François Hedin (Weaccess Group) "Le projet Convergence 5G permettra de développer des architectures 5G utilisant des réseaux classiques"

Le projet de l'opérateur français Weaccess Group est l'un des lauréats de la Mission 5G, visant à développer des solutions répondant aux problématiques des industriels dans le déploiement de la 5G.

François Hedin, PDG de Weaccess Group © Weaccess Group

JDN. Votre projet Convergence 5G est lauréat de la mission 5G industrielle lancée par le gouvernement. Qu'est-ce qui vous a poussé à développer une solution pour la 5G ?

François Hedin. Aujourd'hui, il y a encore peu de produits 5G disponibles sur le marché. La Direction générale des entreprises (DGE), dans la cadre de la Mission 5G industrielle, vise au développement d'offres pour répondre aux problématiques de trois marchés, à savoir l'aménagement du territoire, l'industrie 4.0 et la couverture indoor. Nous avons choisi de répondre à une problématique liée à l'architecture : les équipements 5G ont tous aujourd'hui une conception en Open-RAN. Cette architecture demande des accès à la fibre dédiés sur les sites pour relier entre eux la partie radio à l'émetteur du cœur de réseau. Résultat : dans une usine ou des bureaux collectifs, il faut amener de la fibre dédiée car l'on ne peut pas utiliser les fibres informatiques classiques déployées. Si on veut par exemple un hôpital en 5G, il faut redéployer de la fibre optique noire non activée avec une architecture spécifique dans tous les bâtiments, y compris dans les sièges sociaux, pour que la 5G indoor fonctionne.

Pour des industriels comme Arcelor Mittal, il est tout simplement hors de question de redéployer des fils sur leurs sites Aujourd'hui, on est donc coincé dans les développements et les déploiements 5G en France si on ne conçoit pas des architectures hardware spécifiques. C'est ce qui nous a poussé à travailler sur cette solution 5G autonome intégrée pour les déploiements des petits sites 5G industriels avec les sociétés françaises Grolleau, acteur majeur des infrastructures au service des territoires intelligents, et Arelis-LGM, spécialiste de l'électronique militaire radio.

Ce qui signifie que la solution développée dans le cadre du projet Convergence 5G permettra d'utiliser la fibre classique, n'est-ce pas ?

Exactement, l'objectif du projet Convergence 5G est de développer des architectures 5G utilisant des réseaux informatiques classiques sans avoir besoin de redéployer des kilomètres de fibres et de génie civil. Destinée aux réseaux industriels critiques et aux réseaux 5G dans les zones blanches, cette intégration spécifique doit permettre le déploiement de solutions 5G sur un réseau informatique existant aussi aisément qu'un réseau Wifi. Le projet Convergence 5G permettra par ailleurs aux industries de réunir sur un même réseau radio télécom 5G, les services actuellement supportés par les réseaux PMR – talkie-walkie de sécurité – les réseaux Wifi souvent peu sécurisés et disposant d'une couverture aléatoire, les réseaux DECT – téléphonie mobile d'entreprise– et les réseaux IoT en Lora.

Depuis combien de temps travaillez-vous sur ce projet et quels en sont les premiers résultats ?

Nous avons commencé à travailler sur ce sujet en mars 2021. Nos travaux ont néanmoins été ralentis par le Covid. Les premiers tests ont été effectués en février 2022 dans une usine de 100 000 m² d'atelier. La difficulté n'était pas la fibre mais le génie civil. Il fallait recroiser beaucoup de choses, on s'est rendu compte que ce coût de génie civil est supérieur à l'infrastructure 5G. Le programme a été validé par la DGE en mars. La prochaine expérimentation se fera dans l'usine de Grolleau avec pour challenge l'intégration radio, d'abord sur une base logicielle et hardware de petite puissance, à 250 milliwatts. Puis d'ici à six mois à 5 watts sur des bandes de fréquence de 100 MHz pour faire transiter 5 gigabytes de données. Un mât et une antenne émettrice couplés à une station de base ont déjà été installés sur le site de Grolleau pour tester le réseau privé.

Qu'est-ce que cela représente pour l'IoT ?

L'industrie 4.0 est un marché qui émerge. La demande principale concerne le positionnement par des étiquettes radio dans les usines pour gérer les stocks. Pour connecter les équipements, la 5G va être privilégiée car elle intègre les hautes et basses fréquences, elle va être normalisée (ce qui assure sa pérennité, ndlr) et la géolocalisation indoor est prévue dans la release 17 de la 5G. Les réseaux comme Sigfox ou LoRa sont par ailleurs voués à disparaître dans l'industrie, tout comme le Wifi, en raison des problèmes de sécurité. Le meilleur moyen de sécuriser les réseaux reste par le biais des cartes à puces en 4G et en 5G. 

"Les opérateurs n'ont pas compris que le marché de la 5G est un marché vertical, et non horizontal de masse"

Quels défis reste-t-il à résoudre ?

Le premier enjeu est d'ordre économique. Il faut des semi-conducteurs avec batterie intégrée à moins de 10 dollars, c'est indispensable pour des déploiements à grande échelle. On sait que NXP et Sequans Communications travaillent sur ce sujet. Pour notre part, nous visons la commercialisation d'une solution intégrée complète à moins de 10 000 euros pour qu'elle soit accessible aux PME. Avec une capacité de deux fois 5 watts, elle permettra de couvrir une usine de 10 000 m² avec des débits de 9 gigabytes. En comparaison, une solution de connectivité industrielle chez Nokia revient à 400 000 euros, auxquels il faut ajouter les licences annuelles.

Le deuxième défi de taille est lié aux savoir-faire. Les opérateurs n'ont pas compris que le marché de la 5G est un marché vertical, et non horizontal de masse. Ils sont en train de perdre leurs infrastructures en les bradant à des sous-traitants. L'exploitation du réseau mobile et son management est lui-aussi fait hors de France par des sous-traitants. Conséquence : ils perdent leur cœur de métier et ne sont plus capables d'effectuer des tests et d'installer un réseau 5G répondant à des contraintes précises. Ce qui ouvre à Weaccess, opérateur de réseaux privés et sécurisés, des opportunités incroyables avec la 5G.

Après des études de technicien supérieur, François Hedin commence sa carrière en développant de gros serveurs pour les groupes de presse (France 3, Amaury…). En 1995, il crée Weaccess Group : il s'occupe notamment de la conception et de l'architecture des réseaux. Avec plus de 35 années d'expérience dans les télécoms, François Hedin a su développer des technologies alternatives 4G fixe et 5G fixe en réponse aux besoins des entreprises et du grand public.