Moneythor, la fintech qui enrichit les services d'Orange Bank et Max
Créée en 2013 par trois Français, elle propose notamment un moteur de recommandations qui analyse les transactions bancaires. Elle assure être déjà rentable.
Pour lancer sa banque mobile, Orange Bank s'est entouré d'une petite armée de fintech. Parmi elles, Moneythor, créée en 2013 par trois Français qui ont déjà un succès à leur actif. En 2000, ils ont fondé Neomalogic, une société qui fournit des solutions de trade finance aux banques, revendue en 2006 pour 12 millions d'euros à Misys (désormais Finastra). Avec Moneythor, ils s'adressent aussi bien aux clients particuliers que professionnels des banques. Cette société de 10 salariés fournit aux institutions financières des API leur permettant d'améliorer l'expérience client sur l'ensemble de leurs canaux : sites web, application mobile, chatbot. "Nous fournissons une couche de PFM (personal finance management, c'est-à-dire gestion des finances personnelles, ndlr) assez classique comme la catégorisation automatique ou le solde prévisionnel mais avec un moteur de recommandations qui analyse les transactions bancaires. Les données récoltées nous servent à faire de la recommandation aux clients des banques", explique Stéphane Nouy, directeur Europe de Moneythor.
La fintech propose une bibliothèque de 50 recommandations toutes faites, envoyées par SMS, email, chatbot et push, et une boîte à outils qui permet aux banques de créer leurs propres recommandations. "Nous leur permettons par exemple de créer des alertes pour signaler qu'un virement n'est pas arrivé, qu'un découvert est bientôt atteint… Nous proposons également des actions qui permettent de faire de la vente croisée. Par exemple, si un client voyage souvent en avion, nous lui proposerons une assurance", illustre Stéphane Nouy.
De Singapour à la France
Moneythor a déjà signé avec une dizaine d'établissements bancaires dans le monde, en particulier en Asie où deux des cofondateurs sont installés. "Nous avons obtenu de grosses références dès notre première année d'existence. On est actuellement en production avec le groupe asiatique DBS (une grande banque singapourienne, ndlr) sur plusieurs aspects. Ils ont bâti leur banque mobile Digibank en Inde via notre solution", raconte le dirigeant. Le chatbot de DBS interroge également les API de Moneythor pour donner des conseils au client "S'il souhaite acheter un nouvel iPhone, le chatbot peut demander à nos recommandations de vérifier ses comptes", détaille Stéphane Nouy.
En France, la jeune société compte trois références : Harvest, éditeur de logiciels pour la gestion de patrimoine et la vente de produits financiers, Max, l'assistant personnel lancé en septembre 2017 par Crédit Mutuel Arkéa, et bien sûr Orange Bank. La banque mobile de l'opérateur a déployé Moneythor pour faciliter la gestion du budget de ses clients. "La solution permet de catégoriser les dépenses d'un compte bancaire et de restituer les informations sous forme de graphs afin que le client voit où il en est dans son budget", explique Elisabeth Sabbah, directrice marketing communication et expérience client chez Orange Bank.
"Orange Bank est en train de développer la fonctionnalité de recommandations personnalisées pour fin 2018"
Prochaine étape : la recommandation personnalisée. "Nous sommes en train de développer cette fonctionnalité pour fin 2018. L'objectif est d'analyser tous les mois comment un client dépense son budget, la part que représente l'alimentaire, le logement, les impôts… pour qu'il visualise un budget prévisionnel. De notre côté, nous pourrons lui faire des recommandations", raconte Elisabeth Sabbah. Ces recommandations prendront la forme d'une notification ou d'une préconisation via Djingo, l'assistant virtuel d'Orange Bank.
Chez Max, la fonctionnalité de recommandation est déjà en marche. La fintech d'Arkéa agrège à la fois des données bancaires et non bancaires. "J'ai récemment été dans un magasin de bricolage. Instantanément après le paiement, j'ai reçu une notification me disant que Max pouvait m'aider à trouver des bons artisans", raconte Didier Ardouin, directeur général de Max. L'assistant personnel utilise à la fois des recommandations toutes faites et ses propres recommandations. "On regarde si les recommandations construites peuvent être transposées chez nous, sinon on les aménage. Par exemple, nous avons diminué la fréquence de recommandations car nos clients ne veulent pas recevoir des notifications tous les jours. Ils veulent en recevoir moins mais qu'elles soient pertinentes", explique Didier Ardouin. Par exemple, si un client laisse plusieurs jours de l'argent dormir sur un compte-chèques, alors le moteur de recommandations fera une proposition personnalisée d'épargne en fonction du profil du client et de sa situation.
"Faire de l'agrégation pour faire de l'agrégation n'a pas de sens. Il faut savoir quoi faire des données"
Moneythor est en discussion avec d'autres banques françaises, que ce soit pour leurs clients particuliers ou pour les professionnels. "Pour les particuliers, il y a énormément de recommandations financières à faire car les masses de données collectées sont considérables. Mais le marché des professionnels est aussi très important en France. En revanche, le service en ligne proposé par les banques est très peu développé. Or, les professionnels ont aussi besoin de recommandations", fait valoir Stéphane Nouy. Mais Moneythor reconnait une difficulté propre à l'Hexagone. "On ressent une certaine frilosité des banques françaises de travailler avec les fintech, ce qui n'est pas du tout le cas en Asie", estime le dirigeant.
Rien d'alarmant pour Moneythor, qui assure être rentable "depuis la première année", assure le dirigeant. La société ne communique pas sur son chiffre d'affaires mais déclare le doubler tous les ans. "On est autofinancé grâce à la vente de notre ancienne société. Nous n'avons jamais fermé la porte à une levée de fonds mais on ne cherche pas d'investisseurs non plus", souligne Stéphane Nouy. La société compte profiter de la mise en place de la directive européenne des services de paiement pour signer de nouveaux contrats. "On observe un gros rush des banques vers l'agrégation. Des dizaines d'agrégateurs vont arriver. Faire de l'agrégation pour faire de l'agrégation n'a pas de sens. Il faut savoir quoi faire des données", insiste-t-il. Il ne reste plus qu'à faire passer le message aux banques françaises.
Cet article est publié dans le cadre de l'événement "Banques & Digital" organisé par le JDN le 27 mars 2018.