Avec la loi mobilités, pas de décrets, pas de visibilité

Avec la loi mobilités, pas de décrets, pas de visibilité De nombreux pans de ce texte promulgué fin 2019 sont encore flous, car ils doivent être précisés par décrets et ordonnances. Récapitulatif des principaux points à éclaircir pour le secteur.

La Lom, c'est fini. Ou presque. Si la loi d'orientation des mobilités (Lom) a été adoptée en novembre, puis promulguée fin décembre, elle demeure parfois bien floue. Car le texte renvoie fréquemment à des décrets d'application et ordonnances ultérieurs pour préciser certaines de ses dispositions. Les trois quarts doivent être publiés dans les six mois suivant la promulgation de la loi, soit d'ici juin, le reste plus tard en 2020. A l'exception de quelques transpositions de règlements européens qui mettront davantage de temps à se matérialiser. Le JDN a fait le point avec le ministère chargé des Transports sur les dossiers qu'il reste à éclaircir.

Des exigences raisonnables pour les trottinettes

Le gouvernement a six mois pour formuler des recommandations sur le niveau d'exigence que les collectivités pourront attendre des entreprises lorsqu'elles organiseront des appels d'offres pour réguler des service de mobilités en free floating, ce qui pourrait être déterminant pour la rentabilité des opérateurs choisis. Une mesure qui devrait principalement concerner les trottinettes, plutôt que les vélos, les scooters ou l'autopartage.

Parmi ces exigences à préciser : le délai dans lequel des engins hors d'usage doivent être remisés, la finesse des données fournies par l'opérateur à la collectivité, ou encore les mesures que doivent prendre les opérateurs pour faire respecter les règles de circulation et de stationnement par leurs utilisateurs. Des discussions seront menées avec ces entreprises pour déterminer ce qu'elles considèrent comme acceptable sur ces différents volets. Les collectivités ne seront cependant pas obligées de suivre ces recommandations.

Mieux défrayer les covoiturages

Le covoiturage aussi attend des précisions cruciales. D'abord un décret qui rehaussera le barème kilométrique fiscal et les conditions dans lesquelles l'argent reçu par un conducteur est considéré comme un dédommagement, et non pas comme des revenus imposables. Ce qui doit rendre la pratique plus attractive pour les conducteurs, en particulier sur le covoiturage-courte distance. Car les plateformes de réservation rencontrent un problème d'offre : elles n'arrivent pas à servir des covoiturages à tous les passagers qui en cherchent, faute de recruter assez de conducteurs.

Autre mesure phare pour inciter au covoiturage, les voies réservées, dont l'utilité dépendra de la qualité des technologies de contrôle, qui peuvent être trompées par des fraudeurs souhaitant profiter de la voie covoiturage moins embouteillée aux heures de pointe. L'Etat souhaite lancer un marché d'innovation pour produire des matériels et technologies homologués, qui prendront plusieurs images sous différents angles pour détecter automatiquement les autosolistes se trouvant sur la voie. L'objectif est que tout soit prêt pour 2021. En attendant, là où des expérimentations sont déjà menées, il s'agira de vidéo-verbalisation classique via des caméras de surveillance scrutées par des agents.

Doter les chauffeurs VTC de représentants

Du côté des VTC, et d'ailleurs d'autres plateformes de mises en relation comme Deliveroo ou Uber Eats, la Lom s'est plutôt amenuisée que précisée. Le Conseil constitutionnel a partiellement censuré un article qui offrait la possibilité d'établir des chartes entre plateformes et auto-entrepreneurs travaillant pour leur compte. Le mesure retoquée, et dont se réjouissaient les plateformes VTC, les protégeait contre tout futur procès en requalification, entérinant leur modèle économique contournant le salariat. Le reste de la charte demeure, avec des éléments majeurs comme la permission pour les chauffeurs de refuser des courses sans être sanctionnés, et de connaître leur prix final à l'avance. A présent, le gouvernement a lancé une mission de concertation d'un an, qui doit aboutir à une ordonnance définissant la manière dont les chauffeurs seront représentés dans leurs négociations avec les plateformes, bien que des instances existent déjà.

Propulser les véhicules autonomes

L'un des textes les plus vagues est probablement celui concernant les véhicules autonomes. Il donne simplement les pleins pouvoirs au gouvernement pour légiférer par ordonnance pendant deux ans pour faciliter l'arrivée de véhicules autonomes commerciaux. Première étape d'ici le mois de mai : une ordonnance autorisera ce type d'opérations pour les navettes autonomes dans le cadre de réseaux de transport en commun, qui pourront être supervisées à distance, et plus avec un opérateur de sécurité à bord comme c'est aujourd'hui exigé dans toutes les expérimentations. Viendra ensuite une seconde ordonnance précisant les responsabilités de chacun en cas d'accident, puis un rapport, au plus tard un an après promulgation de loi proposant des solutions pour permettre l'émergence de services de véhicules autonomes privés. Ce rapport donnera lieu à une ou plusieurs nouvelles ordonnances. (Lire Véhicule autonome : en 2020, la France veut enlever les petites roues)

Qui touchera la manne du forfait mobilités durables ?

D'un montant de 400 euros par an, le forfait mobilités durables permet à l'employeur volontaire de défrayer les trajets de ses employés réalisés avec des modes de transport vertueux, en plus des indemnisations obligatoires pour les transports en commun ou les frais kilométriques en voiture. Le covoiturage ainsi que le vélo sont sûrs d'en faire partie, mais le gouvernement doit encore préciser par décret si d'autres services, comme l'autopartage ou les trottinettes en libre-service, y seront intégrés. Les modalités d'application pour les personnes disposant de plusieurs employeurs, ainsi que les dispositifs de contrôle, devront aussi être définis. Certains, comme la preuve de covoiturage, en sont déjà à des stades de développement avancés.

Ouverture plus ou moins grande de données

Transpositions de règlement européen, plusieurs ouvertures de données sont prévues par la Lom, mais pas encore actives. Une ordonnance qui sera présentée au conseil d'Etat en mai doit forcer les services de navigation comme Waze à fournir leurs précieuses données aux autorités et collectivités. Il faudra détailler quel niveau de finesse sera demandé dans les données GPS et à quelle fréquence elles devront être actualisées. Un travail devra aussi être fait avec la Cnil pour définir à quel point les données pourront être brutes sans attenter à la vie privée des utilisateurs. Enfin, les données de billettique de toutes sortes de services de transports privés et public devront être complètement ouvertes au plus tard en 2021, aussi bien pour des informations statiques que dynamiques.