La fraude, un phénomène générationnel ?
Entre 2021 et 2022, la fraude a doublé et 69% des entreprises déclarent avoir été victimes d'au moins une tentative. Mais ce phénomène ne touche pas tous les groupes d'âge de manière égale.
Falsifier un certificat de scolarité pour bénéficier de tarifs réservés aux étudiants sur une plateforme de streaming ou pour obtenir un titre de transport préférentiel, gonfler son salaire sur une fiche de paie afin d'accéder à un logement, augmenter sa facture d’achat pour l’assurance : ces petites fraudes, pas toujours identifiées comme telles par leurs jeunes auteurs, semblent à la fois anodines et anecdotiques. Pourtant, leur accumulation a un impact non négligeable sur les entreprises, les services publics et donc la collectivité.
L'augmentation alarmante du taux de fraude en France est une réalité qui ne peut être ignorée. Entre 2021 et 2022, la fraude a doublé et 69% des entreprises déclarent avoir été victimes d'au moins une tentative. Mais ce phénomène ne touche pas tous les groupes d'âge de manière égale : 36% des 18-34 ans avouent avoir commis des actes de fraude à l’assurance, contre seulement 15% chez les plus de 55 ans¹. Alors, la fraude serait-elle une histoire de génération ? Plusieurs éléments pourraient accréditer cette hypothèse :
Le recours aux services 100% en ligne et aux outils de falsification
La normalisation de la digitalisation constitue le principal facteur favorisant la fraude, et encore plus chez la “Gen Z” qui a grandi avec elle. De nombreux services sont aujourd’hui entièrement en ligne (néobanques, assurances, transports…), ciblant principalement les jeunes en leur promettant des parcours client simples et rapides. Parallèlement, de nouveaux outils et ressources sont disponibles en accès libre (générateurs de faux documents, logiciels de retouches…). Aujourd’hui, créer un compte ou signer un contrat basé sur des fichiers modifiés, et donc de fausses informations, est un jeu d’enfant. De la fraude pure et dure.
Un pouvoir d’achat moindre
La jeunesse est en première ligne face aux difficultés financières et est davantage sujet à la précarité. Mus par le sentiment de ne pas être entendus et par une envie de réussir qui les pousse à chercher à obtenir toujours plus, ils voient en la fraude une alternative rapide et facile pour faire des économies voire engranger de l’argent.
Un sentiment d’injustice
Les jeunes ont accès à davantage d'informations et de connaissances sur le fonctionnement des entreprises, ce qui leur fait prendre conscience que les montants perdus à cause de la fraude sont répercutés sur les abonnements ou les frais de services. Ils refusent ainsi d'être les victimes d'un système qu'ils considèrent comme injuste, subi car hérité des générations précédentes.
Une forme d’impunité
La perte de contact humain, engendrée par la digitalisation des process évoquée plus tôt, joue un rôle crucial dans l’essor de la fraude. La connaissance réelle de nos interlocuteurs se faisant de plus en plus rare, nous nous sentons protégés par ces interactions numériques qui peuvent, à tort, s’apparenter à de l’anonymat. Conséquence : un détachement émotionnel qui envoie valser nos filtres moraux. "De toute façon, qu'est-ce qui peut nous arriver ?". Pas grand chose c’est vrai : complètement généralisée et de plus en plus complexe à identifier, la fraude reste dans les faits très souvent impunie. La faute aux manquements technologiques et humains des organisations pour la détecter (près de 30% d’entre elles ne disposent pas encore d'un service ou d'un outil dédié).
Mais la fraude ne saurait être considérée uniquement comme un phénomène générationnel, elle est une problématique sociale et économique globale qui nécessite une attention urgente. Alors que les cyberattaques sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amendes, il est aujourd’hui nécessaire pour les entreprises et les pouvoirs publics de se saisir d’un point de vue technique et juridique afin d’enrayer une machine infernale.
¹étude YouGov pour LeLynx.fr, 2022