Les services de mobilités courtisent les villes au Smart City Expo

Les services de mobilités courtisent les villes au Smart City Expo Autre fois très B2C ou B2B focalisés sur le privé, les acteurs des mobilités ciblent de plus en plus les villes. Illustration au salon smart city de Barcelone, qui leur a dédié une bonne partie de son espace.

Smart City Expo n'a pas su non plus résister à l'invasion. A peine le seuil du salon franchi, le visiteur tombe sur une énorme piste où trois personnes essaient des trottinettes jaunes fluo de l'opérateur allemand Wind, casque vissé sur la tête. Une première impression à l'image d'une bonne partie du salon cette année. L'un des deux halls de Smart city expo, le salon de Barcelone dédié à ville intelligente, est cette année réservé aux mobilités. Si l'on y retrouve des habitués du B2B et de la relation avec les villes, comme Alstom, Keolis ou encore EasyMile et Navya, on y croise aussi cette année une nouvelle fournée d'entreprises : des services de mobilités, des fabricants de hardware en pagaille (trottinettes et vélos et tête), et des spécialistes de la donnée qui veulent aider les villes à mieux contrôler et comprendre tous ces nouveaux flux.

Pour les opérateurs de services de mobilités, comme Cityscoot ou Wind qui exposent sur le salon, il s'agit d'une forme de prise de conscience. S'ils ont commencé avec des business très portés sur le grand public, ils doivent de plus en plus composer avec les villes, présentes en nombre sur le salon.  Celles-ci veulent reprendre le contrôle de services qui, estiment-elles, font une utilisation commerciale de l'espace public qui doit être régulée. L'exemple le plus parlant est celui des trottinettes, arrivées à la hussarde en Europe il y a deux ans. Désormais, partout sur le Vieux continent, les villes organisent des appels d'offre ou mettent en place des licences avec des prérequis de qualité de service élevés.

Diversification

"Les mobilités sont en train de devenir une brique intégrée à la smart city", ajoute Manuel Trigo Jiménez, en charge du développement du business de Karhoo en Espagne et au Portugal. Cette plateforme, rachetée par Renault en 2017, agrège en une seule source les offres de plusieurs sociétés de taxis et VTC sur un même marché. Elle a par exemple décroché un contrat avec la SNCF pour gérer les propositions de taxis et VTC au sein de l'Assistant, l'agrégateur de services de mobilités du groupe, dans toute la France (hors Île-de-France), ainsi qu'avec son équivalent espagnol, Renfe. Karhoo est venue prospecter les villes car elle cherche désormais comment elle pourrait leur partager toutes les données qu'elle collecte, par exemple sur les pics et creux de demande.

Le français Geovelo a également commencé par le B2C, avant de se tourner vers les villes. Son application, est une sorte d'assistant pour cyclistes qui leur propose une navigation optimisée en fonction des pistes cyclables disponibles et du type de vélo utilisé (personnel ou en free-floating, électrique ou manuel), ainsi que des itinéraires de balades. Difficiles à monétiser auprès du grand public dans une app gratuite, ces données peuvent en revanche inciter les villes à sortir le chéquier. "Nous sommes en train d'évoluer en fournisseurs de données pour les collectivités", résume Antoine Laporte Weywada, directeur du développement chez Geovelo. Nous pouvons leur indiquer la qualité des routes, via les secousses du téléphone, ou encore les itinéraires les plus empruntés . La start-up est sous contrat avec 18 villes françaises dont Paris, Lyon et Nantes et a réalisé une première percée internationale avec Genève.

Aide à la régulation

D'autres start-up, comme Vianova capitalisent sur la reprise en main des villes sur les services de mobilités. Dans celles qui ont commencé à réguler les services de free-floating, Vianova se place en intermédiaire entre la collectivité et les opérateurs, afin de vérifier que ces derniers respectent leurs engagements. La start-up a signé deux contrats pilotes gratuits avec Zurich et Faro (Portugal), et un premier payant d'un an avec Bruxelles. La ville peut accéder à une vision d'ensemble de toute la flotte présente sur son territoire et zoomer sur un véhicule précis, aussi bien en temps réel que sur plusieurs jours. Ou encore se pencher sur un opérateur en particulier, par exemple pour vérifier qu'il répartit bien ses appareils de manière uniforme, plutôt qu'en ciblant les quartiers les plus rentables. "Nous avons aussi mis en place un canal de communication entre la ville et les opérateurs pour les avertir d'un manquement, leur signifier qu'ils ont reçu une amende ou les prévenir qu'un de leurs véhicules a été mis en fourrière", précise Thibaud Febvre, co-fondateur de Vianova.

Mais ces nouveaux entrants devront composer avec des poids lourds qui se sont tournés depuis plus longtemps vers les données de mobilité. C'est le cas de l'Israélien Mobileye, fournisseur de capteurs et technologies d'assistance à la conduite (ADAS) et de véhicules autonomes, racheté pour 15 milliards de dollars par Intel en 2017. Il y a deux ans, l'entreprise avait présenté un nouveau produit dédié aux villes :  la création d'une cartographie des endroits où sont déclenchés le plus souvent des freinages d'urgence pour identifier les zones les plus accidentogènes. Deux ans plus tard, ce produit utilisé par Barcelone, New York ou encore Daegu (Corée du Sud) a énormément progressé pour aller bien au-delà d'applications de sécurité. Les radars, lidars et caméras de Mobileye cartographient automatiquement l'infrastructure comme les feux et les panneaux de signalisation. Ils sont aussi capables d'analyser le trafic de manière très fine, jusqu'à préciser quelle file d'une même route est la plus congestionnée. Son algorithme peut aussi calculer l'itinéraire le plus sûr ou le plus rapide pour n'importe quel trajet donné. Pour réorganiser leur offre de transports, les collectivités ont désormais une foule d'outils à leur disposition.