Fintechs d'épargne : qui va survivre ?

La chute des marchés et la difficulté à trouver des liquidités va forcer les startups à innover pour se démarquer et à étoffer leur offre pour subsister. Tout le monde ne survivra pas.

La chute des marchés boursiers de mars 2020 provoquée par la Covid-19 a été aussi brutale que le rattrapage a été rapide dans les mois qui ont suivis. 

Ce rattrapage, combiné avec des rendements quasi inexistants sur les livrets réglementés, a provoqué un regain d’intérêt pour les placements financiers avec notamment 800 000 nouveaux boursicoteurs en 2020. Les fintechs ont aussi pu profiter de l’afflux monétaire pour se refinancer et afficher de belles performances durant cette période.

Après ces deux années euphoriques sur les marchés financiers, 2022 est un couperet, un rappel à l’ordre et la douche froide pour les fintechs. Le montant moyen des levées de fonds dans le secteur des Fintechs est passé de 32 à 20 millions de dollars entre 2021 et 2022. Moins de financement mais aussi moins de licornes, moins d'entrées en bourse et beaucoup de licenciements… 

La dégradation de la situation économique a donc rebattu les cartes. Quel sera son impact sur les fintechs d’épargne ? 

La fin d’un modèle 

Bon nombre de start-ups d’épargne sont prisonnières d’un modèle dans lequel elles ne seront pas rentables avant d’avoir, soit plusieurs centaines de millions, voire milliards d’euros sous gestion, soit des volumes de transactions très importants.. Leur principale innovation est de casser les prix avec des frais planchers (comme l’avait fait Altaprofit et Bourse Direct au début des années 2000). Elles ne réinventent rien, ou peu, et viennent surtout ajouter de la concurrence à un marché déjà sous tension.

De plus, elles ont concentré leurs efforts sur une digitalisation des produits d'épargne phares  : le compte-titres, l’assurance vie ou le PER. Des produits très importants dans le patrimoine des Français mais qui ne suffisent pas à fournir un accompagnement global à leurs clients. Une partie de la valeur est donc laissée de côté : investissement immobilier, défiscalisation, fonds sécurisés...

La multiplication des acteurs augmente également le coût d’acquisition pour tous car les nouveaux arrivants investissent à perte et font monter les enchères, par exemple avec le terme “assurance vie” sur Google dont le prix a augmenté de 250% depuis 3 ans.

Avec une bataille sur l’acquisition qui se fait majoritairement au niveau des frais, la taille critique pour atteindre la rentabilité est toujours plus importante et devient très difficile à atteindre. Si les acteurs historiques, comme Linxea, y sont parvenus, les jeunes pousses rencontrent plus de difficultés et doivent toujours lever des fonds pour financer leur croissance... La fin de l’argent gratuit et la hausse des taux ont déjà commencé à conduire à une rationalisation du secteur. Les États-Unis sont le parfait exemple de cette surenchère entre la faillite de FTX ou la valorisation de Robin Hood divisée par 5 depuis son entrée en bourse. 

Pour faire face à cette situation, il existe peu de portes de sorties. Certains dirigeants ont déjà été remerciés par leurs actionnaires déçus des trajectoires de leurs investissements. On peut imaginer que des concentrations sectorielles se mettent en place, voire des intégrations lorsque les actionnaires sont des banques ou des sociétés de gestion. Cela a déjà été le cas avec WeSave et Amundi. Mais beaucoup d’autres sont très exposées à la crise qui arrive et risquent de disparaître sans pouvoir se refinancer.

La solution est peut-être de réinventer le modèle bancaire

L’opportunité pour les fintechs d’épargne pourrait être sur le marché bancaire de proximité. Un marché énorme, délaissé par les banques et non adressé par les conseillers en gestion de patrimoine classique. 

La banque de détail a en effet renoncé à fournir un service de qualité à sa clientèle non premium sur les sujets d’épargne : fermeture des agences, turnover des effectifs, conseillers peu qualifiés, commerciaux trop incentivés sur le chiffre, portefeuille de 500 clients à gérer, tâches trop disparates…

Du côté des conseillers en gestion de patrimoine, ce n’est pas encore un métier très démocratisé comme cela peut l’être en Angleterre et la plupart des conseillers s’adressent à une clientèle fortunée (78% de leurs clients ont un patrimoine financier supérieur à 100 000 euros). 

Il faut également noter qu’il existe une forte diversité dans la profession. Si la majeure partie est compétente et prodigue d’excellents conseils, une autre partie, plus infime mais plus visible ne fait pas honneur à la profession : absence de conseils, inadéquation entre les propositions et les besoins, omission voire disparition dans le suivi.. 

La technologie au service de l’humain, et pas l’inverse  

L’automatisation des tâches à faible valeur ajoutée permet d’améliorer l’efficacité des organisations, baisser leurs charges, devenir plus compétitives et donc proposer un meilleur service avec des frais de gestion réduits. Côté clients, ils ont donc un accès plus facile à leur conseiller et peuvent bénéficier d’un accompagnement personnalisé.  

Il semble qu’un nouveau modèle se dessine, un modèle hybride de la gestion de patrimoine, moins déshumanisé que celui des solutions 100% digitales. Un modèle dans lequel l’acquisition se fait autour d’une communauté, d’une audience, auquel adhère le client. Le succès de la newsletter de Marc Fiorentino ou plus récemment de Snowball en sont d’excellents exemples. Mais surtout un modèle qui n'oublie pas l'essentiel de la gestion de patrimoine : l’accompagnement du client et le conseil.
Je pense qu’il faut remettre le client au centre et non un produit ni une solution. Un conseiller financier doit prendre du temps avec chaque client pour l’aider à prendre les décisions les plus adaptées à sa situation particulière... C’est la raison pour laquelle un conseil personnalisé reste crucial et irremplaçable dans cet accompagnement. Ce conseil, la technologie ne sera jamais capable de le fournir !
A l’heure des fake news, des vidéos Tiktok pour devenir rentier en 3 ans, et de la désinformation sur un sujet aussi fondamental que celui des finances personnelles; les experts de l’épargne ont un rôle clé à jouer. A eux de le saisir !