Les médicaments génériques menacés par les biotechnologies ?

Les médicaments génériques menacés par les biotechnologies ? Les molécules biotechnologiques sont impossibles à copier. Du coup, le développement de leur version générique revient beaucoup plus cher.

En 2016, sept des dix principaux médicaments en valeur seront issus des biotechnologies, c'est-à-dire fabriqués à partir de cellules ou d'organismes vivants, selon le cabinet IMS Health. Et ces biomédicaments représenteront 17% de la dépense totale de médicaments dans le monde. C'est dire si ce type de traitement représente l'avenir de l'industrie pharmaceutique.

Le développement d'un biosimilaire coûte jusqu'à 200 millions de dollars, contre 2 à 4 millions pour un générique classique.

Or, ceux-ci coûtent cher : un traitement de 8 mois par cetuximab, prescrit contre le cancer colorectal, s'élève par exemple à 32 419 euros en moyenne. Pour éviter une explosion des dépenses de santé, les autorités misent donc sur les génériques de ces médicaments, les biosimilaires. Leur avenir semble d'ailleurs prometteur : la valeur des biomédicaments dont le brevet tombera dans le domaine public d'ici 2015 s'élève à 80 milliards de dollars, selon le cabinet IMAP.

Sauf que... Le cas des biomédicaments est beaucoup moins simple que celui des génériques classiques. D'abord, car on ne "copie" pas une substance biotechnologique comme une molécule chimique. Les organismes vivants à partir desquels elle est fabriquée sont sujets à des variations qui peuvent avoir des conséquences importantes sur leur effet. Cultivées en milieu artificiel, ces molécules sont de plus sensibles à la contamination.

Du coup, un médicament biosimilaire ne sera jamais exactement identique à son modèle. Les autorités européennes ont donc imposé le concept de "similarité" pour délivrer une autorisation de mise sur le marché : le biosimilaire doit prouver qu'il présente les mêmes caractéristiques et propriétés physico-chimiques que le médicament de référence, et qu'il est équivalent en terme d'efficacité et d'innocuité. Ce qui nécessite de réaliser de nouveaux essais cliniques de phase I et de phase III dont sont habituellement dispensés les médicaments génériques.

Autant de contraintes qui renchérissent le coût de développement d'un biosimilaire : celui-ci nécessite plus de sept années de développement et coûte jusqu'à 200 millions de dollars, contre 2 à 4 millions de dollars pour un générique classique. Et ce n'est pas fini : le laboratoire devra aussi investir en marketing auprès de chaque médecin, car la substitution automatique, en vigueur pour les médicaments classiques, n'est pas autorisée en Europe : le praticien est donc le seul à pouvoir favoriser la vente de ces produits.

 
Les biosimilaires face aux médicaments génériques
  Biosimilaires Génériques
Source : IMS Health, Afssaps, Mepha
Part de marché en France (2010) 9,4% (marché des biomédicaments) 15,3% (marché global)
Ventes mondiales en 2010 ($) 311 millions 234 milliards
Ventes mondiales en 2015 ($) 2 à 2,5 milliards% 400 à 430 milliards
Coût de développement ($) 85 à 200 millions 2 à 4 millions
Durée de développement moyenne 6 à 9 ans 3 ans
Etudes cliniques Etudes de phase I et de phase III Etude de bioéquivalence

Bref, les économies attendues pour le système de santé sont bien moindres que pour les génériques normaux. En Allemagne, le pays où les biosimilaires sont le plus développés, le prix de ces derniers représente 61% à 90% de celui des originaux, alors que pour un générique classique, ce taux descend à 26% en moyenne, selon l'institut IGES.

Vers une consolidation du marché

Aujourd'hui, trois grands laboratoires (Sandoz, Teva et Hospira) se partagent 90% du marché des biosimilaires. En raison de la haute technicité et des lourds investissements nécessaires à leur développement, les petits acteurs ont peu de chance de se faire une place à leurs côtés. "La compétition sera moins intense, avec trois à quatre acteurs sur les anticorps monoclonaux, contre 15 à 20 compétiteurs pour les génériques traditionnels", reconnait Paulina Niewiadomska, gérante chez la banque privée Pictet, dans un article de L'Usine Nouvelle.

Aux Etats-Unis, certaines start-ups ont trouvé une parade avec les "Bio-betters" ou "Biosuperiors" : des médicaments biologiques de seconde génération qui sont dans la même classe que les produits biologiques existants, mais pas exactement identiques. En apportant une petite amélioration par rapport au médicament original sans le copier véritablement, elles limitent la prise de risque et contournent la règlementation américaine, encore plus stricte qu'en Europe.