Transformation digitale : l'Afrique ne doit pas revenir à une réalité prépandémique

L'Afrique continue d'être à la traîne des autres régions sur les questions d'accès, de coût et d'usage des TIC. Pour assurer sa transformation digitale et réussir systématiquement ses projets IT, les décideurs doivent mettre en place des mécanismes de gouvernance appropriés, pour résoudre les problèmes liés, notamment, aux méthodes de sélection des technologies et à la faiblesse de la maitrise d'ouvrage de ces projets.

Durant la pandémie, nous avons tous remarqué que l'innovation digitale et l'entrepreneuriat ont augmenté sur le continent africain, avec plus de 400 hubs numériques en Afrique dans 93 villes, dont plus de 130 nouveaux hubs ouverts au cours des deux dernières années. Ensemble, ils génèrent plus de 1,1 milliard de dollars.

La course pour répondre à la pandémie de COVID-19 a stimulé l'innovation et la créativité à travers l'Afrique, ce qui a montré le potentiel du continent pour accélérer son développement industriel, y compris en mettant en œuvre des technologies développés localement. Nous avons tous observé d’énormes investissements dans l'infrastructure réseau, la connectivité et la sécurité pour permettre aux collaborateurs distants d’effectuer convenablement leur travail.

De nombreux projets e-gouvernement, ont été réalisés en temps record, avec la pleine collaboration de plusieurs ministères, chose impensable avant la pandémie. Certains de ces projets ont été réussi par des équipes locales ayant travaillé à distance en mode agile pour mettre en place des plateformes digitales selon l’état de l’art des technologies.

 Les technologies digitales joueront sans aucun doute un rôle essentiel dans la quête de de développement durable de l'Afrique, bien qu’actuellement son utilisation reste faible en raison d'obstacles critiques qui limitent son potentiel à transformer le continent.

Mais, l'Afrique continue d'être à la traîne des autres régions sur les questions d'accès, de coût et d'usage des TIC. Les défis du digital en Afrique, sont nombreux et se trouvent accentués par un accès limité aux services digitaux, des cadres juridiques inadéquats et des politiques restrictives, et aussi par le manque d'interopérabilité des plateformes, le manque de standardisation des données ainsi que la faiblesse de la connectivité et des partenariats. Il s’agit là de quelques-uns des défis qui doivent être relevés pour que l'Afrique tire pleinement parti des avantages de l'ère numérique.

 Nous voulons tous que l'Afrique fasse partie du monde interconnecté d'aujourd'hui.

La crise du COVID-19 a montré comment le digital pouvaient nous aider à s’adapter des défis sans précédent, à faire face à des manques de moyens, et à être mieux organisés et plus résilients.

Cependant, la crise économique et sociale qui va suivre commence à peine à se faire sentir et risque de se révéler plus forte que la pandémie elle-même. Ainsi, adopter une stratégie digitale n'est plus une option ; c'est une exigence de type « survivre ou mourir » en Afrique comme dans le reste du monde.

Il est temps que les décideurs africains décident d'investir massivement dans des infrastructures de qualité pour rendre les réseaux efficaces et abordables.

Pour assurer l'efficacité de cette intégration et réussir systématiquement les projets IT, des mécanismes de gouvernance appropriés devront être mis en place pour résoudre les problèmes liés, notamment, aux méthodes de sélection des technologies et à la faiblesse de la maitrise d’ouvrage de ces projets. 

Faiblesse dans le processus de sélection des technologies

Une grande partie des acteurs se limitent, lors de la sélection des technologies, à des critères purement techniques sans tenir compte de l'existence d'un écosystème local au niveau national ou au niveau du continent ; et sans vérifier la disponibilité de ressources locales qualifiées pour ces technologies. Cela augmente artificiellement le coût et limite la pérennité des investissements.

À mon avis, le processus de sélection technique doit nécessairement inclure un critère important relatif à l'écosystème local.

 Soutenir les efforts de digitalisation, de l'administration ou du secteur privé, ne peut se faire si les acteurs ne collaborent pas ensemble pour créer un écosystème local viable. Les principaux acteurs doivent se concerter dans leurs choix techniques pour éviter la dispersion des efforts. Des choix avisés et coordonnés, permettraient de fournir un « espace vital » pour les fournisseurs locaux sur le continent, leur permettant de renforcer leurs expertises, de retenir leurs collaborateurs et de devenir ainsi des acteurs mondiaux.

Dans ce domaine il est recommandé penser en permanence en termes d’ouverture : standards ouverts, open source et open-innovation. 

Faiblesse dans la maitrise d’ouvrage des projets IT

Les spécialistes de l’IT en Afrique s’accordent sur la persistance de la faiblesse généralisée, notamment dans l’administration publique, au niveau de la fonction maitrise d’ouvrage et de la gestion des projets IT.

Une très grande partie des cahiers des charges ou des appels d’offre lancés en Afrique, ne permettent pas de préciser clairement les besoins et contient dès le départ les germes de l'échec des projets IT.

La maitrise d’ouvrage est un métier et il est censé être exercée par les meilleures ressources de l'entreprise, qui doivent connaître à l'avance les conséquences de chaque mot inscrit dans le cahier des charges qu’ils rédigent.

La définition des besoins réels, la spécification des solutions fonctionnelles et le choix de l'architecture technique ne doivent pas être vagues ou ambiguës. A chaque fois il faut favoriser l'interopérabilité entre les plateformes, penser en termes d'API, et surtout maitriser les données générées et leurs cycles de vie. 

Il est primordial de bien former les équipes de gestion de projet ou faire recours à une AMOA expérimentée dans la conduite de projets IT, afin que les projets de transformation digitale aient un réel impact sur l'entreprise et sa croissance. 

Le moment est venu pour construire une nouvelle réalité  

Alors qu’elle se reconstruit après les perturbations du COVID-19, l’Afrique ne doit pas revenir à une réalité pré-pandémique. Elle doit construire une réalité meilleure qui reconnaisse le besoin d'innovation, en particulier les technologies digitales.

Pour optimiser l’usage de ses moyens limités, l’Afrique doit vaincre ses innombrables défis de développement, tels que la pauvreté, la productivité, la compétitivité, la diversification économique et la gouvernance.

Il est temps d’investir dans les personnes, leurs compétences et les processus de rétention et profitez de l’expérience du télétravail pour construire et participer à des écosystèmes de collaboration inter–entreprise tout au long de l’Afrique. 

Rien de tout cela ne peut arriver du jour au lendemain

La transformation par le digital de l’Afrique nécessite des stratégies globales et concertées, sous un leadership solide au niveau politique et une collaboration étendue entre les gouvernements, le secteur privé et la société civile. Elle nécessite également la définition et la mise en œuvre de normes communes pour assurer l'interopérabilité au niveau technique, une protection solide des données et des cadres appropriés de cybersécurité.

Et surtout, une augmentation des investissements dans l'éducation parce que la connaissance peut changer les règles du jeu.