Chez Saur, les fuites d'eau sont stoppées par l'IA

Chez Saur, les fuites d'eau sont stoppées par l'IA Grâce à une plateforme de machine-learning de la société française spécialisée dans la science des données Dataiku, le gestionnaire des services de l'eau et de l'assainissement, peut identifier les conduites d'eau problématiques.

Près de 25% de l'eau potable produite est perdue en France en raison de fuites d'eau. "Ce gaspillage est dû à l'âge de la tuyauterie vieillissante", explique Christophe Orceau, CTO de Kurrant, cabinet de conseil spécialisé dans la digitalisation des villes et des utilities qui accompagne de nombreuses collectivités et acteurs de l'eau. C'est dans ce contexte que le groupe Saur, acteur de la gestion des services de l'eau et de l'assainissement en France et à l'international, a décidé en 2021 de développer un algorithme capable de définir un indice de criticité des conduites d'acheminement de l'eau potable. Son objectif : "permettre l'identification des canalisations responsables des fuites d'eau et contribuer à améliorer la performance du réseau", indique Grégory Denis, chief data officer chez Saur et responsable des développements en intelligence artificielle.

Pour développer cet indice et déterminer comment l'IA peut apporter un plus à ses compétences et ses services, Saur a fait appel fin 2021 à Dataiku, société française spécialisée dans la science des données et l'IA. "L'avantage de ce partenaire est de faciliter la collaboration entre différents interlocuteurs métiers et de permettre la réalisation de bout en bout de projets, de la phase exploratoire à la mise en production des algorithmes sans rupture d'environnement logiciel. De plus, la propriété intellectuelle de ce qui est développé reste la propriété exclusive de Saur", justifie Grégory Denis.

Le projet a été mis en œuvre début 2022 et a été progressivement étendu à toute la France. "La difficulté est souvent l'accès à une donnée de qualité et à des formats standardisés. Heureusement, le datahub mis en place précédemment par le groupe Saur a accéléré le projet", témoigne Amaury Delplancq, vice-président de Dataiku pour l'Europe du Sud. La Saur peut désormais envisager le déploiement de la solution à l'échelle du groupe.

Des millions de lignes de données scrutées par l'IA

Pour identifier les fuites d'eau, la solution de machine-learning supervisé de Dataiku analyse différentes typologies de données et intervient à plusieurs niveaux. Déjà, elle s'appuie sur la complétude des données des analyses patrimoniales du réseau géré par Saur, qui se basent sur l'âge des canalisations, la présence d'équipements d'ouverture de flux progressif pour éviter les à-coups hydrauliques ou les données des équipements connectés, comme les compteurs communicants, notamment la nuit quand les débits sont censés être pratiquement nuls.

Les algorithmes analysent également les données de volume d'eau en distribution, en consommation, la nature du sol et les données de géo-risque pour connaître les mouvements de sol. Les données satellites et les données opérationnelles d'intervention y sont aussi intégrées. Cela représente au total des millions de lignes scrutées par l'IA. L'opérateur de réseau est en train d'ajouter à ce service la visualisation des rendements sectorisés grâce à la masse d'information volumique retraitée par le big data pour compléter automatiquement des données manquantes ou aberrantes.

250 000 kilomètres linéaires d'eau potable analysés

L'IA intervient par ailleurs dans la localisation rapide des fuites repérées pour guider l'agent opérationnel sur le terrain. Autre usage de cet algorithme : déterminer comment investir au mieux dans le renouvellement du patrimoine hydraulique. "L'idée est de guider les investissements vers des linéaires qui vont améliorer la performance du réseau", se réjouit Grégory Denis. Saur gère 250 000 kilomètres linéaires d'eau potable pour environ 20 millions de personnes. Les résultats de l'IA intégrés dans les applications mobiles affichent aux équipes de Saur des recommandations basées sur l'historique des réparations sur dix ans. Les premiers résultats permis par l'IA : "L'identification des 10% de canalisations responsables d'un tiers des fuites, c'est un véritable gain de temps pour la localisation", se réjouit Grégory Denis.

"L'IA et le big data s'intègrent très bien dans les processus des métiers de l'eau et apportent de la valeur aux compétences hydrauliques"

Pour aller plus loin dans la détection de fuites, le groupe Saur planche sur l'utilisation de l'IA pour détecter dans une canalisation les phénomènes transitoires de pression, appelés aussi coups de bélier. "Ce sont des à-coups hydrauliques qui surviennent quand une vanne ou une pompe est relancée de manière non progressive. Quand ces phénomènes arrivent, ils génèrent une contrainte sur les canalisations. Avec cet algorithme, nous pourrons bientôt les repérer sans changer le matériel actuel de détection de pression, et contribuer à préserver la durée de vie des équipements", détaille le CDO de Saur. "Notre plateforme est agnostique en termes d'usage, elle permet par exemple de travailler ensuite sur la gestion de la qualité de l'eau", ajoute Amaury Delplancq.

L'IA combinée à l'IoT s'affirme donc comme un vrai atout dans la gestion de l'eau. "La technologie est une évidence pour anticiper toute problématique, comme les pénuries d'eau", affirme Christophe Orceau, CTO de Kurrant, qui n'est pas impliqué dans ce projet du groupe Saur mais possède, en tant qu'expert, d'une bonne vision sur le marché. Un avis partagé par Grégory Denis : "L'IA et le big data s'intègrent très bien dans les processus des métiers de l'eau et apportent de la valeur aux compétences hydrauliques."

Ce projet de détection de fuites n'est pas le seul mené au sein du groupe Saur. Le fournisseur d'eau potable avait déjà mis au point, via sa filiale ImaGeau, une IA pour prédire le niveau des nappes phréatiques et des eaux de surface. Actuellement, les équipes croisent les prédictions de consommations d'eau potable avec des prédictions de recharge de nappe. Autre exemple, Saur travaille sur la détection de dérives sur des remplissages de réservoirs. La prochaine étape sera de développer de l'IA générative pour les réponses à appel d'offre et le suivi des engagements contractuels dans un environnement LLM 100% sécurisé.

Par un usage lié à la performance du réseau, Saur démontre l'utilité de l'IA dans ses métiers. Et il y a encore beaucoup à faire sur l'ensemble du cycle de l'eau. "Après les nappes, la deuxième étape est de monitorer le pompage, une activité qui consomme beaucoup d'énergie et que l'on peut optimiser. Et après la détection de fuite sur le réseau de distribution, l'IA et l'IoT peuvent intervenir dans le traitement de l'eau usée et son recyclage", énumère Christophe Orceau. Le groupe possède une expertise via sa filiale Sterau en ingénierie pour la conception et la construction de stations d'épuration. Etendre davantage les usages de l'IA, une idée qui coule de source.