Daniel Schreiber (Lemonade) "Dès la création de Lemonade, notre but était de nous lancer en France"
La start-up américaine, qui propose une assurance habitation 100% en ligne, présente son offre dédiée aux locataires et disponible à partir de 4 euros par mois en France à partir de ce 8 décembre.
JDN. Lemonade se lance officiellement en France aujourd'hui. Pourquoi avoir choisi ce pays ?
Daniel Schreiber. Nous sommes très enthousiastes. Depuis la création de Lemonade, notre but était de nous lancer en France. Il y a beaucoup d'opportunités dans ce pays. Tout d'abord parce que les Français doivent s'assurer obligatoirement dans certaines situations et ensuite parce qu'il y a une forte demande pour le digital. Nous avons une grande ambition paneuropéenne. Nous sommes déjà présents en Allemagne et aux Pays-Bas (respectivement depuis juin 2019 et avril 2020, ndlr).
Existe-t-il beaucoup de différences entre les marchés européen et américain sur le secteur de l'assurance habitation ?
Il y a à la fois des différences et des similitudes. Qu'une personne habite à New York, Berlin, Amsterdam ou Paris, elle recherche des critères universels : un produit au bon prix, une expérience simple, agréable, sans contrainte et sans paperasse, une déclaration de sinistre et des remboursements en quelques secondes… Les consommateurs, surtout les jeunes, veulent aussi avoir affaire à des entreprises qui respectent leurs valeurs. Après, il y a évidemment des spécificités par pays d'un point de vue réglementaire.
Vous avez ouvert une liste d'attente en septembre dernier en France. Combien de personnes se sont inscrites ?
Nous ne communiquons pas sur le nombre précis d'inscrits. En tant qu'entreprise cotée (depuis juillet 2020, ndlr), nous faisons attention à ne pas révéler certaines informations. En revanche, je peux vous dire que nous avons été positivement surpris. Cela nous encourage pour la suite même si nous ne considérons pas le marché français comme acquis. Nous allons devoir travailler dur pour gagner la confiance des consommateurs français.
Pouvez-vous nous en dire plus sur l'offre que vous lancez en France ?
C'est une assurance habitation destinée aux locataires, sans engagement et personnalisable. Une fois que vous avez téléchargé l'application, vous répondez à quelques questions pour obtenir un devis. Vous pouvez ensuite modifier vos garanties et ajouter des objets à votre couverture d'assurance. Cela peut être un ordinateur, des chaussures Nike, des bijoux ou un vélo. Cette garantie optionnelle couvre le vol à la fois au domicile et à l'extérieur. Si vous vous faites voler votre vélo dans la rue par exemple, vous pouvez réclamer un remboursement de sa valeur à Lemonade.
"Lemonade s'engage à vous rembourser 100% de la valeur initiale de l'objet"
En général, quand on vous vole un objet, votre assureur vous le rembourse sur une valeur dépréciée. Par exemple, il va vous rembourser votre ordinateur pour 500 euros alors que vous l'avez acheté 1 500 et que vous avez besoin de 1 500 euros pour en acheter un nouveau. Lemonade s'engage à vous rembourser 100% de la valeur initiale de l'objet. Enfin, l'expérience utilisateur de Lemonade est très simple et les déclarations de sinistres se font en quelques secondes. Nos tarifs commencent à 4 euros par mois.
Visez-vous plutôt un public jeune comme vos concurrents assurtech ?
Aujourd'hui, 75% de nos clients ont moins de 35 ans. Notre cible ne se résume pas à un âge mais plutôt à savoir si les gens sont à l'aise avec les technologies. Je n'aime pas le stéréotype qui veut que le mobile s'adresse seulement aux jeunes. Il concerne tous les groupes d'âge.
Il est très difficile pour une assurtech BtoC d'acquérir des clients, et ce, à un faible coût. Quelle va être votre stratégie en termes d'acquisition client en France ?
Elle va être expérimentale, comme nous l'avons fait aux Etats-Unis. On sait bien qu'on ne va pas cracker le modèle tout de suite. Nous allons chercher à comprendre comment fonctionne le marché français et nous nous adapterons. Evidemment, nous allons faire de l'acquisition via les canaux digitaux, notamment les réseaux sociaux. Nous allons aussi envisager des partenariats via nos API, comme nous l'avons fait aux Etats-Unis.
Allez-vous embaucher un responsable pour gérer le marché français ?
Nous opérerons tout depuis les Pays-Bas, où est situé notre siège social européen, pour commencer. Nous verrons au fur et à mesure si nous avons besoin de gens sur place. En Allemagne par exemple, il y a un country manager mais pas d'équipe.
Comment allez-vous gérer les experts qui doivent se rendre sur place pour constater des dégâts, si vous-mêmes n'êtes pas sur place ?
Nous avons des partenaires experts sur le terrain. Pour le reste, tout a été conçu à partir d'algorithmes. Le consommateur parle à une intelligence artificielle, pas à un courtier. C'est aussi elle qui collecte l'argent et vous rembourse en cas de besoin.
Quels sont vos objectifs en France pour 2021 ?
"Nous allons aussi envisager des partenariats en France via nos API, comme nous l'avons fait aux Etats-Unis"
Nous ne donnons pas d'objectifs chiffrés pour les raisons que j'ai évoquées plus tôt. Nous voulons apprendre ce qui marche et ce qui ne marche pas. Notre principal objectif est d'avoir un bon NPS (Net promoter score, qui est de 70 aux Etats-Unis, ndlr), un indicateur qui mesure la satisfaction client. Avant de vendre beaucoup d'assurances, nous voulons surtout ravir nos clients.
Le secret du succès d'une assurtech BtoC se résume donc à la satisfaction client ?
Le principal avantage d'une insurtech est qu'elle est sans legacy. Elle n'a pas besoin de se débarrasser de codes des années 1990 ou de repenser la distribution. C'est plus facile de commencer de zéro plutôt que de s'adapter. Mais ce n'est pas facile non plus. Nous avons créé il y a quelques années Policy 2.0, un document court et compréhensible par tous qui est donc radicalement différent des polices denses proposées par l'industrie. Cette police est en open source, disponible sur Github. Nous encourageons tout le monde à y contribuer et nos concurrents à l'utiliser.
Est-il obligatoire de vendre plusieurs produits pour être rentable dans cette industrie ?
Ce n'est pas obligatoire, mais notre ambition est de proposer tous les produits d'assurance à terme. Nous avons lancé récemment aux Etats-Unis une assurance chien-chat et nous prévoyons de sortir une assurance-vie. Je pense qu'offrir plusieurs produits améliore la satisfaction client.
Daniel Schreiber a cofondé l'assurance en ligne Lemonade en avril 2015. Auparavant, il était président du fabricant de chargeurs sans fil Powermat. Entre 2003 et 2007, il était vice-président marketing et business developpement de M-Systems, société israélienne spécialisée dans la fabrication de produits de stockage de mémoire Flash, rachetée par l'américain Sandisk en 2006. Il a ensuite intégré Sandisk dont il est devenu vice-président du marketing corporate. En 1997, il a fondé Alchemedia, une entreprise de cybersécurité. Il a commencé sa carrière en tant qu'avocat d'affaires.