Entreprises : comment anticiper et gérer vos impayés ?

Aggravés par la crise, les retards de paiement peuvent mettre en danger tout un écosystème avec des impayés en cascade, fragilisant notamment les petites entreprises. Comment s'en prémunir et réagir en cas de non-respect des délais de paiement ?

« Un point noir qui est une triste spécialité française » et « une très mauvaise habitude qui est la traduction d’une culture qu’il faut faire évoluer », c’est ainsi que Bruno Le Maire qualifiait le non-respect des délais de paiement, une problématique accrue par la crise de la Covid-19. 10 jours en 2019, 13 jours en 2020, les retards de paiements ont à nouveau augmenté en 2021 pour atteindre 15 jours en moyenne. À tel point que 94% des entreprises y voient un véritable fléau économique (baromètre ARC-Ifop).

À cela s’ajoute le retrait progressif des mesures d’aides publiques qui devrait déclencher une augmentation progressive du nombre de défaillances d’entreprises, synonyme de résurgence de nouveaux impayés en cascade (étude EULER Hermes). Ces retards peuvent très vite avoir des répercussions sur tout un écosystème : un client qui ne paie pas peut créer un trou dans la trésorerie  de l’entreprise créancière, la mettant alors elle-même en difficulté. Les petites entreprises et indépendants peuvent sans le vouloir se retrouver coincés, à la fois créanciers suite aux impayés de leurs clients, et débiteurs eux-mêmes car ils n'arrivent plus à payer leurs factures en raison de leur manque de trésorerie… Alors concrètement, comment anticiper et faire face aux impayés ?

Quand parle-t-on d’impayés ?

La première question à se poser est celle de savoir si la créance fait état d’un impayé. Pour être réclamée, une créance doit être exigible (à compter de la date d’échéance mentionnée dans la facture), certaine (que l’on peut prouver par un contrat par exemple) et liquide (recouvrable par une somme d’argent).

La facture joue donc un rôle important : elle doit clairement mentionner les conditions d’exigibilité (sans cela la créance ne pourra pas être exigée). C’est aussi ce document qui permettra de faire courir les premiers intérêts de retard.

Première étape : le dialogue pour tenter de trouver un accord amiable

Le dialogue est la première étape pour tenter de recouvrer un impayé, l’objectif étant d’obtenir un paiement volontaire de la part de son client. Le créancier doit d’abord adresser des relances à son client (de préférence par email afin de garder une trace écrite). Il est important de garder en tête qu’un retard de paiement peut être simplement dû à un oubli ou une désorganisation interne, et donc de ne pas enclencher dès le début une démarche agressive.

Toutefois, si ces relances restent sans réponse, une première lettre de mise en demeure pourra être adressée, suivie en cas d’échec d’une seconde lettre de mise en demeure signée de la main d’un avocat. Dans 7 cas sur 10, une lettre rédigée par un avocat permet au créancier d'obtenir un recouvrement. Pour les 30% restants, s’ouvre la voie judiciaire.

La voie juridique, bouée de sauvetage pour les entrepreneurs en détresse

En l’absence d’accord amiable, le recouvrement implique nécessairement de saisir les juridictions. Il sera demandé au juge de se prononcer sur la condamnation ou non du débiteur à rembourser ses frais. À noter que depuis 2015, il est obligatoire d’indiquer dans l’assignation en justice que des mesures amiables infructueuses ont été menées au préalable.

Il existe trois mesures judiciaires : l’injonction de payer, le référé provision et l’assignation au fond. Beaucoup d’entrepreneurs sont tentés de se tourner vers l’injonction de payer et le référé provision, deux procédures réputées rapides et peu coûteuses. Mais encore faut-il que la créance soit incontestable et qu’il n’y ait aucun doute sur le contenu du contrat initial. À défaut, le débiteur pourra contester la facture et le juge renverra l’affaire au fond. C’est alors du temps perdu et surtout de l’argent avec des frais d’actes d’huissier qui n’auront in fine servi à rien. L’assignation au fond est en ce sens une alternative intéressante car elle annule le risque de renvoi. Il n’est pas rare que cette procédure s’avère finalement plus rapide que les précédentes. Il s'agit d’une procédure via une assignation que l’on adresse devant le tribunal de commerce ou judiciaire selon la nature des clients concernés.

Afin de tenter d’enrayer cette dynamique des retards de paiements, Bruno Le Maire a annoncé que le respect des délais de paiement figurera dans la cotation FIBEN (fichier bancaire des entreprises) de la Banque de France en 2022. Il étudie également la possibilité d’un calendrier progressif pour abaisser la durée légale maximale des délais de paiement. Mais en attendant, la clé pour les créanciers réside comme souvent dans l’anticipation. Pour s’assurer une chance de recouvrer d’éventuels impayés, il est primordial de disposer d’une solide documentation juridique. Les Conditions Générales de Vente et Conditions Générales de Prestation de Services prévoient notamment les dates d’échéances et les conséquences en cas de retard.

Autre conseil pour éviter les mauvais payeurs : fonctionner par le biais de paiement par provision avant livraison du bien ou exécution de la prestation. Un débiteur réticent à honorer dès le départ un acompte, cela peut déjà être un signe...