Investir dans la gestion des processus client : un gisement de performance et de croissance pour l'entreprise
Une tribune co-redigée par Fazil Boucherit, Directeur Finance & Performance Management et Damien Hamonet, Senior Manager Finance & Performance Management du cabinet AXYS.
Le processus order-to-cash (O2C) – qui couvre tout le cycle de vie de la commande client, de son émission à la collecte du paiement client - est au cœur de la performance financière des entreprises.Son optimisation, soutenue par une approche intégrée des processus et une gouvernance transverse, peut générer de la rentabilité, renforcer la compétitivité et améliorer l'expérience client.
Order-to-cash : un levier de compétitivité majeur
Le processus order-to-cash joue un rôle clé dans la performance financière des entreprises. Ce processus transverse, impliquant de multiples fonctions comme les équipes commerciales, la comptabilité, la trésorerie ou le service juridique, est un terrain propice aux inefficacités. Mauvaise gestion du crédit client, retards de recouvrement, erreurs de facturation ou communication client défaillante sont autant de sources de dysfonctionnements. Une analyse du processus O2C révèle souvent des pertes d'efficience qui, dans certaines entreprises, peuvent représenter plusieurs points d'EBITDA, soit des millions d'euros de cash.
L’optimisation du processus order-to-cash présente donc un enjeu stratégique majeur. Les entreprises qui investissent dans une approche intégrée, soutenue par un pilotage rigoureux de la performance et une gouvernance efficace, créent un avantage concurrentiel tout en améliorant l’expérience client.
Identifier les inefficacités du processus O2C
Pour réussir sa transformation, le processus O2C doit rester fluide et orienté sur deux objectifs principaux : l’efficacité opérationnelle et la satisfaction client.
Les sources d’inefficacité (erreurs de facturation, silos organisationnels, systèmes informatiques rigides…) peuvent être multiples et les répercussions considérables. A titre d’illustration, une gestion inefficace des notes de crédit, due à une validation insuffisante au niveau du service client, peut avoir pour conséquence des pertes substantielles.
Une méthode efficace pour détecter les défaillances dans le cycle Order to Cash repose sur l'application des principes du Lean management, déclinée en trois approches clés :
· Échanges terrain : Organiser des entretiens avec les équipes opérationnelles permet de comprendre les blocages et anomalies directement rencontrés dans les processus au quotidien.
· Analyse des données : Exploiter les informations issues des systèmes d’information (notamment les ERP, CRM) permet de mettre en lumière des tendances cachées, des erreurs répétitives ou des fuites de revenus jusque-là non identifiées. Des solutions comme le process mining peuvent s’avérer très utiles en ce sens.
· Benchmarking : Comparer la performance du cycle O2C avec celle d’entreprises du même secteur aide à évaluer les écarts de performance et à identifier des axes d'amélioration.
Investir dans la digitalisation et challenger les pratiques actuelles
L'adoption de solutions digitales est aussi un facteur majeur pour gagner en efficacité. Prenons l’exemple de la digitalisation du processus de commande : le portail client, en offrant une interface intuitive aux clients, permet de réduire les erreurs de saisie, d’accélérer le traitement des commandes et de limiter les retards. Autre exemple : d’après une donnée du cabinet McKinsey, une gestion rigoureuse des paiements partiels et des notes de crédit permet de récupérer jusqu'à 60 % des pertes financières liées à des erreurs ou à des validations insuffisantes.
Un autre levier d’amélioration réside dans l'analyse de la solvabilité des clients, nouveaux ou existants. Ce processus est souvent encore trop peu mature au sein des entreprises. Pourtant, en ajustant les conditions de paiement en fonction du risque, les entreprises optimisent non seulement la gestion du crédit mais renforcent également la relation client. Une politique de crédit bien gérée contribue donc à la fidélisation des clients tout en protégeant les intérêts financiers de l'entreprise.
Last but not least, le contexte réglementaire actuel impose lui aussi son agenda de transformation, à travers la réforme de la facturation électronique. Pour garantir la conformité, il est important de bâtir un modèle de données référentielles et transactionnelles robuste, d’identifier les cas d’usage de facturation spécifiques et de gérer efficacement les flux de données. Une revue critique de ses processus de facturation et du modèle de donnée permet de répondre aux nouvelles exigences tout en optimisant les opérations de facturation et en minimisant le risque de perte de cash (rejets de facture).
Ancrer une culture d’optimisation
Toutefois, transformer ne suffit pas : il faut pérenniser ces transformations par une structure organisationnelle solide. Instaurer une « culture cash » favorise la continuité des améliorations. Cela nécessite une gestion transversale des opérations de gestion client, avec une sensibilisation des équipes à l'importance du cash et un renforcement de la rigueur dans la gestion des créances et des délais de paiement. En faisant de la liquidité une priorité pour chaque département, les entreprises peuvent réduire les délais de recouvrement, minimiser les créances douteuses et libérer des ressources pour investir dans la croissance.
La nomination d’un « Business Process Owner » (BPO), responsable de l’ensemble du processus O2C, est un autre moyen d’ancrer une dynamique continue de transformation. Ce rôle, centré sur la coordination et l’amélioration continue, est majeur pour éliminer les silos fonctionnels. Un BPO efficace peut assurer la continuité des améliorations, impulser de nouvelles dynamiques de transformation sur toute la chaîne et aligner les objectifs de l’ensemble des intervenants sur le cycle O2C, améliorant ainsi l'efficacité globale.
L'optimisation du processus O2C ne se limite pas à des ajustements techniques ou méthodologiques. Elle nécessite une vision stratégique, une gouvernance solide et une culture d'entreprise orientée vers la performance et le cash management afin de faire de la fonction O2C un moteur de la croissance.