Sigfox en redressement judiciaire : les partenaires confiants mais prudents

Sigfox en redressement judiciaire : les partenaires confiants mais prudents L'opérateur IoT a six mois pour trouver de nouveaux acquéreurs. Ce dont l'écosystème dit ne pas douter... tout en déconseillant de se lancer avec sa technologie.

[Mis à jour le 27 janvier à 12h43] L'annonce du redressement judiciaire le 26 janvier de Sigfox a représenté un coup de massue dans le secteur de l'IoT. "C'était prévisible depuis un moment mais l'annonce reste un choc car Sigfox est la société qui a ouvert les portes à l'IoT en France, c'est une boîte qui faisait rêver et tous les clients en étaient satisfaits", témoigne Vincent Bulot, CEO du distributeur français EBDS Wireless & Antennas. 

"Sigfox a ouvert les portes à l'IoT en France, c'est une boîte qui faisait rêver"

Au-delà des raisons évoquées ci-dessous par Sigfox, justifiant la procédure de redressement judiciaire, beaucoup d'acteurs regrettent de "mauvais choix stratégiques". Les problèmes de management avaient déjà été mis en avant lors du départ du CEO de Sigfox, Ludovic le Moan, il y a un an (lire notre article 2021, un nouveau tournant dans l'histoire de Sigfox). Vincent Bulot cite pour sa part le manque de commerciaux : "Vu de l'extérieur, il n'y avait pas d'équipe opérationnelle sur le terrain pour conquérir davantage de part de marché." 

"Nous ne pouvons pas conseiller aux nouveaux clients de parier sur la technologie"

Le risque pour les clients est que le réseau s'arrête si aucun repreneur ne se manifeste dans les six mois. Une situation qui s'avèrerait catastrophique pour les millions de capteurs et compteurs communicants équipés, qui seraient alors inopérants. "Nous gardons espoir mais, ces six prochains mois, nous ne pouvons pas conseiller aux nouveaux clients de parier sur la technologie", regrette Yannis Cottard, PDG du fabricant Altyor. Pour la création de son bijou connecté, la fondatrice de MyEli avait de son côté déjà été mise en garde contre l'usage du réseau Sigfox.

"Les projets au stade du passage à l'échelle risquent pour leur part de rester à l'état de POC, le temps de valider le choix d'une connectivité de substitution. Ce qui ajouterait au mieux des semaines  de travail supplémentaires, et au pire de la reconception de produit", analyse Philippe Grange, fondateur du think tank GR-IoT et de l'étude Révélation IoT 360, qui met en avant la multi-connectivité pour offrir un surcroit de couverture en cas de défaillance d'un opérateur.

"Nous sommes confiants dans le fait qu'il y aura un repreneur"

Si les acteurs contactés s'interrogent sur ce qui va se passer, tous restent optimistes. "Nous sommes confiants dans le fait qu'il y aura un repreneur", assure Yannis Cottard. "Des solutions vont sans doute être mises en œuvre par Sigfox et ses partenaires pour éviter tout désagréments aux clients. Le marché de l'IoT reste prometteur", conclut Philippe Grange. 

Rappel des faits : A la demande de son directeur général, Sigfox et sa filiale Sigfox France, opérateur du réseau IoT en France, sont placés en redressement judiciaire. Le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert ce mercredi 26 janvier une procédure. Une période d'observation de six mois doit permettre d'identifier, grâce à la mise en œuvre d'un plan de cession, de nouveaux acquéreurs ayant la capacité d'œuvrer pour le développement à long-terme de Sigfox et de proposer un maintien des emplois. 

"La décision de placer Sigfox sous la protection de la Justice s'est imposée, malgré le soutien efficace des actionnaires, en raison d'un cycle d'adoption moins rapide que prévu de sa technologie, fait savoir l'entreprise dans un communiqué. En outre, le secteur de l'IoT a été marqué par la crise de la Covid-19 qui a ralenti l'activité sur les deux dernières années, et un marché des composants électroniques en pénurie depuis plusieurs mois. Ces facteurs ont lourdement pesé sur la situation financière de l'entreprise et en particulier sur son niveau d'endettement, qui rend aujourd'hui difficile l'accélération du développement de Sigfox et de sa technologie mondialement reconnue dans un marché de plus en plus compétitif."

Cette procédure permettra au groupe Sigfox de poursuivre ses activités commerciales et de continuer à répondre aux besoins de ses clients. Sigfox traite quotidiennement près de 80 millions de messages générés par 20 millions d'objets enregistrés. 5 000 clients se sont d'ores et déjà engagés sur le déploiement de près de 50 millions d'objets connectés. L'opérateur avait annoncé début janvier se lancer dans le développement de son premier module d'energy harvesting en partenariat avec HT Micron, un fournisseur de solutions de semi-conducteurs avancées, et Nowi, une société de semi-conducteurs basée aux Pays-Bas.

Sollicité par le JDN, le PDG Jeremy Prince n'a pas souhaité répondre à nos questions dans l'immédiat. Nous l'avions interrogé en juin dernier sur ses priorités.