Pascal Portelli (Delta Dore) "Durant la pire journée du confinement, Delta Dore n'a reçu que 1% de ses commandes habituelles"

Le JDN poursuit sa série d'interviews de dirigeants face au coronavirus. Le PDG de Delta Dore, qui a repris son activité dès le mois d'avril, affirme son optimisme quant à la reprise du marché de la domotique.

JDN. Quel a été l'impact de la crise sanitaire sur vos activités dans la smart home ?

Pascal Portelli. L'impact a été extrêmement fort car les objets connectés en domotique sont liés à l'activité du bâtiment et les professionnels n'ont pas pu rentrer chez les particuliers pendant deux mois. La demande a chuté brutalement à la mi-mars pour ne représenter, pendant trois semaines, que 10% de la demande normale. La pire journée, Delta Dore n'a reçu que 1% de ses commandes habituelles. Nous avons donc dû fermer nos deux usines en France.

Quelle a été votre réaction pour vous adapter à la situation ?

En interne, nous avions commencé à mettre en place dès février des mesures sanitaires : limitation des déplacements, du nombre de personnes en réunion, distribution de gel hydro-alcoolique… aux vues de la situation de nos filiales en Chine et en Italie. On avait depuis un an un quart de nos salariés en télétravail, ce taux est passé à 60% le 17 mars, au début du confinement. Un petit nombre de salariés ont continué à se rendre sur le lieu de travail pour faire tourner le centre logistique, le reste des employés étant en chômage partiel. Nous menons des enquêtes régulières auprès des télétravailleurs pour garder le lien et expliquer ce qui se passe. Pendant le confinement, nous n'avons pas cessé d'investir sur l'innovation et les équipes ont continué à travailler au développement de nouveaux produits, dont Onsen, notre gestionnaire d'eau chaude qui doit être commercialisé en 2021. Nous avons envie, quand la reprise sera pleinement là, d'avoir des produits à proposer à nos clients. C'est important de croire en l'avenir.

Quelles actions avez-vous menées du côté de vos clients ?

Nous avons proposé à nos clients professionnels des formations sur la domotique, accessibles gratuitement. Plus de 600 personnes ont été formées, nous avons encore une forte demande, nous poursuivons donc ces formations. Toute nos équipes support accompagnent tous nos clients, on apporte des conseils et de l'aide sur des devis. Cela nous permet de préparer la suite, c'est important car il faut que tous les maillons de la chaîne économique s'enclenchent en même temps. On ne peut pas reprendre notre activité si nos clients ne sont pas actifs ou si nos fournisseurs ne sont pas capables de livrer.

Comment avez-vous préparé la reprise d'activité ?

La reprise s'est faite chez Delta Dore bien avant le 11 mai. La demande a commencé à remonter graduellement en avril. Nous avons donc choisi de rouvrir nos deux usines début et mi-avril car nos stocks commençaient à baisser, en mettant en place des mesures barrières. Les salariés en télétravail poursuivent avec cette organisation jusqu'en juin. Un quart des effectifs sont encore en chômage partiel à mi-temps, deux tiers sont en trois quart de temps. Pour les employés revenant sur le lieu de travail, nous appliquons des mesures drastiques : entrée par une seule porte, un par un, prise de température, masque obligatoire, désinfection des postes de travail plusieurs fois dans la journée et lavage de mains toutes les heures. Il faut trouver un équilibre pour ne pas céder à la psychose mais rester prudent. Les collaborateurs s'y adaptent remarquablement bien.

Etes-vous confiant sur les perspectives de marché ?

Notre chiffre d'affaires sur les mois de mai et juin sera encore en-dessous de la normale. Il est difficile d'avoir de la visibilité sur le moment où les résultats seront de nouveau là. Le point encourageant, c'est que les professionnels avec lesquels nous travaillons nous disent que la demande des clients finaux existe. Les projets sont donc reportés, mais pas annulés. La reprise ne marquera pas une courbe en V mais il y aura un effet de rattrapage. Les artisans nous préviennent qu'ils pourraient nous solliciter davantage en août. Nous réorganisons le planning des vacances des collaborateurs pour qu'il n'y ait pas de creux en août.

Pensez-vous que la crise du coronavirus va avoir des effets durables dans votre secteur ?

Les gens ont passé beaucoup de temps chez eux et l'on sait que le télétravail est une tendance de fonds qui va durer. Les solutions pour améliorer le confort à la maison, comme permettre l'automatisation et réduire les consommations d'énergie, vont bénéficier de la situation. Les clients s'attendent désormais à ce que les objets connectés leur fournissent un diagnostic à distance. Nous sommes donc optimistes pour notre activité. Par ailleurs, consommer local, acheter made in France est une valeur plus appréciée en temps de crise. Nous allons mettre en avant notre production, qui pourrait bénéficier d'une vraie sympathie des Français. Même si l'activité est compliquée en 2020, nous maintenons notre objectif de réaliser 70% de notre chiffre d'affaires à l'étranger d'ici 2029.

Diplômé de l'École Polytechnique, ingénieur du Corps des Ponts et Chaussées, et titulaire d'un master of science de l'Université de Stanford, Pascal Portelli a précédemment occupé le poste de senior vice-président en charge de l'intégration de Cisco Connected Devices au sein de Technicolor. En 2017, il rejoint Delta Dore en tant que directeur des opérations et membre du directoire. En 2018, Pascal Portelli a repris les rênes de la présidence du directoire de Delta Dore et dévoilait son plan stratégique à 10 ans avec trois grands objectifs : devenir leader européen de la maison et des bâtiments connectes, réaliser 70% du CA à l'international et devenir un acteur référent de la transition énergétique.