Karim Ferchiou (Voitures Noires) "Les chauffeurs de VTC font plus de 90% de leur chiffre d'affaires avec Uber"

Le fondateur et PDG du premier fournisseur de véhicules pour VTC de France veut lever les freins réglementaires au développement des voitures de transport avec chauffeur.

Karim Ferchiou est le fondateur et PDG de Voitures Noires. © REA / Romain Gaillard

JDN. Vous dirigez le premier fournisseur de véhicules pour VTC en France et présidez l'UNAM (Union des Nouveaux Acteurs pour la Mobilité). Quelle est la plateforme la plus demandeuse aujourd'hui ? Uber a-t-il de réels compétiteurs ?

Karim Ferchiou. Uber est de très loin le leader. En moyenne, j'estime que les chauffeurs font plus de 90% de leur chiffre d'affaires via cette plateforme. Chauffeur Privé est probablement le numéro 2 du marché français. LeCab et Allocab commencent aussi à se différencier. Ces trois sociétés misent sur la réservation à l'avance, alors qu'Uber ne croit pas beaucoup en cette option. Leur créneau c'est de dire qu'ils n'ont pas besoin de la réservation à l'avance car ils garantissent une offre permanente.

Comment voyez-vous évoluer le marché du VTC ? Quel est son potentiel de croissance ?

Les taxis sont réglementés par un numerus clausus or le marché du transport de personne est colossal. Le VTC est l'industrie qui a créé le plus d'emplois sous le quinquennat Hollande. Il y a entre 15 000 et 20 000 chauffeurs aujourd'hui, sans compter les emplois indirects dans les plateformes ou les prestataires comme nous.

"Le VTC est l'industrie qui a créé le plus d'emplois sous le quinquennat Hollande"

Ces emplois sont économiquement viables, c'est-à-dire non aidés. C'est une opportunité formidable que l'on ralentit mais que l'on ne pourra pas arrêter. Je suis tout à fait d'accord pour préserver le modèle économique des taxis. Ils rendent un réel service. Mais la demande est en train d'exploser et il faut travailler à faire du VTC une vraie alternative pour le transport urbain et péri-urbain. Si l'on encourage de plus en plus de citoyens à utiliser les VTC, nous avons là une solution efficace pour décongestionner les centres-villes et pour limiter la pollution.

Quels sont les leviers de croissance pour les acteurs du secteur ?

J'ai envoyé début janvier une liste de recommandations au nouveau médiateur du dossier, Jacques Rapoport. Pour développer le transport de personnes, il faut faire évoluer la réglementation de ces véhicules et limiter les charges qui pèsent sur les chauffeurs.

On pourrait par exemple inciter les VTC à avoir des véhicules moins polluants que la moyenne plutôt que de les forcer à avoir de grosses berlines. Nous voudrions aussi que les VTC aient la possibilité de prendre les voies de bus et de les rendre éligible aux services à la personne, et permettre ainsi au client particulier de déduire 50% du montant de sa course de son impôt sur le revenu. Cela libérerait un grand pouvoir d'achat et redonnerait de la marge aux chauffeurs.

"Nous voulons que les VTC soient éligible aux services à la personne"

Il faut également changer les examens VTC, qui posent des questions sur l'Histoire plutôt que sur la sécurité routière, et encourager les chauffeurs à s'équiper de systèmes intelligents. Il existe par exemple une technologie qui permet en cas de choc avec un piéton de soulever automatiquement le capot pour amortir le choc.

Quant à l'argument écologique, la ville de Paris donne par exemple des compléments bonus aux taxis qui achètent des véhicules électriques. Seuls 4 en ont profité. Nous, nous avons acheté plus de 2 000 véhicules, des choses intelligentes auraient pu être faites… Nous proposons également d'offrir la TVA aux clients des VTC en cas de pic de pollution.

Après le récent mouvement de grogne de certains chauffeurs de VTC, quel est l'état d'esprit général ?

Un petit pourcentage de chauffeurs a des revendications dont il y a un grand débat sur la légitimité. Ces chauffeurs ont fait partie des premiers à avoir travaillé pour les plateformes. Ils bénéficiaient à l'époque d'une course minimum qui pouvait atteindre 15 euros et d'une clientèle premium qui était prête à payer cher pour le service. Mais ils n'ont pas vu le service se démocratiser et ils ont investi dans des voitures à 70 000 ou 80 000 euros. Mais si le marché a gagné en volume, il a considérablement perdu en marge. Ils n'acceptent pas cela mais dans ce cas il ne faut pas travailler avec les acteurs existants du marché et créer sa propre plateforme.

Où en est Voitures Noires dans son développement ?

En janvier 2014, nous avions une douzaine de véhicules. Aujourd'hui notre flotte est composée de plus de 2 800 véhicules. Cela représente, je pense, deux fois plus que la flotte cumulée de tous les autres fournisseurs de véhicules pour VTC sur le marché français. La première année nous avons fait 300 000 euros de chiffre d'affaires, 3 millions la deuxième, 19 millions en 2016 et nous sommes en route vers les 30 ou 35 millions d'euros en 2017. Et ce en stabilisant la taille de notre flotte car nous allons faire un peu de rotation et renouveler des véhicules.

"Nous sommes en route vers les 30 ou 35 millions d'euros de CA en 2017"

On vit aussi une crise d'hypercroissance et il faut nous structurer. Nous sommes passés de 100 euros de chiffre d'affaires par jour à 100 000 euros en très peu de temps, donc il faut se poser et mettre en place une équipe pour gérer tout cela. Nous avons une centaine de collaborateurs qui y travaillent. Nous sommes déjà présents à Paris, Lyon et Nice et nous avons fait des tentatives à Bordeaux et à Toulouse mais les marchés sont encore trop jeunes pour porter une structure comme la nôtre. Nous préférons pour l'instant élargir notre offre de produits. Nous avons par exemple notre propre assurance dédiée aux chauffeurs de VTC, même s'ils ne sont pas nos clients.

Prévoyez-vous de vous étendre à l'international dès cette année ?

Nous avons cette ambition forte d'aller à l'étranger mais cela prendra du temps car cela pose de nombreux problèmes de logistique. Les ateliers débordent de travail dans les grandes agglomérations où il y a nombreux petits accidents. Il nous faudra notamment internaliser un savoir-faire d'après-vente de manière capitalistique ou via un partenariat exclusif. Aujourd'hui nous ne maîtrisons pas suffisamment cela.