Christophe Bejina (Alcatel Submarine Networks) "La 5G se rapproche considérablement des performances du filaire, tant en termes de latence que de débit"

Christophe Bejina est chief information officer d'Alcatel Submarine Networks. Il revient pour le JDN sur les nouveaux usages de la 5G privée en entreprise. Christophe Bejina interviendra le 25 septembre à l'occasion de l'événement Free Pro Hubdate, en collaboration avec le JDN.

JDN. En quoi la 5G privée est-elle une bonne alternative au réseau fixe ou Wifi pour les entreprises ?

Christophe Bejina est chief information officer d’Alcatel Submarine Networks. © CB

Christophe Bejina. La 5G privée présente plusieurs avantages par rapport au Wi-Fi ou au réseau fixe pour les entreprises. Tout d'abord, il s'agit d'un véritable réseau, contrairement au Wi-Fi qui n'est qu'une collection d'antennes. Ce réseau, géré par l'industriel ou son partenaire, offre de très hautes performances en termes de connexion et de transmission, avec des critères de fiabilité élevés, similaires à ceux des réseaux téléphoniques privés.

Cela permet d'avoir un continuum de connectivité numérique sécurisé sur l'ensemble du site. Une fois l'ingénierie et le déploiement effectués, la 5G est omniprésente. On peut alors déployer n'importe quel dispositif, applicatif, machine ou terminal, partout sur le campus industriel, sans dépendre d'une connectivité fixe ou devoir tirer des fils. Cette grande agilité et cette mobilité s'ajoutent à la haute fiabilité du réseau.

De plus, la partie transmission du réseau, où les données sont échangées, est entièrement cryptée. Cela concerne la signalisation, l'échange de données et l'accessibilité au réseau, offrant ainsi une sécurisation nettement renforcée. Par ailleurs, comparée aux réseaux Wi-Fi classiques, la 5G privée présente une robustesse d'interface radio nettement supérieure. Elle résiste mieux aux environnements métalliques et aux contraintes diverses. Tout industriel peut témoigner de la sensibilité des antennes Wi-Fi aux mouvements et aux obstacles métalliques. En revanche, un réseau 5G est beaucoup plus stable et résistant à ces interférences et obstacles.

Les atouts de la 5G privée gardent-ils tout leur intérêt face à l'arrivée progressive du Wi-Fi 7 ?

Oui, tout à fait. Il faut bien comprendre que la 5G privée et le Wi-Fi, même dans sa version 7, ne répondent pas aux mêmes cas d'utilisation. Pour couvrir une zone de 10 mètres carrés, essentiellement composée de bureaux où l'activité est limitée, une antenne Wi-Fi suffit amplement.

La différence fondamentale réside dans la nature même de ces technologies. La 5G privée est un véritable réseau, doté d'un cœur de réseau et d'une gestion opérationnelle. Elle permet une mobilité entre les antennes sans perte d'information et offre des moyens de piloter la qualité de service pour différents cas d'usage. C'est un système nerveux complet que ne peut pas fournir une simple collection d'antennes Wi-Fi. Cela ne signifie pas que le Wi-Fi n'a pas sa place. Nous utilisons d'ailleurs des bornes Wi-Fi, mais elles reposent sur un backbone 5G. Le Wi-Fi ne peut pas constituer un véritable backbone de réseau. Il reste efficace pour des connexions point à point, mais pour un réseau complet et robuste, la 5G privée s'impose comme la solution la plus adaptée.

La 5G peut-elle concurrencer les connexions fixes en matière de latence ?

La 5G se rapproche considérablement des performances du filaire, tant en termes de latence que de débit. Dans certains cas, elle rivalise même avec la fibre optique. C'est là que la 5G commence à concurrencer sérieusement les connexions fixes, y compris en termes de performance. C'est une évolution logique. Lorsque nous reconfigurons des usines ou déployons de nouvelles machines, nous n'avons plus besoin de tirer des câbles. Que ce soit pour une machine d'emballage ou de nouveaux outils, nous les connectons à travers l'usine via la 5G. Cette flexibilité transforme radicalement la manière dont nous concevons et adaptons nos environnements industriels.

Dans quel cas une entreprise doit-elle considérer une migration de son réseau LTE/4G vers la 5G ?

La migration d'un réseau LTE/4G vers la 5G devrait être envisagée par une entreprise principalement dans deux cas. Premièrement, lorsqu'il y a un besoin d'augmenter significativement les débits. La 5G offre des capacités de transmission de données nettement supérieures à celles de la 4G. Deuxièmement, si l'entreprise a des applications industrielles spécifiques nécessitant des temps de réponse plus courts et une latence optimisée. La 5G permet d'atteindre des niveaux de performance en termes de latence que la 4G ne peut égaler.

Un autre facteur à considérer est l'évolution des terminaux. De plus en plus d'équipements sont conçus pour fonctionner de manière optimale avec la technologie 5G. Une entreprise souhaitant rester à la pointe pourrait donc trouver un intérêt à migrer vers la 5G.

Les entreprises devraient-elles attendre l'arrivée de la 6G avant de moderniser leur réseau, ou devraient-elles adopter la 5G dès maintenant ?

Il est prématuré d'attendre l'arrivée de la 6G avant de moderniser les réseaux d'entreprise. J'ai été impliqué dans le secteur du sans-fil depuis l'époque de RadioCom 2000, en passant par la 2G, la 3G, etc. À chaque nouvelle génération, la même question se pose : faut-il attendre la prochaine ? La réponse est non.

La 6G n'est pas encore à l'ordre du jour. Il faut comprendre que les cycles de déploiement dans l'industrie sont généralement plus lents que dans le grand public. C'est comparable aux versions de Windows : les entreprises ont souvent deux ou trois versions de retard par rapport au grand public. Ce décalage d'appropriation et d'utilisation s'applique également aux normes de téléphonie dans l'industrie. Actuellement, nous sommes dans une phase d'accélération de la 5G. Il serait donc complètement prématuré de bâtir une stratégie sur la 6G à ce stade. Je ne le recommanderais pas et je ne m'y intéresse pas encore personnellement. La 5G offre déjà un potentiel considérable, largement suffisant pour répondre aux besoins actuels et futurs proches des entreprises.