralement améliorer la vie des patients, et rendent possible ce qui relevait encore de la fiction il y a encore quelques années de cela.
L’astrophysicien britannique, Stephen Hawking, atteint de la maladie de Charcot, en a été un précurseur en mettant les technologies au service de sa pathologie pour mener une vie normale, poursuivre ses recherches et communiquer avec le monde extérieur. Très récemment, grâce à l’IA, des chercheurs sont parvenus à connecter un exosquelette au cerveau d’un patient tétraplégique, lui permettant ainsi de marcher : une prouesse qui représente un espoir considérable pour les nombreuses personnes souffrant d’un lourd handicap moteur. Des innovations naissent quotidiennement pour aider les personnes handicapées à suivre leurs passions, participer à des compétitions sportives, mener "une vie normale".
Quand nécessité fait loi
Les technologies au service de la personne trouvent souvent leur origine dans la nécessité de trouver une réponse à un besoin personnel, en l’absence de solution adéquate disponible sur le marché. L’inventeur met sa créativité et son expertise au service d’autrui, dans un premier temps, souvent, une personne proche, jusqu’à ce que la technologie s’impose finalement à tous comme une évidence. La tendance née du besoin.
Aujourd’hui, comme le démontre la grand-messe technologique annuelle, le CES de Las Vegas, l’IA et l’apprentissage automatique (machine learning) sont au cœur d’innovations venues pallier nos manques, combler nos désirs, accroître notre indépendance et notre capacité d’action. Vêtements ou accessoires (lunettes, montres connectées, bijoux) comportant des éléments informatiques et électroniques avancés –, afin d’aider les individus dans leur vie quotidienne, dispositifs "wearables" conçus pour répondre à un besoin spécifique, pathologie ou handicap (pancréas artificiel pour les diabétiques, vision artificielle pour les aveugles ou malvoyants).
Ces inventions simplifient le quotidien et améliorent la qualité de vie de tous : celle des personnes vulnérables, comme ces pensionnaires d’Ehpad qui bénéficient de robots de téléprésence pour garder le contact avec leur proches en temps de confinement ; celle des personnes handicapées qui, grâce aux technologies d'assistance, accroissent leur autonomie de manière significative, avec, à la clé, la possibilité de se réaliser pleinement tant professionnellement que personnellement.
Les technologies, au-delà de la résilience
Que le handicap soit de naissance, à l’instar de la cécité, qu’il se soit développé avec le temps ou à la suite d’un accident, la personne qui en souffre est tôt ou tard confrontée à la résilience. Les technologies en sont un facteur. Et au-delà de la résilience, elles doivent permettre de parvenir à la réalisation voire au dépassement de soi.
Les exemples sont multiples notamment dans les milieux sportifs : de Lauren Wasser, mannequin amputée de ses deux jambes à la suite d’un choc toxique, qui s’est lancée dans un marathon, en passant par le motard professionnel Nicola Dutto, devenu paraplégique en 2010 à la suite d’un accident et qui a concouru au Dakar 2019 avec une moto adaptée à son handicap, ne sont qu’un échantillon des exemples d’individus qui aujourd’hui bénéficient des innovations techniques.
Les technologies ont le pouvoir de libérer l’expression du talent de chacun. Elles invitent l’humain à se dépasser pour le meilleur. L’empowerment des individus, la libération du potentiel de chacun et de tous est ce qui animent les travaux de nos chercheurs. La période que nous vivons actuellement montre combien ce bouillonnement créatif peut bénéficier à tous et contribuer à changer le monde.