Comment l'autopartage compte profiter d'une pénurie chez les loueurs cet été

Comment l'autopartage compte profiter d'une pénurie chez les loueurs cet été Malmenés par la crise, les loueurs traditionnels entament la période la plus importante de l'année avec des flottes fortement réduites. Une aubaine pour les plateformes d'autopartage.

Alors que les restrictions sanitaires commencent à être levées, les vacances devraient être propices aux voyages, donc à la location de voitures. Seul hic, le secteur fait face à une pénurie de véhicules, entraînant une envolée des prix chez les majors du marché. Une situation dont comptent bien profiter les start-up d'autopartage pour enfin gagner des parts de marché face les acteurs traditionnels.

Cette pénurie s'explique par la vente massive de leurs flottes par les loueurs l'année dernière, alors que l'arrêt des locations pendant la pandémie les a plongés dans une situation financière difficile. Ainsi, Hertz s'est déclaré en faillite l'année dernière aux Etats-Unis afin de faire effacer plus de cinq milliards d'euros de dette et se restructurer, notamment en licenciant 10 000 salariés dans le monde. Une situation dont l'entreprise devrait sortir cet été. De son côté, Europcar a été racheté par ses créanciers, un quintet de fonds anglo-saxons. Sans en arriver à ces extrémités, les autres majors que sont Avis et Sixt connaissent eux aussi de grandes difficultés liées à l'effondrement de leur chiffre d'affaires en 2020. Pour rattraper la situation et éponger leurs dettes, tous les grands loueurs ont bradé leurs véhicules et réduit la taille de leur flotte de 25 à 40%.

Plus assez de véhicules produits

Mais alors que le rebond estival s'approche, les loueurs ne seront pas en mesure de profiter de l'embellie de demande cet été. Car dans leur modèle, ils doivent préparer en fin d'année leurs commandes de véhicules afin d'être prêts pour l'été. Or de nombreuses incertitudes sur la demande subsistaient encore fin 2020, période pendant laquelle les loueurs étaient par ailleurs plutôt attachés à rattraper leur situation financière difficile qu'à prévoir leur flotte de l'été. Et même s'ils avaient voulu tenter de rattraper la situation par la suite en grossissant leur flotte avant l'été à un prix plus élevé, ils auraient été bien en peine pour trouver des véhicules neufs. Car leur production est en baisse en raison de la pénurie de semi-conducteurs dont souffre actuellement l'industrie technologique, et qui sont devenus indispensables à la fabrication des voitures.  

Face à ces difficultés, les start-up d'autopartage, qui ont des méthodes d'approvisionnement en véhicules plus flexibles, notamment auprès de loueurs longue durée ou de concessions automobiles, espèrent bien profiter de la situation cet été. Evidemment, puisque les gros loueurs ont massivement réduit leur flotte et qu'ils possèdent la majeure partie du marché, les prix augmentent aussi sur les plateformes d'autopartage. Par effet d'offre et de demande, mais aussi parce que les loueurs de longue durée qui fournissent les véhicules à certaines plateformes ont eux-aussi augmenté leurs prix. C'est par exemple le cas de la plateforme Carlili, mais selon son PDG Vincent Moindrot, l'augmentation de prix reste modérée, sauf en cas de réservation à la dernière minute, où les hausse de prix peuvent aller de 30 à 50%. Ouicar évoque de son côté une hausse moyenne de 15% des prix. 

L'avantage des plateformes

Il faut dire que l'entreprise, propriété de la SNCF, fait partie des acteurs de l'autopartage pour lesquels l'approvisionnement en véhicules n'est absolument pas un problème, contrairement aux loueurs traditionnels. Ouicar se repose en effet massivement sur un parc de véhicules de particuliers datant de plusieurs années, et donc imperméable aux aléas de la production automobile. Getaround se repose aussi sur les particuliers, ainsi que sur des flottes de véhicules appartenant à de petites entreprises, qui ne les renouvellent pas aussi souvent que les loueurs et sont donc moins confrontées à ces problèmes d'approvisionnement. 

Puisque Getaround comme Ouicar ne possèdent pas leur propre flotte de véhicules et n'ont pas à en subir les coûts sans revenus en face en période de faible demande, les deux entreprises n'ont pas à assumer un risque financier en calculant quelle taille de flotte ils souhaitent déployer cet été en fonction de prévisions de demande hasardeuses. Tout leur inventaire est disponible et réparti en France sans avoir à organiser de coûteux déplacements de véhicules entre agences comme le font les loueurs traditionnels. Une différence de modèle qui s'est particulièrement fait sentir pendant la crise, puisque les grands loueurs ont pris de plein fouet tous les coûts associés à leur business à l'arrêt, là où les plateformes ont pu davantage limiter la casse, puis relancer facilement leur business en réactivant leurs leviers marketing. 

Résultat, le rebond de l'été dernier avait déjà permis aux start-up du secteur de terminer 2020 en croissance par rapport à 2019, malgré les mois d'arrêt. 2021 promet d'être un cru meilleur encore "Sur les deux premières semaines de juin, nous avons enregistré une croissance de 70% par rapport à l'année dernière, tout comme au mois de mai", assure Benoît Sineau, directeur général de OuiCar. "Les difficultés des loueurs traditionnels y sont pour quelque chose, c'est une bonne période pour que de nouveaux utilisateurs découvrent nos services puis reviennent". 

Se faire enfin une place sur le marché

Si sur le papier l'autopartage propose une expérience utilisateur largement supérieure aux loueurs traditionnels (pas de paperasse à signer, pas de véhicule à aller chercher et ramener en agence, état des lieux et déverrouillage des véhicules sur mobile sans remise des clés…), le secteur peine encore à se faire une place sur le marché de la location de véhicules à côté des Hertz, Avis et autres Europcar, qui commandent des flottes bien plus importantes et jouissent de l'exposition de leur réseau d'agences dans des points névralgiques comme les gares et aéroports. 

Mais alors que ces forces se sont transformées en faiblesses pendant la crise, les acteurs du secteur espèrent augmenter durablement la part de l'autopartage, au-delà de l'été. D'autant que certaines tendances à long terme pourraient jouer en leur faveur. "Les loueurs achètent leurs véhicules aux constructeurs à des prix avantageux, qui sont même plus bas que ceux proposés par les constructeurs à leurs distributeurs.", explique Vincent Moindrot. "On appelle ça 'pousser la tôle' : le constructeur, qui doit produire en permanence des véhicules, s'assure de les écouler très tôt en les vendant à faible marges aux loueurs. Tous les constructeurs avec lesquels je discute me disent que cette pratique est désormais terminée". Aubaine provisoire ou tendance lourde, l'été sera en tout cas crucial pour l'autopartage.