Les véhicules hybrides sont-ils la solution pour atteindre les objectifs européens de réduction des émissions ?
L’industrie automobile se tourne vers l’électrique et les hybrides constitueront une solution déterminante à court terme.
Partout dans le monde, des initiatives pour accroître l’efficacité énergétique des véhicules automobiles sont lancées pour satisfaire tout un chacun, des élus aux consommateurs en passant par les groupes d’intérêts particuliers. C’est particulièrement le cas en Europe où ont été adoptées en décembre dernier des mesures cherchant à limiter le réchauffement climatique et prévoyant de nouvelles réglementations pour réduire le niveau des émissions de CO2 du transport routier. Les constructeurs automobiles devront améliorer leur bilan de 37,5 % entre 2021 et 2030 par rapport à un niveau déjà réduit de 130 g/km en 2015 à 95 g/km fin 2021.
La définition de ces valeurs ne s’est pas faite sans mal. Les ONG demandaient une réduction de 50 % des émissions, le Parlement européen souhaitait une réduction de 40 %, le Conseil de l’UE préférait une réduction de 35 %, et la Commission européenne préconisait un effort de 30 %. En décembre, le gouvernement français s’est vu attaqué en justice pour inaction climatique, "l’Affaire du siècle", avec à la clé une des plus importantes pétitions de l’histoire de France (plus de 2 millions de signatures recueillies).
Il est clair que gouvernements, industriels et consommateurs ont conscience que des mesures doivent être prises. Les plus alarmistes considèrent les objectifs adoptés comme des demi-mesures, mais le secteur automobile et les défenseurs de l’environnement ne ménagent pas leurs efforts pour faire coïncider les attentes des consommateurs et le respect de l’environnement. L’Association européenne des constructeurs automobiles a tiré la sonnette d’alarme pour un secteur qui occupe quelque 13 millions de personnes dans l’Union européenne. Alors comment l’industrie automobile va-t-elle atteindre ces objectifs ambitieux ?
Le potentiel des moteurs hybrides
Le secteur de l’automobile s’accorde à penser qu’un passage généralisé aux véhicules électriques à batterie permettra de se conformer à la réglementation. Si cela est vrai en théorie, en pratique un bouleversement d’une telle ampleur ne peut être ni rapide ni facile. Pour le mener à bien, il faudra développer une multitude de technologies alors que ce n’est pas la seule solution capable de réduire les émissions à zéro ou presque, comme le prouvent les piles à combustible.
Une option immédiate est d’adopter et de développer des solutions efficaces déjà disponibles aujourd’hui. Si, à l’heure actuelle, ils font moins la une que les véhicules électriques à batterie, les véhicules hybrides rechargeables continuent d’afficher une croissance constante sur le marché et constitueront un élément essentiel pour réduire les émissions. Les véhicules hybrides sont déjà disponibles, à une échelle et à des prix accessibles à la majorité des consommateurs, et offrent la souplesse nécessaire pour avoir un impact dès maintenant.
Le cabinet d’analystes IHS prévoit d’ici à 2025 pas moins de 33 millions de voitures hybrides sur les routes du monde entier, soit 30 % du parc automobile mondial. Dans notre transition vers des technologies à émissions nulles comme l’électrique à batterie et les piles à combustible, nous ne devons donc pas perdre de vue les hybrides comme solution intermédiaire très efficace.
Le long chemin vers les véhicules électriques à batterie
Certains voient les véhicules hybrides comme une technologie de transition, c’est-à-dire qu’elle finira par être remplacée par une technologie supérieure, ou que ces véhicules ne sont pour les consommateurs qu’une porte d’entrée et un point de départ dans l’électrification, utiles le temps que le secteur sorte des moteurs essence et diesel. Que les hybrides soient in fine complètement éliminés au profit de l’électrique, des piles à combustible ou d’une combinaison de technologies, ils constitueront une solution pour plusieurs dizaines d’années et pour la plupart des consommateurs une option plus réaliste pour au moins les 5 à 10 prochaines années.
Les véhicules hybrides offrent aujourd’hui une flexibilité que les moteurs électriques ne peuvent pas encore égaler. D’abord, les hybrides sont adaptés autant aux déplacements urbains qu’aux trajets longue distance. De nombreux véhicules hybrides offrent plus de 60 km d’autonomie en mode entièrement électrique, bien assez pour des trajets courts, avec le moteur à combustion à disposition pour les trajets plus longs. Cela permet de réduire le stress de devoir trouver des bornes de recharge le long du trajet.
Alors que le gouvernement français s’est engagé à porter le nombre de stations de recharge à 100 000 d’ici trois ans, elles n’étaient encore que 25 000 au 31 décembre 2018. Un déploiement massif coûterait entre 30 et 108 milliards d’ici 2040. Pour avoir des voitures 100 % électriques, il faut un réseau de bornes de recharge dans tout le pays afin de répondre aux réticences les plus communes des consommateurs, comme la peur de tomber à court de batterie et les temps de recharge.
Le long chemin à parcourir pour régler les questions de production doit également être gardé à l’esprit. De grands constructeurs automobiles partout dans le monde font face à des pénuries de batteries et à des listes d’attente pour les véhicules, et nous n’en sommes encore qu’aux débuts de l’adoption des véhicules électriques. Au fur et à mesure que l’intérêt des consommateurs croîtra, les chaînes d’approvisionnement des batteries seront de plus en plus sous tension, l’industrie minière s’efforçant de répondre à la demande en nickel, cuivre et autres minéraux nécessaires aux batteries des véhicules électriques. Les véhicules électriques à batterie nécessitent généralement un développement moteur entièrement différent. L’hybridation, en revanche, peut souvent être intégrée directement aux moteurs existants.
Au total, selon un rapport parlementaire, le passage de l’ensemble du parc automobile français aux voitures électriques coûterait 500 milliards d’euros sur les 20 prochaines années. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas à terme un investissement valable. Mais, à ce stade, nous devons mettre à profit une technologie nous offrant une solution à court terme. Il nous faut une technologie qui offre les gains d’efficacité nécessaires aujourd’hui pour répondre aux nouvelles réglementations tout en donnant au secteur le temps de développer davantage le cadre nécessaire à un passage total à l’électrique – du développement des batteries aux infrastructures routières en passant par l’accompagnement des conducteurs. Les véhicules hybrides ne sont pas une nouveauté, mais il ne faudrait surtout pas les rayer trop tôt comme moyen pour notre société d’accomplir sa mission d’une plus grande efficacité automobile.