Vendre des vélos pour les louer, l'étonnant modèle économique de Pony

Vendre des vélos pour les louer, l'étonnant modèle économique de Pony Cette start-up française exploite des vélos et trottinettes électriques en libre-service à Angers, Bordeaux, Oxford, Grenoble et bientôt Paris, où elle va déployer 1 500 vélos électriques.

Pony quitte sa zone de confort. Après une période de perfectionnement de son service à petite échelle (quelques centaines d'appareils) depuis 2017 à Angers et Oxford (nord-ouest de Londres), puis à Bordeaux à partir de 2019, la start-up française de trottinettes et vélos en free-floating s'attaque à de plus gros marchés. L'entreprise fondée en 2017 a commencé en juillet à opérer 500 vélos électriques à Grenoble, après y avoir remporté un appel d'offres lui accordant le monopole du marché, et lui permettant de monter jusqu'à 1 000 appareils en cas de succès. Pony se prépare aussi à lancer des vélos électriques d'ici la fin de l'année à Paris, où elle a obtenu une autorisation de la ville pour y déployer 1 500 engins.

La spécificité de Pony tient dans son modèle économique, le plus original de toutes les start-up du secteur. L'entreprise propose d'acheter ses appareils (trottinettes électriques, vélos électriques ou mécaniques) puis de les mettre en location sur sa plateforme afin de partager à 50-50 les revenus générés. Le propriétaire peut retirer son appareil de la plateforme de location ou l'y remettre à sa guise depuis l'application Pony. La start-up s'occupe de la recharge et de l'entretien des engins, qui sont garantis pendant un an contre le vol et les dégâts irréversibles. Lorsqu'ils utilisent un autre vélo que le leur sur le réseau de Pony pour se déplacer, les propriétaires bénéficient de réductions. 

4000 acheteurs sur liste d'attente

Une manière pour le particulier d'amortir l'onéreux achat d'un véhicule électrique, et même de générer des revenus au-delà de cet amortissement si le vélo est dédié en permanence à la location, assure l'entreprise. Son site propose un calculateur permettant d'évaluer les revenus potentiels. Selon cet outil, un vélo électrique d'une valeur de 1 550 euros à l'achat et loué 3 fois par jour (la moyenne à Paris selon notre baromètre des mobilités) permet de générer entre 1 200 et 2 000 euros de revenus pour le propriétaire en neuf mois. 

Pour Pony, l'intérêt de ce modèle est de réduire drastiquement ses coûts de lancement dans une ville. Car l'achat de la flotte, le premier poste de dépenses d'un opérateur, est financé par des tiers (l'entreprise conserve tout de même 30% de la flotte en propre afin de remplacer les vélos volés, dégradés ou retirés du réseau par les propriétaires). "Lorsque nous nous sommes lancés à Bordeaux, nous avons récupéré en six semaines nos dépenses de déploiement, c'est-à-dire la production, la livraison et la mise en circulation des appareils", illustre Paul-Adrien Cormerais, fondateur de Pony. Il ne se dit pas inquiet pour son lancement à Paris, où 450 vélos électriques, soit la totalité du stock proposé, ont déjà été vendus plus tôt cette année. Plus de 4 000 personnes sont inscrites sur liste d'attente pour la prochaine phase de commercialisation qui se déroulera d'ici la fin de l'année. Cause ou conséquence de ce modèle, Pony a levé très peu de fonds depuis son lancement par rapport à ses concurrents (3 millions d'euros).

"A Bordeaux, nous avons récupéré en six semaines nos dépenses de déploiement"

Si Pony s'est lancé à Grenoble avec les vélos d'un autre opérateur français, Zoov, en raison du retard pris dans sa production à cause du coronavirus, l'entreprise débarquera à Paris avec son propre vélo électrique, le Double Pony. Sa particularité : il s'agit d'un vélo deux places capable de supporter 180 kilos de charge. "Je suis convaincu que pour démocratiser le vélo, il est nécessaire de proposer des usages impossibles aujourd'hui avec des vélos traditionnels, comme transporter des courses ou emmener ses enfants à l'école", explique Paul-Adrien Cormerais. A terme, Pony aimerait aussi proposer les vélos d'autres fabricants à l'achat et à la location sur sa plateforme. Elle est actuellement en discussions avec plusieurs marques grand public afin qu'elles conçoivent des vélos spécifiquement pour cet usage.

Avec les vélos électriques, Pony ne veut pas répéter l'erreur commise sur le marché parisien des trottinettes : la start-up avait candidaté à l'appel d'offres de la mairie de Paris sans s'être lancée dans la ville. Ce qui a joué en sa défaveur, est persuadé Paul-Adrien Cormerais. "Nous avons fait l'erreur de nous dire que les conditions du succès économique n'étaient pas réunies et qu'il fallait mieux attendre l'appel d'offres", se souvient-il. Pour l'instant Lime est seul à Paris sur le marché des vélos électriques sans station avec son service Jump (également disponible sur l'appli Uber). Une situation qui ne durera pas : autre vainqueur de l'appel d'offres des trottinettes parisien, Dott prévoit se lancer dans la course début 2021. Encore libre, le marché des vélos pourrait donc finir encadré comme celui des trottinettes si un ou deux opérateurs supplémentaires venaient s'ajouter à la liste. Cette fois-ci, Pony se tiendra prêt.