Reinold Geiger (Président de l'Occitane) : "J'ai créé six entreprises : certaines ont marché, d'autres ont été des flops"

Auréolé du titre d'entrepreneur de l'année par l'Insead, le président de l'Occitane revient sur son parcours de dirigeant et livre ses clés pour réussir à l'international.

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Reinold Geiger, président de L'Occitane en Provence © L'Occitane

Les 9e trophées de l'Insead, organisés par l'association d'anciens élèves de l'école, ont récompensé des chefs d'entreprise au parcours exemplaire à l'international. Lauréat, avec la mention 'entrepreneur de l'année', Reinold Geiger, président de L'Occitane en Provence depuis 1996, revient sur son parcours de dirigeant et de créateur d'entreprise.

Vous n'êtes pas le fondateur de L'Occitane, en quoi vous définiriez-vous comme un entrepreneur ?

Reinolg Geiger. C'est un mot très pompeux... Disons que je n'ai jamais été un bon employé. J'ai été salarié seulement un an, après la fin de mes études d'ingénieur. J'étais aventurier, j'avais envie d'indépendance et je voyais le modèle de mon père, menuisier à son compte. J'ai donc démissionné d'un poste très intéressant pour mon âge afin de monter ma propre entreprise. J'en ai créées six au total : certaines ont bien marché et d'autres ont été de flops. La première a rapidement été dissoute suite à des problèmes d'entente entre actionnaires, qui étaient tous des copains d'école. J'ai ensuite fondé un tour operator, basé à Londres, mais il y a eu une grande grève qui nous a fortement pénalisés. Ma troisième entreprise était une société d'emballage spécialisée dans les parfums et cosmétiques. En 10 ans, elle est devenue leader en Europe et aux Etats-Unis. Cotés sur le second marché , nous étions sollicités par de nombreux grands groupes pour être rachetés. L'entreprise avait besoin de gros investissements et j'avais le sentiment d'avoir fait le tour du secteur alors j'ai vendu la moitié à un grand groupe. Cela a duré environ un an mais je n'étais pas un bon cadre : je travaille pour le bien de l'entreprise, je ne fais pas de politique. J'ai fini par tout vendre. Ensuite je suis devenu investisseur, entre autre dans L'Occitane en Provence (en 1991). 

Vous avez racheté L'Occitane et pris les commandes à une époque ou les résultats étaient peu encourageants : qu'est-ce qui vous a décidé ?

L'entreprise n'allait pas dans le bon sens mais je ne connaissais rien au métier : si je pensais alors que j'allais devoir la diriger, je n'aurais jamais investi dans la société. Souvent, quand une PME est rachetée par un grand groupe, on lui inculque la mentalité du groupe. L'Occitane, je voulais qu'elle marche mieux tout en conservant son identité. J'aurais très bien pu créer une société comme L'Occitane mais, puisque j'avais les moyens financiers, pourquoi recommencer de zéro ?

L'Occitane est très présente à l'international : quels ont été vos atouts pour vous développer avec autant de succès ?

Les entreprises françaises du secteur de la beauté ont un avantage en termes d'image de marque mais il est vrai que par rapport à la taille de L'Occitane, peu de sociétés ont eu un développement similaire. A la base, il y a un produit authentique, accroché à un terroir. Nous avons été portés par une demande croissante pour les produits naturels. Nous avons procédé avec méthode, une chose après l'autre. Mais il est vrai que nous avions les moyens d'investir beaucoup d'argent.

Quels conseils donneriez-vous à des entrepreneurs de PME qui souhaiteraient se lancer à l'international ?       

Tout dépend de l'ambition. Pour avoir du succès dans différents pays, il faut avoir une mentalité internationale et pas se comporter en petit "frenchie". Pour se sentir à l'aise, il faut aussi savoir parler anglais. L'important c'est de réussir à se faire comprendre partout. A ce titre, l'Insead est une école extrêmement intéressante car le travail se déroule en petits groupes avec des personnes de nationalités différentes. Si à la fin d'un tel cursus on est encore totalement franchouillard...

Si on veut avoir du succès, il faut aussi avoir le courage de créer des filiales car si vous comptez sur le distributeur local c'est beaucoup plus aléatoire. On choisit un pays, on se développe, puis on choisit un autre pays, etc.

Quels sont vos prochains défis ?

Chez L'Occitane, on se fixe des objectifs à cinq ans mais on vit surtout au jour le jour. Il faut savoir être opportuniste. On se remet en cause tout le temps sur les produits et les concepts de magasin car même si nous avons de l'avance, il y a de nombreux concurrents sur notre créneau, dont des grandes sociétés avec beaucoup de moyens. Nous devons rester contemporains. Le plus grand danger consiste à s'asseoir sur ses lauriers et croire qu'on est bon.

Le site : L'Occitane