Les trois grands principes de la négociation diplomatique : se préparer avec empathie

Le premier pilier de la négociation diplomatique, la volonté de préserver la relation, nous a permis de changer notre façon d’aborder la négociation : sortir d’une logique de pur rapport de force pour mettre au premier plan la coopération à long terme. À présent nous allons aborder notre deuxième point : les méthodes et techniques pour arriver le mieux préparé possible devant notre interlocuteur.

"Être toujours prêt à négocier, mais ne jamais négocier sans être prêt", ce mot fameux d’Henry Kissinger nous conduit à notre deuxième grand point, la préparation, qui est souvent la grande oubliée du processus de négociation. L’idée n’est pas que les négociations ne sont pas préparées — elles le sont — mais c’est, là encore, l’empathie qui manque à cette préparation.

Or, cette empathie ne suppose pas autre chose que de se poser toutes les questions possibles nous permettant de comprendre avec quelles intentions l’autre partie se rend à la table de négociation. Voici cinq questions à toujours se poser avant de s’asseoir pour négocier avec quelqu’un.

  • Quels sont ses intérêts ?
  • Quelles sont ses meilleures/pires solutions de rechange ?
  • Quel est son objectif ?
  • Quel est son style de négociation ?
  • Quelles sont ses positions ?

De notre côté, il nous faut aborder la rencontre en ayant l’idée la plus claire possible de ce que sont nos intérêts et objectifs, de la qualité de notre relation avec l’autre partie, de la collaboration que nous envisageons à long terme.

C’est ce qui nous permettra d’être le plus assertifs possible sans entrer dans la confrontation qui pourrait endommager la relation et donc faire perdre tout le monde. C’est aussi ce qui nous offrira la souplesse nécessaire à la conduite de la discussion.

De la position à l’intérêt

Or cette souplesse, si importante pour parvenir à un accord maximisant, suppose un changement de perspective important : passer de la position à l’intérêt. Un exemple. Une négociation salariale dans une PME : un collaborateur arrive tonitruant en demandant 5 000 euros nets de plus par an. C’est sa position : sa demande concrète. Mais quel est son intérêt ?

Pour le comprendre, il faut nous interroger sur la raison de sa position. Pourquoi demande-t-il cette augmentation ? Est-ce parce qu’il a besoin d’augmenter son pouvoir d’achat à la naissance de son deuxième enfant ? Est-ce qu’il veut obtenir de la reconnaissance pour sa contribution dans l’entreprise ? Est-ce pour marquer son positionnement hiérarchique ou son expérience ?

De nombreuses réponses sont possibles.

Ainsi, si nous ne pouvons accéder à sa demande, parce que nous n’avons pas les ressources pour, ou parce que nous considérons que cet accord serait trop négatif pour nous, nous allons pouvoir partir de son intérêt pour tenter de trouver une solution de rechange. Là, où la position est bloquante, "c’est ça ou rien", l’intérêt ouvre de nombreuses fenêtres d’opportunités et permet la créativité dans l’élaboration des solutions.

Les meilleures solutions de rechange : la créativité en amont de la négociation

Mettre à profit sa créativité est le dernier élément important d’une bonne préparation. Elle permet, en effet, de trouver des solutions de rechange avantageuses pour tout le monde alors qu’une situation semble complètement bloquée.

On peut utiliser ici deux concepts forgés par les négociateurs internationaux pour avancer de manière méthodique : la ZAP, zone d’accord possible, et la MESORE, meilleure solution de rechange.

La ZAP désigne l’ensemble des solutions qui vont répondre, plus ou moins, aux intérêts des deux parties négociatrices. Cela implique d’avoir en tête nos intérêts mais aussi de comprendre ceux de l’autre. Au lieu de se figer sur une position, on peut ainsi élaborer des MESORES.

Si nous devons, par exemple, négocier avec un fournisseur pour demander une ristourne, quelles MESORES pouvons-nous préparer en cas de refus sur notre position ? En fonction de nos intérêts et des siens, nous pouvons trouver une autre variable que le prix sur laquelle faire une proposition : par exemple la qualité de service. Les MESORES et notre créativité vont ainsi nous permettre de trouver des fenêtres d’accord là où il semble qu’aucune ZAP ne soit possible.

Il arrive, en effet – souvent même – que des intérêts ne puissent se rencontrer. C’est le cas, par exemple, dans les négociations avec très peu de variables, comme les négociations immobilières, où le prix est presque la seule condition d’un accord. Notre intérêt est alors de faire comprendre notre refus de la manière la plus apte à maintenir la relation, afin qu’un potentiel accord puisse avoir lieu, dans le futur, si certaines conditions changent. Il y a pourtant des situations où il faut absolument trouver un accord alors qu’une zone d’accord possible semble absente.

C’était le cas, par exemple, sur la question irlandaise dans le cadre des négociations entre l’Union Européenne et la Grande-Bretagne pour le Brexit. C’est la créativité des négociateurs qui a permis de sortir de cette impasse en trouvant une solution outside the box qui soit acceptable pour les deux parties. Sur cette épineuse question – le sort de la frontière irlandaise après la sortie de la Grande Bretagne de l’Union Européenne – aucune solution ne parvenait à émerger du fait d’intérêts parfaitement contradictoires. Les pro-Brexit souhaitent une frontière, l’Union Européenne et l’Irlande s’y opposent. Boris Johnson a donc proposé de mettre la frontière à l’eau ! Littéralement. En déplaçant les contrôles douaniers sur mer, le premier ministre britannique a permis une avancée dans des négociations qui semblaient pourtant condamnées dès le départ.

Il ne faut donc pas avoir peur d’aller chercher des solutions audacieuses hors des sentiers battus ; à condition toutefois, qu’elles soient préparées avec sérieux,  qu’elles soient réalisables et fondées sur les intérêts de chacun.

Le dernier article de cette série traitera de notre communication verbale et non-verbale face à notre interlocuteur. La négociation diplomatique repose, en effet, sur un troisième pilier : l’incarnation, c’est-à-dire notre capacité à montrer que nous recherchons un accord qui soit positif pour l’ensemble des parties.