Flight shaming : le transport aérien sous pression

Face au flight shaming (la honte de prendre l’avion), la Suède voit son trafic aérien décroître depuis près d’un an. Il s'agit d'une exception : la tendance est à la hausse dans le reste du monde monde.

Pas un jour sans que le phénomène de flight shaming - la honte de prendre l’avion - ne soit traité par les médias. La Suède voit même son trafic aérien décroître depuis près d’un an. Mais il semblerait que le cas suédois soit une exception à l’échelle de la planète. Car les chiffres et les perspectives du secteur aéronautique montrent que cette industrie se porte bien.

Revenons tout d’abord sur le cas de la Suède. Sur les sept premiers mois de l’année, la diminution du nombre de passagers a été, selon les autorités suédoises, de 3,8 %. Le nombre de passagers sur les vols intérieurs connait une chute de 8,7 % tandis que, sur les vols vers l’étranger, la baisse est de 2,6 %. Phénomène conjoncturel ou tendance à long terme ? Il est encore trop tôt pour le dire mais l’activisme de Greta Thunberg, conjugué à l’instauration d’une taxe écologique sur le transport aérien, a vraisemblablement fini par influencer les citoyens suédois.

A l’inverse, nombre d’études ou de projections annoncent des chiffres qui prennent le contrepied absolu de ce qui se passe en Suède. Selon Airbus, d’ici 2039, la flotte d’avions doublera purement et simplement, passant de 23 000 appareils actuellement en service aujourd’hui dans le monde, à 48 000. L’avionneur européen croit même qu’une neutralité carbone est possible, grâce au renouvellement de la flotte actuelle par des avions moins énergivores. De son côté, l’IATA - l'association internationale du transport aérien – prévoit un doublement du trafic mondial sur les 20 prochaines années, passant de 4,3 milliards de passagers en 2018 à 8,2 milliards en 2037. La compagnie indienne à bas coûts IndiGo est sur le point de commander à Airbus plus de 300 avions comprenant des A320Neo et des A321 XLR, une nouvelle version du monocouloir à plus long rayon d'action.

En France, le nombre de passagers prenant l’avion a augmenté de 5,1% de 2017 à 2018 et la tendance est quasi-identique sur les 8 premiers mois de 2019. Du côté du rail, la croissance est elle aussi au rendez-vous. Avec 92,4 milliards de passagers/km (indicateur de référence multipliant le nombre de passagers par le nombre de km parcourus), la hausse est de 7 % entre 2016 et 2018. L’augmentation du nombre de passagers est, elle, de près de 6 % entre 2015 et 2017, soit 1,4 milliard de personnes transportées par le rail.

Impact sur les entreprises

Les entreprises, lorsqu’elles rédigent leur politique de voyage, font avant tout preuve de pragmatisme. Si le train est plus pratique que l’avion, alors ce mode de transport sera privilégié et proposé dans l’outil de réservation en ligne (SBT) mis à disposition des employés. Par exemple, on observe ce cas notamment au départ de Paris vers Londres, Bruxelles, Amsterdam ou certaines capitales d’Europe de l’est. Sinon, au-delà de 3 heures de trajet, c’est l’avion qui prime. Dans la majorité des cas, l’avion prime aux Etats-Unis et en Asie. De par l’étendue des territoires et la fréquence des déplacements, il est très compliqué de ne pas prendre l’avion dans ces zones.

En France, nous avons la chance de disposer d’un réseau ferroviaire très performant. Tout comme en Suède, il est donc aisé pour une personne de privilégier le train par rapport à l’avion car de réelles alternatives existent. Aujourd’hui, il est très rare de trouver une personne effectuant un Paris-Lyon en avion alors que la ligne TGV mise en place entre ces deux villes est fiable et bien plus rapide. Le renforcement des contrôles de sécurité au sein des aéroports et leur éloignement des centres ville disqualifient de plus en plus fréquemment l’avion au profit du train. Mais le train ne remplacera que très difficilement un vol moyen ou long courrier.

Des revendications de plus en plus fortes

Cela étant, les acteurs du transport doivent se préparer à répondre favorablement aux revendications écologistes de plus en plus fortes de leurs clients, qu’ils soient particuliers ou entreprises. Comme évoqué précédemment, l’industrie aéronautique croit à un doublement de sa flotte d’avions d’ici 2039 avec une empreinte carbone équivalente à celle de 2020 (croissance neutre en carbone). Pour cela, il va lui falloir mettre en œuvre les moyens adéquats et, surtout, communiquer efficacement sur les actions qu’elle entreprend. On suivra notamment avec attention le programme CORSIA, programme de compensation et de réduction des émissions de CO2 pour l’aviation internationale.

Mais, au-delà des solutions techniques, les compagnies aériennes vont devoir faire preuve d’imagination pour ne pas se faire rattraper par la patrouille environnementale. Certaines compagnies ont déjà testé la facturation d’un supplément à leurs clients pour compenser le carbone émis. C’est assez impopulaire. D’autres allègent leurs avions en supprimant les ventes duty free en vol. Pourquoi pas. Laissons à toutes les idées la chance d’être testées ! L’enjeu est de taille pour les acteurs du transport aérien. Face à une opinion de plus en plus sensible au sujet de l’environnement, cette industrie doit communiquer clairement sur ses actions et sur ses résultats, au risque de voir son image se dégrader et son activité décroître.