Damart veut suivre la santé des papy boomers avec ses vêtements connectés
Le groupe Damartex, propriétaire de la marque, a créé en septembre 2017 la start-up E-Wear Solutions pour cibler ce marché à fort potentiel.
En 2000, les 60 ans et plus étaient 20 millions contre 25 millions en 2016. Et l'on comptait 7,1 millions de 75 ans et plus contre 9,1 aujourd'hui. Ce "tsunami démographique", comme l'appelle le PDG de la start-up E-Wear Solutions Loic Delecroix, promet d'être une aubaine pour les entreprises qui sauront surfer sur la vague de la silver économie. Le groupe textile de Roubaix Damartex, notamment propriétaire de la marque de sous-vêtements Damart, est de ceux-là. C'est la première grande entreprise tricolore à s'intéresser de près aux vêtements connectés capables de mesurer les paramètres physiologiques des seniors.
En 2015, Damartex lance un programme de recherche IoT sur cette thématique dans ses labos de R&D. Deux ans plus tard, le PDG Patrick Seghin décide d'excuber le projet. En septembre 2017, la start-up E-Wear Solutions voit le jour. Pour ne pas être engluée par l'inertie des grands groupes, la jeune pousse est installée dans le bio incubateur d'Eurasanté, à Lille. Alors que Damartex possède 100% des parts de toutes ses filiales, elle n'est propriétaire que de 85% d'E-Wear Solutions (le reste appartient à Loic Delecroix).
"Nous sortirons notre premier produit, un débardeur, au printemps 2018"
La start-up a conçu un capteur (un fil d'argent capable d'enregistrer les impulsions électriques du corps) qui est inséré dans le vêtement au moment du tricotage. "Pour capter les informations physiologiques, le capteur doit être placé à même le corps. L'expérience de Damart dans les vêtements seconde peau nous est donc très utile", explique Loic Delecroix.
Ce tracker est relié à un petit module électronique clipsé sur le vêtement qui traite et communique les informations captées par le système IoT. Il doit être enlevé au moment du lavage. Le même module peut être utilisé avec plusieurs produits. "Aujourd'hui, nous travaillons sur notre premier vêtement connecté, mais à terme, nous voulons vendre un vestiaire connecté avec un module par personne", se projette le dirigeant. Les informations de mesure du rythme cardiaque ou respiratoire, par exemple, sont consultables par le propriétaire du vêtement (ou ceux qui prennent soin de lui) sur un smartphone via une application dédiée.
L'entreprise vend le vêtement et le module. Les fonctionnalités de base de l'application sont gratuites mais les clients d'E-Wear Solutions peuvent payer un abonnement mensuel pour accéder à des services supplémentaires. Pour l'instant, Damartex refuse de communiquer sur les objectifs de sa filiale en termes de chiffre d'affaires. "Nous sortirons notre premier produit, un débardeur, au printemps 2018. Nous devons encore travailler sur sa résistance au lavage. Pour l'instant, le prototype peut être passé 40 à 50 fois à la machine sans détérioration de la qualité du signal. Au-delà, le vêtement perd en conductivité. Nous voudrions atteindre les 70 lavages avant la commercialisation", détaille Loic Delecroix.
Le premier prototype de vêtement connecté pour les résidents des Ehpad sera testé sur le terrain à partir d'avril prochain
Damartex se concentre à 100% sur le troisième âge avec E-Wear Solutions. "Nous voulons axer notre communication autour de cette cible", affirme le dirigeant de la jeune pousse. Mais ce marché est loin d'être monolithique. "Nous visons trois type de clientèle différents. La première sont les jeunes seniors actifs, qui vivent chez eux et qui ont besoin d'un coach bien-être. Nous nous concentrons d'abord sur ce marché grand public, c'est à eux que s'adresse notre premier produit", détaille le PDG d'E-Wear Solutions.
L'entreprise veut deuxièmement proposer ses vêtements connectés aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Elle rencontre actuellement des structures de ce type en France, en Belgique, au Pays-Bas et au Royaume-Uni pour identifier les problématiques auxquelles ils font face. "L'un de leurs principaux problèmes est le suivi des résidents la nuit lorsque les équipes sont réduites", indique-t-il. La mesure de certains paramètres physiologiques effectuée grâce à des vêtements connectés non-invasifs pourrait permettre aux équipes soignantes de se concentrer sur les seniors ayant un réel besoin de soins, sans perdre de temps à les identifier. "Pour convaincre ces potentiels clients, nous devons faire la preuve de l'efficacité de nos technologies, d'où cette première cible grand public", poursuit-il. Le premier prototype de vêtement connecté pour les résidents des Ehpad sera testé sur le terrain à partir d'avril prochain.
E-Wear Solutions et sa maison mère souhaitent enfin vendre des solutions à des seniors en perte d'autonomie, mais qui vivent encore chez eux. Les vêtements connectés de la marque pourraient permettre au personnel soignant de suivre à distance leur état de santé et d'être prévenu immédiatement en cas de problème. "Il y a aujourd'hui 600 000 places dans les Ehpad en France. D'ici 2040, 375 000 personnes supplémentaires seront dépendantes. Il est peu probable que le nombre de places en structure double d'ici là. Ce type de suivi à distance devrait donc se généraliser, surtout au vue du coût élevé des séjours dans ces établissements" (2 300 euros par mois en moyenne pour le seul hébergement, sans compter le prix des soins), estime Loic Delecroix.