La crise accélère le déploiement de solutions de maintenance à distance

La crise accélère le déploiement de solutions de maintenance à distance Les confinements forcent la main aux industriels en matière de maintenance prédictive et de contrôle des accès à distance. Et leur permet d'en mesurer les avantages.

Avec les confinements, il est devenu compliqué pour les industriels d'envoyer des équipes sur le terrain, en particulier celles de prestataires, pour effectuer de la maintenance. "Pour un contrôle à distance, l'IoT se révèle évident. Nous avons enregistré un tiers de consultations supplémentaires sur les sujets de maintenance prédictive", indique Christophe Brunschweiler, directeur de la business-unit Embedded & Connected Systems chez l'intégrateur français Smile. Chez l'éditeur français spécialisé dans l'IA at the edge Cartesiam, on observe aussi de vrais besoins avec la crise et l'entreprise a signé avec une quinzaine de grands comptes depuis le début du premier confinement.

Selon les acteurs interrogés, la demande client se focalise sur "des solutions préconfigurées, faciles à installer et permettant de déterminer le problème exact", rapporte Nicolas Babel, CEO d'Ewattch, qui développe des capteurs et des logiciels pour l'industrie 4.0. Un constat que fait également le cabinet de conseil Bearing Point : "La demande depuis le premier confinement est de pouvoir réduire les interventions sur site et d'obtenir rapidement les informations par une automatisation", résume Ouassim Driouchi, senior manager au sein de l'équipe télécoms & média.

Pour répondre à ces besoins, Cartesiam a lancé ce mardi 1er décembre 2020 une deuxième version de sa solution d'analyse des signaux des machines industrielles NanoEdge AI Studio. Après avoir détecté une anomalie, les capteurs sont désormais capables de la qualifier. "Si une machine rencontre une panne d'ordre électrique par exemple, en connaître la cause exacte permet à l'industriel d'envoyer le bon technicien au lieu de faire un premier diagnostic", précise Joël Rubino, CEO et cofondateur. Le fabricant de composants Bosch Rexroth travaille aussi en interne sur une solution de diagnostic en ligne pour assister ses clients à distance.

Prendre en compte la sécurité

Face à l'urgence de la situation, il est toutefois recommandé aux industriels de ne pas se précipiter. "Face à ce besoin de supervision, si on veut bien le traiter, il ne faut pas se lancer à l'aveugle dans une solution et ne pas tomber dans le piège de vouloir tout automatiser d'un seul tenant. Il faut avant tout réaliser une analyse technico-économique pour trouver le bon usage justifiant une mise en place en identifiant les bons fournisseurs. C'est un projet qui prend du temps", recommande Ouassim Driouchi, de Bearing Point. Un avis partagé au sein de Software AG, éditeur de logiciels : "Les industriels doivent réfléchir à ce qu'ils veulent faire et y aller par itération. Une solution de maintenance prédictive facilitant leurs contrôles à distance ne pourra pas être parfaite dès le premier déploiement", souligne Fabrice Hugues, directeur technique et innovation en France.

"Déployer une solution prend du temps car il ne faut pas que l'IoT soit source de vulnérabilité"

Pour Eaton, spécialiste des systèmes électriques et hydrauliques, le point d'attention doit porter sur la sécurité. "Le gros sujet en ce moment est certes le remote, mais déployer une solution prend du temps car il ne faut pas que l'IoT soit source de vulnérabilité", met en avant Cyrille Brisson, son vice-président marketing. Software AG, qui a subi un ransomware en octobre 2020, confirme que les agressions ont pris de l'ampleur et que les entreprises doivent définir et partager la manière dont gérer une attaque.

Les solutions de maintenance prédictive vont connaître une industrialisation en 2021, estime Bosch Rexroth. "Les industriels se sont emparés du sujet il y a déjà un moment avec la démarche d'industrie 4.0 mais avec la crise sanitaire, ils se rendent compte que c'est l'avenir", constate Mohamed Younes, directeur de la division Service hydraulique & électrique. Même son de cloche chez Eaton : "Jusqu'à présent les industriels n'avaient pas pris le temps de calculer le retour sur investissement et avaient d'autres priorités. La crise les a incités à mettre le pied à l'étrier et ils se rendent compte du rapport coût/rentabilité que la maintenance prédictive apporte", assure Cyrille Brisson, chez Eaton. Illustration avec le cimentier Lafarge, équipé de la solution ODiN de Bosch Rexroth, qui a permis de détecter en début d'année une détérioration dans une des pompes d'un refroidisseur, évitant l'arrêt total de la production et une perte de plusieurs dizaines de milliers d'euros, selon Bosch Rexroth. Ce dernier a prévu de déployer son service de maintenance prédictive, aujourd'hui installé dans 20 systèmes de clients, à plus de 200 systèmes en 2021.

Chez Enedis, la démarche engagée depuis près de 24 mois s'est révélée pertinente au moment de la crise sanitaire. Le distributeur déploie avec la start-up française Havr des serrures connectées sur neuf locaux techniques pour en gérer l'accès à distance aux techniciens et leur permettre de réaliser les opérations de maintenance. "Ces derniers doivent gérer les clés de ces locaux. Or, sur ces neufs locaux, cela représente une soixantaine de clés", souligne Simon Laurent, CEO de la start-up. Couplées à des capteurs IoT, les serrures ne délivrent via l'application de Havr l'accès à la bonne personne qu'en cas d'alerte d'anomalie pour effectuer l'intervention. A la fin du premier semestre 2021, Enedis équipera de serrures connectées plus de 500 portes et ce chiffre sera porté à 5 000 portes en 2022. "Ce besoin de contrôle des accès et de supervision de la maintenance s'accroît. Ces douze dernières semaines, nous avons eu une trentaine de demandes et cela ne va faire que s'accélérer", conclut-il lui aussi.