La tech et les investisseurs se ruent sur le marché de la fertilité par l'IA
Les taux de fécondité diminuent partout dans le monde et plus seulement dans les pays les plus développés. Ainsi, là où de précédentes estimations jugeaient que la population mondiale atteindrait un pic à plus de dix milliards d’êtres humains autour de 2100, d’autres projections prévoient désormais un pic à neuf milliards dès la moitié du siècle. Aucun gouvernement n’a pour l’heure trouvé la recette miracle pour apporter une réponse politique à la baisse de la natalité.
Si convaincre les gens qui ne font pas d’enfant est difficile, il existe en revanche une piste de progression certaine au niveau des couples qui en voudraient, mais ont des difficultés pour y parvenir. D’après l’OMS, 15% des couples en âge d’avoir des enfants font face à des problèmes de fertilité. Un problème qui ne va faire que s’accentuer, du fait d’une combinaison de facteurs allant du changement climatique à la hausse des polluants dans notre environnement, en passant par le fait que les couples cherchent à avoir des enfants de plus en plus tard. Et comme le marché tente toujours de répondre aux problèmes, un réseau d’entrepreneurs se structure pour répondre à un objectif réalisable : permettre aux couples qui veulent des enfants d’en avoir davantage, ou d’en avoir tout court, en s’appuyant sur les nouvelles technologies.
Un marché en pleine croissance
Le marché mondial de la fertilité se porte très bien : les prédictions estiment qu’il devrait croître de près de 10% par an sur les prochaines années, doublant de volume pour passer de 40 milliards de dollars en 2025 à 85 milliards en 2034. C’est actuellement l’Europe qui domine, avec un tiers de parts de marché mondiales en 2024, mais c’est dans la région Asie-Pacifique que l’on trouve le plus fort potentiel de croissance.
La congélation des ovocytes est le traitement qui connaît la plus forte progression. Certaines entreprises, en particulier aux Etats-Unis, ont même commencé à offrir cette prestation à leurs employés, ainsi que des tests de fertilité.
L’IA au service de la fertilité
L’innovation dans le secteur de la fertilité a longtemps stagné. Après l’invention de la fécondation in vitro durant les années 1970, peu de progrès ont été réalisés. Mais le séquençage du génome et les récentes avancées de l’IA ont ouvert une myriade de nouvelles possibilités. Algorithmes d’apprentissage profond et vision par ordinateur permettent d’analyser avec plus de finesse la morphologie des embryons en prévision d’un transfert : c’est ce que proposent les jeunes pousses israéliennes (le pays est l’un des leaders dans le monde en matière de fréquence de la fécondation in vitro) AIVF et Fairtility.
Le traitement des données par l’IA peut également permettre de mieux prédire les cycles d’ovulation afin d’optimiser la prise de médicaments visant à donner un coup de pouce à la fertilité : la start-up britannique Flo Health déploie un tel dispositif.
D’autres, comme la jeune pousse américaine Orchid, s’appuient sur le séquençage du génome et le traitement des masses de données par l’IA pour repérer les embryons comportant un risque de fausse couche, de maladie neurodégénérative, d’anormalité chromosomique et même de futurs cancers.
IA conversationnelles et coachs numériques peuvent enfin assister les patients tout au long du processus. La jeune pousse britannique Aura Fertility propose ainsi un chatbot qui guide, conseille et accompagne les patients misant sur une fécondation in vitro.
Vers un million de bébés conçus in vitro tous les mois ?
Si ces technologies sont encore à un stade embryonnaire, elles ont le potentiel, sinon d’endiguer l’hiver démographique, du moins de favoriser les naissances chez les couples qui souhaitent avoir des enfants. David Sable, un endocrinologue spécialisé dans la reproduction devenu investisseur en capital-risque spécialisé dans les jeunes pousses de la fertilité, estime que la mise en place d’un écosystème de soutien financier adéquat pour ces start-up pourrait permettre de faire rapidement passer le chiffre de 64 000 bébés actuellement conçus par fécondation in vitro dans le monde à plus d’un million.
D’autres, comme Joshua Abram, un serial entrepreneur ayant cofondé Conceivable Life Sciences, une jeune pousse basée à New York qui s’appuie sur l’IA pour automatiser la fécondation in vitro, estimait l’an passé que la technologie pourrait baisser les coûts de la procédure de 70%, la rendant accessible à davantage de couples.
Un écosystème soutenu par le plus gros VCs
Les VCs les plus en vue commencent à fleurer la poule aux œufs d’or. On ne s’étonnera guère d’y retrouver Peter Thiel, milliardaire libertarien passionné de longue date par les biotechnologies et l’industrie de la longévité. Il a notamment investi dans TMRW, qui conçoit un dispositif réfrigérant pour stocker les embryons, les ovocytes et le sperme, et a également récolté des fonds auprès de Susan Wojcicki, l’ancienne patronne de YouTube.
Peter Thiel a également investi dans Gaia, jeune pousse londonienne qui s’appuie sur des algorithmes d’IA pour estimer le taux de réussite de chaque cycle de fécondation in vitro, et déploie un système d’assurance permettant aux patients de ne payer que s’ils parviennent à atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés. Le milliardaire a enfin participé au financement d’un fonds doté de 200 millions de dollars spécialisé dans les jeunes pousses dédiées à la santé des femmes et à la fertilité, géré par Recharge Capital, un fonds d’investissement new-yorkais.
Parmi les gros investisseurs qui lorgnent cette industrie en plein boom, citons encore Andreessen Horowitz. Celui-ci a notamment financé Pomelo Care, un service de maternité virtuelle qui accompagne les femmes tout au long de leur grossesse ; Flo Health, jeune pousse précédemment citée ; ou encore Glow, une application pour aider les femmes à tomber enceinte en suivant leurs cycles menstruels. Le fonds Sequoia, l’un des plus célèbres VCs de la Silicon Valley, a de son côté mis des billes dans Maven Clinic, une clinique virtuelle accompagnant les femmes durant leur grossesse…