La France et la trottinette électrique : je t'aime moi non plus ?

En 2019, les ventes de trottinettes électriques ont bondi de 105 % pour atteindre 478 000 unités. A l'heure du déconfinement, a-t-elle toujours sa place ?

La trottinette électrique au cœur de l’essor de la micromobilité en France

On ne peut pas parler de « coup de foudre » lorsqu’on évoque la relation entre les Français et la trottinette électrique. Lors de son lancement en France, il était difficile d’imaginer un homme d’affaire se rendant à La Défense équipé de ce bolide tout en gardant un brin de sérieux. Et puis, il y a eu l’arrivée massive des flottes de trottinettes en libre-service dans les grandes villes de France qui ont eu le mérite de démocratiser son accès. Son acceptation par les habitants des grandes agglomérations s’est faite de façon progressive. Pour cause, c’est un allié de taille pour les déplacements courts (entre 0 et 6 kilomètres) qui assurent un confort réel à ses utilisateurs (cinq fois plus rapide que la marche) et qui est pratique au quotidien (pliable, qui prend peu de place). Une innovation à mi-chemin entre technologie et mobilité qui correspond à une demande de consommateurs plus engagés et respectueux de l’environnement ; parce qu’au-delà d’un prix d’achat bas, acheter une trottinette électrique, c’est aussi faire le choix d’un mode de transport non polluant.

Si elle a connu succès croissant depuis, c’est aussi parce qu’elle a réussi à pallier l’absence des transports traditionnels fin 2019. Bus, métros, trains… leurs absences et irrégularités pour cause de grèves ont poussé les Français dans les bras de la trottinette électrique. Cette utilisation massive est venue compléter une offre de transport multimodale que l’on pensait saturée. En effet, de nombreux utilisateurs la plébiscitent pour sa facilité et simplicité d’utilisation. Certaines applications de déplacements l’ont intégrée à leur proposition d’itinéraires, montrant bien l’augmentation de son usage par les Français. Face à ce constat, une réglementation s’est progressivement mise en place : depuis octobre 2019, un décret a même fait entrer les engins de déplacement personnel motorisés dans le Code de la route. Trottinette électrique bridée à 25 km/h, il est désormais fortement encouragé de porter un casque (obligatoire pour les enfants) et de rouler sur la chaussée ou les pistes cyclables.

Un atout pourtant négligé dans le cadre de la transformation imminente des villes

Malgré l’engouement avéré autour de la trottinette électrique individuelle, elle ne rencontre pas le succès escompté de la part des politiques publiques. Récemment, la trottinette électrique individuelle n’a pas été par exemple prise en compte par le « Forfait mobilités durables » entré en vigueur le 11 mai dernier. Considéré comme l’une des innovations environnementales de la loi d’orientation des mobilités (LOM), il prévoit un remboursement jusqu’à 400 euros par an et par salarié pour encourager l’usage d’un moyen de transport durable pour les trajets entre le domicile et le travail. A ce jour, le forfait prend seulement en compte les trottinettes en free-floating. Un oubli, qui laisse de côté bon nombre d’usagers ! Rappelons qu’au total, 1,861 million d'engins de déplacement personnel ont été vendus en 2019, dont 1,2 million de trottinettes mécaniques, des ventes fortement boostées par l’électrique.

Pourtant, la trottinette électrique individuelle permet de soulager les transports en commun et contribue à ne pas saturer les réseaux routiers. Par ailleurs, avoir sa propre trottinette électrique permet également d’avoir une utilisation plus hygiénique, pour se protéger soi-même et les autres en respectant la distanciation sociale. Une étude de Cyclofix a récemment montré que 29% des Français allaient opter pour des moyens de transports durables durant le déconfinement. Enfin, il est prouvé que les utilisateurs sont plus responsables lorsqu’il s’agit de leur propre produit. Ce qui pourrait permettre de réguler les externalités négatives liés au free-floating en ville. A l’instar du vélo, les utilisateurs de trottinette électrique devraient également pouvoir bénéficier d’avantages pour soutenir leur démarche responsable : à commencer par une aide à l’achat et à la réparation.

Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire d’avoir une approche globale et cohérente avec le développement des micromobilités, si on souhaite pouvoir encourager leur utilisation pérenne à l’ère post-COVID-19.