Non, le voyage d'affaires n'est pas mort !

Alors que les voyages sont toujours en pause après la fin du confinement, le digital et le travail à distance ont mis en exergue de nouvelles manières d'appréhender nos déplacements professionnels de demain.

COVID-19, grèves des transports, éruption volcanique d’Eyjafjöll, crises financières ou encore attentats terroristes, l’industrie du voyage d’affaires est coutume des ruptures brutales et des crises sans précédents. Dans le cas de la crise actuelle, le confinement et l’arrêt net des voyages a été un véritable coup de semonce. Selon une étude menée de Bpifrance début mai[1], 2020 devrait connaître une baisse de 34% des déplacements professionnels domestiques et une chute de 62% pour ceux prévus à l’étranger. De la même façon, les voyages professionnels des étrangers en France devraient diminuer de - 55%. Quant au secteur de l’évènementiel professionnel, la baisse du chiffre d’affaires du secteur sur 2020 est estimée à - 50% soit près de 2,2 milliards d’euros, avec une période de mars à juillet en inactivité totale et une reprise lente et partielle à partir de septembre.

Ces lourdes pertes financières chiffrées à environ 40 milliards d’euros pour l’ensemble du secteur du voyage[2] en France, et l’ensemble des mesures sanitaires et sécuritaires appliquées à chaque déplacement font que la crise du COVID-19 a au moins une vertu : celle de repenser, dès aujourd'hui, la manière dont nous voyageons.

1. La sécurité des collaborateurs sera plus que jamais primordiale

La brutalité de la crise a forcé les entreprises à agir et réagir rapidement en prenant des mesures exemplaires en matière de sécurité à l’égard de leurs collaborateurs. Télétravail pour les uns, suivi à distance ou rapatriement pour les autres, il est plus que jamais important de connaître précisément les itinéraires et points de chute des collaborateurs pour pouvoir assurer leur sécurité. Avant la crise, moins d’une entreprise sur quatre possède un dispositif de gestion de crise lors des déplacements de collaborateurs à l'étranger[3].

2. La digitalisation doit être le mot d’ordre pour les entreprises

La crise a mis en exergue la nécessité pour les entreprises d’adopter des outils 100% numériques qui facilitent le quotidien de leurs collaborateurs : réservation, suivi personnalisé, information sur la sécurité, assistance, gestion des frais professionnels, reporting sont désormais des pré-requis. Les entreprises ne peuvent plus uniquement s’appuyer sur des solutions B2C qui ne donnent pas ces éléments d’information.

3. Le voyage d’affaires sera éco-responsable et plus vertueux

L'industrie du voyage est l’une des plus polluantes au monde. Bien qu’il existe déjà des indicateurs de performance d’une destination ou d’un professionnel, ou l’affichage des émissions carbone, force est de constater que l’industrie est à la traîne en matière de respect de l’environnement. Selon les calculs du cabinet EcoAct, une visioconférence en remplacement d’un trajet non essentiel de 600 kms génère un gain de 0,15 tonne équivalent pétrole, pour une économie de 340 euros[4]. On sait également qu’un trajet en avion est 1 500 fois plus polluant qu'un voyage équivalent en TGV[5], et que Bercy a déjà demandé à certaines compagnies aériennes comme Air France de s’engager sur une réduction de 50 % son volume d'émission de CO2 sur ses vols métropolitains d'ici à la fin 2024. La question des déplacements de courte distance reste centrale : l’aérien devrait être remplacé par le rail pour les trajets de moins de 3h et le co-voiturage professionnel, en respectant les mesures sanitaires, devrait continuer de croître dans les prochains mois.

4. La patience et la préparation seront de rigueur

Si la reprise du secteur est annoncée lente et progressive (étude Bpifrance), elle se couplera à des mesures de prévention et de restriction. La SNCF, Thalys, Eurostar, les compagnies aériennes, taxis et Uber ont déjà rendu le port du masque obligatoire. Les aéroports internationaux comme Paris Roissy-Charles de Gaulle sont en train d’étudier la possibilité d’installer des sas de désinfection des bagages ou des caméras thermiques comme l’a déjà mis en place l’aéroport de Singapour dès 2003 alors en pleine épidémie de Sras. Les déplacements plus lointains ne seront pas aussi simples qu’auparavant, à cause de temps d'attente plus longs lors des contrôles aux frontières, aux guichets, ainsi que l’éventualité de devoir présenter de nouveaux documents en plus du passeport pour se rendre dans des zones où le COVID-19 n'est plus actif.

5. Le choix de se déplacer sera plus réfléchi

Même après la fin du confinement, beaucoup d'entre nous seront plus réticents à voyager, en particulier vers des destinations qui ont été fortement touchées ou qui ont des infrastructures médicales peu développées. Le choix du lieu et de la date de nos déplacements deviendra une décision beaucoup plus responsable, humainement et professionnellement. Les collaborateurs aborderont le choix de voyager de manière beaucoup plus éclairée, et pourront même s’y opposer.

Enfin, la question de la modification des conditions de séjour, ainsi que  celle du remboursement en cas d’annulation devra être également éclaircie. La crise du COVID-19, bien que modérée par le cas de force majeure, a coûté des milliers d’euros aux entreprises qui ont dû renoncer à des déplacements professionnels prévus de longue date. Les assureurs, mais aussi les tour opérateurs et OTA devront répondre à ces questions dans les prochains mois pour garantir les voyages.

Loin de prôner le “zéro voyage”, il est nécessaire d’appeler les entreprises à voyager moins mais mieux, à être davantage responsables tant pour la santé et la sécurité de leurs collaborateurs que pour notre planète. Masques, gants, bagages désinfectés, non ce n’est pas un épisode de Black Mirror mais bel et bien le visage du voyage de demain.

[1] Etude Bpifrance 2020 https://www.deplacementspros.com/mobility-management/deplacements-professionnels-vers-une-baisse-drastique-des-voyages-a-letranger?utm_source=newsletter-294&utm_medium=Email&utm_campaign=Newsletter

[2] https://www.lefigaro.fr/vox/politique/l-appel-d-une-soixantaine-de-parlementaires-au-patriotisme-touristique-20200420

[3] https://www.usinenouvelle.com/article/securite-des-collaborateurs-a-l-etranger-les-entreprises-font-encore-l-autruche.N378533

[4] https://www.lemonde.fr/flottes-d-entreprise/article/2016/10/19/comment-rendre-les-deplacements-professionnels-moins-couteux-et-moins-polluants_5016413_1779527.html

[5] https://www.geo.fr/environnement/un-trajet-en-avion-est-1-500-fois-plus-polluant-quun-voyage-equivalant-en-tgv-195580