Comment le smart building favorise le maintien à domicile des personnes âgées
Oubliées les maisons de retraites et autres instituts pour personnes âgées… Les Français veulent vieillir chez eux, constate Luc Broussy, président de France Silver Eco et récent auteur d'un rapport interministériel sur le bien-vieillir à domicile intitulé "Nous vieillirons ensemble". Pour rendre ce souhait possible, il est "indispensable que les logements soient adaptés et connectés", estime l'expert. Conséquence : les synergies entre les acteurs du smart building et de la silver economy tendent à se multiplier. Preuve en est avec cette collaboration entre le syndicat de l'Industrie du génie numérique énergétique et sécuritaire, IGNES, et la Fédération française des intégrateurs électriciens (FFIE), qui ont tous deux organisé, à la mi-septembre, un colloque rassemblant des acteurs majeurs du médico-social et du bâtiment.
"Il est d'autant plus important de nouer des relations entre nos deux secteurs que le principal défi auquel nous sommes confrontés est le manque de visibilité des solutions, qui pourtant existent, sont fiables et matures", souligne Benoît Coquart, président d'IGNES. Celui qui est également directeur général du groupe français Legrand plaide, à ce titre, pour une plus grande pédagogie. Le dirigeant donne l'exemple des solutions de détection de chute, "les plus simples à installer et les moins coûteuses". "La chute représente 80% des accidents de la vie courante chez les seniors et occasionne trois quarts des décès chez les personnes âgées de plus de 75 ans. Malgré l'essor de solutions s'appuyant sur des capteurs connectés ou des chemins lumineux, ces chiffres n'ont pas baissé en vingt ans", déplore Luc Broussy.
Le smart building offre toute une batterie de solutions utiles au maintien à domicile, à l'image du contrôle des accès. Les solutions de sécurité comme les détecteurs d'ouverture de porte peuvent permettre de veiller aux entrées et sorties des personnes atteintes d'Alzheimer, par exemple. Les solutions de pilotage des ouvrants, généralement installées chez les particuliers désireux de réaliser des économies d'énergie à travers le réglage de scénarios, sont, elles, sources de confort pour les personnes âgées. "Elles peuvent ainsi ouvrir leurs volets sans se déplacer", fait remarquer Emmanuel Joumard, vice-président innovation et consumer Insight chez Somfy. On peut également citer les capteurs qui détectent des incidents techniques (fuite d'eau, de gaz, incendie, forte chaleur...) et peuvent s'avérer bien utiles en cas d'oubli. En envoyant, par exemple, des avertissements aux aidants. Autre exemple, les interrupteurs de couleur. "La vue décline avec le vieillissement. C'est dans l'usage du maintien à domicile que ces interrupteurs, qui offrent du contraste, prennent toute leur valeur", renchérit Benoît Coquart.

Dans leur guide, l'IGNES et la FFIE ont évalué le coût et le temps d'installation des solutions et insiste sur leur accessibilité. A titre d'exemple, Emmanuel Joumard chez Somfy rappelle qu'un capteur de mouvement revient à moins d'une dizaine d'euros et qu'une serrure connectée peut s'installer à moins de 500 euros. Le marché ne cesse de croître, observe Luc Broussy, et les perspectives sont importantes : "La tranche des 75-84 ans va augmenter de 49% d'ici 2030", souligne-t-il. Legrand réalise déjà 60 millions d'euros de chiffre d'affaires via ses solutions de téléassistance. "La France est toutefois en retard par rapport à ses voisins européens, indique Benoît Coquart. En Espagne, il y a deux fois plus de personnes connectées à la téléassistance et elles sont plus d'un million de personnes au Royaume-Uni", indique Benoît Coquart.
Deux écueils subsistent : la sécurité des données et la définition des usages. "La domotique peut occuper une place prépondérante mais nous manquons de données pour effectuer des études d'impact sur les effets positifs et négatifs", confie Gwenaëlle Thual, présidente de l'Association française des aidants. Car les usages ne sont pas toujours intuitifs pour les personnes âgées. "Nous avons installé des luminaires avec détection de présence dans les toilettes d'un Ehpad en Ardèche et les usagers cherchaient en permanence l'interrupteur pour éteindre", raconte Emmanuel Joumard. Le dirigeant préconise d'ailleurs une conception sécurisée by design et l'analyse des données en local pour garantir la sécurité des données.
"Le smart building peut nous apporter une logique de parcours résidentiel, avec des logements qui s'adaptent selon nos moments de vie", assure Delphine Pavy, directrice du pôle associatif et médico-social du groupe CDC Habitat. Pour répondre à cette attente Arnaud Brouquier, président de Delta Sertec et coprésident de l'AniTEC, présente un showroom à Avignon et à Marseille pour illustrer comment le smart building doit être le dénominateur commun des bâtiments évolutifs. Concernant le maintien à domicile, sa vision s'inscrit dans celle de la Smart Buildings Alliance quant au rôle du bâtiment : l'adaptabilité ne doit pas se limiter à l'échelle du logement, mais être intégrée dans le bâtiment et dans la smart city avec une infrastructure numérique dans laquelle sont ajoutés différents services.