Repenser sa démarche produit, un impératif pour réussir sa transformation numérique

Au moment où la technologie joue le rôle d'accélérateur du changement comme jamais auparavant, concevoir un produit à succès est d'autant plus compliqué. En effet, l'avènement de ce que l'on appelle le " consom'acteur " pousse les organisations à adapter leurs activités. En témoigne l'effet qu'a eu la crise sanitaire sur les habitudes de consommation : le pouvoir se trouve désormais entre les mains du client.

Les organisations adoptent de nouvelles façons de travailler, avec de nouveaux outils et de nouvelles méthodes, dans l’espoir qu’elles les aident à développer de meilleures solutions. L’agilité est devenue une question de survie, une finalité plus qu’un moyen.

L’agilité en soi ne fait plus débat de nos jours. Cependant, sa mise en œuvre reste parfois critiquable car principalement focalisée sur les seules étapes de conception et de développement. Les organisations oublient de se demander s’il s’agit du bon produit, celui qui va apporter de la valeur à un client qu’il faut sans cesse satisfaire…

La conception produit : un processus évolutif basé sur un apprentissage continu 

Aujourd’hui encore, la transformation numérique d’une organisation est trop souvent considérée comme un projet de transformation, et non comme un changement culturel continu. Adopter de nouvelles méthodes et de nouveaux outils ne suffit pas. Pour ancrer le changement de façon pérenne, il est nécessaire d’adapter également la posture des individus et la culture d’entreprise.

Longtemps, les acteurs de l’entreprise ont suivi des règles qui ne favorisent ni l’autonomie, ni la prise d’initiative, bien au contraire. Les organisations adoptent le Lean Startup ou le Design Thinking, au sein d’un processus de conception séquentiel immuable et procurant un faux sentiment d’innovation. Le design washing est tendance. Pour y remédier, il est nécessaire d’adopter un processus de conception évolutif basé sur un apprentissage constant et régulier. 

La doctrine consiste à se rassurer en étant prédictif au plus tôt afin de limiter l’incertitude et donc le risque. Suivre un plan, même erroné, c’est progresser, y compris dans la mauvaise direction. Le changement reste perçu encore comme une anomalie et non comme une opportunité d’amélioration. Or, « aucun business plan ne résiste au premier contact client » tel que l’affirmait Steve Blank, entrepreneur de la Silicon Valley et père de l’état d’esprit Lean Startup. Innover comme une startup, c’est davantage un changement d’état d’esprit qu’un changement d’outil ou de méthode. 

La véritable naissance d’un produit a lieu lors de la confrontation entre ce dernier et le client, et non lors des premières étapes de réflexion. Ce n’est donc pas le moment de démobiliser une partie des équipes. Bien au contraire, les informations les plus importantes proviennent directement des clients eux-mêmes via l’observation de leurs problèmes et dans l’analyse des données comportementales qu’ils génèrent avec l’usage du produit. C’est pourquoi il est essentiel d’encourager l’exploration régulière et continue de nouvelles solutions capables de résoudre des problèmes bien réels.

Concevoir un produit à succès, c’est le concevoir avec ses utilisateurs

En réponse à ce défi, il faut maîtriser les techniques permettant d’expérimenter des idées rapidement et à moindre coût, pour ne conserver que celles qui méritent d’être implémentées. Aussi, il faut accepter qu’une grande majorité des idées ne seront tout simplement jamais mises en œuvre. Il s’agit là d’un changement fondamental dans le processus usuel de conception. On retarde ainsi la décision de lancer des développements jusqu’au moment où c’est réellement nécessaire, après validation des hypothèses par des faits tangibles.

En réalité, trop de décisions s’appuient sur le seul jugement ou l’intuition de quelques personnes. La pensée rapide du cerveau présume du comportement de l’utilisateur. Aucune intuition ne saurait remplacer un travail de recherche approfondi ainsi qu’une confrontation des solutions potentielles auprès des utilisateurs. Trouver le bon équilibre entre les approches qualitatives et quantitatives et multiplier les activités de collecte d’informations, d’expérimentations et d’observations coûte moins cher qu’un développement, surtout en cas d’erreur.

La clé pour innover réside dans la rapidité d’exécution et des cycles courts où l’on itère sur tout un ensemble d’activités. C’est un malentendu récurrent : les organisations utilisent un processus séquentiel, où les étapes se succèdent les unes après les autres et non au sein d’un processus continu.  L’observation du comportement de l’utilisateur par exemple, est régulièrement menée lors des premières réflexions et à partir d’une maquette ou d’un prototype papier. Il n’est pas rare de constater que le comportement de l’utilisateur est parfois très différent de celui que l’on avait imaginé. L’usage veut que l’on blâme l’utilisateur sans se remettre en question, puisque le travail réalisé en amont est nécessairement correct.

Imaginer un produit à succès, y compris pour les géants de la Silicon Valley où tout peut sembler facile, c’est assumer un produit aux choix forts ne contenant le plus souvent que peu de fonctionnalités, mais rendant le service meilleur. C’est tout sauf un patchwork de fonctionnalités maladroitement emboîtées les unes aux autres : de nos jours, le consommateur recherche une promesse de valeur. 

Il est rare de concevoir un produit parfait dès la première tentative. Si l’utilisateur n’utilise pas ou peu les fonctionnalités d’un produit, ce n’est pas nécessairement qu’elles sont mauvaises en soi mais, il peut s’avérer qu’il n’arrive tout simplement pas à les utiliser. L’entreprise n’est pas représentative de l’ensemble des utilisateurs de son produit. C’est pourquoi les utilisateurs doivent être impliqués dans le processus de conception, au plus tôt et de façon continue. Cela permet de mieux les comprendre et de tester rapidement ses dernières idées. Il devient plus que nécessaire de bien connaître ses utilisateurs, leurs problèmes et de s’assurer que le produit soit toujours en mesure d’attirer et de fidéliser de nouveaux utilisateurs. Aussi, l’entreprise qui ne s’adresse pas à une communauté peut-elle survivre à l’ère numérique ?

Le mix marketing traditionnel ainsi que les modèles d’affaires d’antan sont désormais obsolètes. L’organisation doit se réinventer et acquérir les codes culturels et les connaissances nécessaires afin d’obtenir de nouveaux réflexes : en somme, instiller un véritable changement culturel.