Frédéric Montagnon (Arianee) "Tokéniser ses actifs : la vraie question c'est, dois-je me lancer maintenant ?"

La tokénisation d'actifs est un passage quasi incontournable pour qui souhaite s'essayer au web3. Frédéric Montagnon, Le président de la start-up française d'identité numérique Arianee , a expliqué au JDN l'intérêt et les contraintes de la techno.

© Frédéric Montagnon, président d'Arianee

JDN. En quoi consiste la tokenisation d'actif ?

Frédéric Montagnon. C'est la représentation d'un titre de propriété sous forme numérique et dans un schéma qui permet d'établir une confiance totale. Avant la blockchain, il y avait deux manières de numériser des titres. Soit sous la forme d'un pdf dont on peut facilement copier l'original, soit en choisissant un acteur qui centralise les différents titres de propriété à l'instar des notaires. La tokénisation permet de savoir qui possède quoi sans passer par un organisme centralisé. La cryptographie permet d'authentifier chaque titre. Il y a plein de choses qui restent à inventer. Il faut regarder à travers trois prismes : celui de la performance, de l'interopérabilité et de la consommation énergétique. De nombreux cas d'usages qui sont intéressants à tester.

Quel est l'intérêt de tokéniser ses actifs ?

La première chose, c'est que cela permet de fluidifier le marché en ôtant tous les doutes. La tokénisation établie une confiance totale grâce à l'authentification et à l'immuabilité de chaque titre de propriété et les fait basculer dans le monde de la programmation. A partir du moment où le titre est manipulable en version numérique, on peut construire des back services autour de ces titres, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.

La deuxième chose, c'est qu'il y a une régulation montante qui arrive autour de l'origine des objets, leur fabrication et leur parcours. La régulation Ecodesign qui est en cours de préparation va porter sur la traçabilité, la réparabilité et la recyclabilité des objets, leurs origines, ce qu'ils contiennent…Ce sont autant d'informations facilement identifiables grâce à la tokénisation. Cela permet également d'assainir les supply chains en certifiant l'état des flux à un moment donné.

Enfin, cela permet à une entreprise d'aller au-delà des simples relations transactionnelles avec les clients en proposant des services en continu. Dans le cas d'un programme de fidélisation, un token permet de se passer de collecte d'information sur le client et ne nécessite pas d'avoir recours à une application ou un réseau privé. C'est un vrai enjeu de souveraineté numérique tant pour les consommateurs que pour les entreprises. Le fait d'avoir un token qui authentifie chaque information va concerner tous les secteurs.

Lorsqu'une entreprise met un pied dans la tokénisation, quelles sont les questions qu'elle doit se poser ?

De plus en plus d'entreprises sont attirées par l'engouement autour du metaverse et souhaitent s'y essayer. C'est bien souvent à ce moment qu'elles sont confrontées à l'étape incontournable de la tokénisation. Que ce soit pour des services ou des produits, l'entreprise en question doit ainsi créer des doubles digitaux qui permettront de bâtir des applications et donneront accès à des mondes virtuels. Concrètement, l'entreprise peut choisir de tokéniser tout ou partie de ses actifs, cela peut être une gamme de produit ou un canal de vente entre particuliers.

Sur le long terme, les entreprises ont beaucoup à y gagner, il faut donc qu'elles sachent si la tokénisation leur servira de test ou de support d'évolution. La vraie question c'est : dois-je me lancer maintenant ? D'un sujet marketing nous sommes passé à une dimension structurante et très business. Etre une marque digitale et tokéniser sa marque sont deux choses très différentes. Pour faire un airdrop de NFTs par exemple, cela peut entraîner des complications. Devenir une marque digitale pour une marque qui ne l'est pas au départ implique de créer une gamme de produits supplémentaires, il faut donc que la marque en question soit prête pour cela. C'est une question d'infrastructures.

Doit-on obligatoirement passer par les tokens ERC-20, à savoir les standards de la blockchain Ethereum ?

Ethereum ne réunit pas encore les meilleures conditions énergétiques (la blockchain doit migrer d'un consensus proof of work vers un proof of stake à l'été 2022, ndlr), de prix et de flexibilité qui permettraient de tokeniser à échelle industrielle. Tant que ce n'est pas le cas, il vaut mieux choisir des blockchains issues de l'environnement Ethereum mais qui ne sont pas mainnet comme POA Network qui fonctionne en proof of authority et donc avec une consommation énergétique très basse. Il y a également des réseaux comme Polygon et son système multi-chaînes.

Quels sont les critères à prendre en compte pour choisir sa blockchain ?

Nous faisons en sorte de travailler sur des blockchains publiques pour éviter les problèmes d'interopérabilité. Ce qui va importer ce sont les critères de consommation et donc de prix. L'entreprise ne peut pas savoir à l'avance combien ça lui coutera.

Il y a aussi une question de scalabilité, à savoir que le réseau Ethereum est congestionné par un grand nombre d'applications. Il n'est pas rare d'avoir à payer une fortune pour pouvoir l'utiliser. En attendant sa mise à jour il vaut mieux choisir un réseau dont la scalabilité convienne à l'actif concerné.