Pourquoi recruter les seniors en période de crise ?
Balayer les idées reçues
Trop coûteux, trop lents, trop déconnectés... Les clichés sur les seniors ont la vie dure. Ces stéréotypes sont si ancrés dans les mentalités françaises qu'ils peinent à accéder au marché de l'emploi. La crise du Covid-19 n'a fait qu'empirer la situation. Ces prochaines semaines, lorsque les aides de l'État s'arrêteront et que les entreprises ne seront plus sous perfusion, les quinquagénaires risquent d'être les premières victimes des plans sociaux. Malgré tout, les seniors gardent le moral : selon une étude menée par le cabinet de recrutement Robert Walters au cours du 2e trimestre 2021, 53% des 50-60 ans considèrent la pandémie comme une opportunité. "Les recruteurs doivent faire preuve de curiosité et dépasser les stéréotypes liés à l'âge", estime Emmanuel Stanislas, fondateur du cabinet de recrutement Clémentine. D'autant plus que l'âge de départ à la retraite recule...
L'expérience, l'atout majeur des seniors
Dans un contexte où de nombreuses entreprises ont été chahutées par la crise sanitaire, les obligeant parfois à revoir jusqu'à leur modèle économique, les seniors ont une carte à jouer. "Ils ont l'avantage d'avoir un vécu opérationnel qui leur permet de prendre du recul lorsqu'une situation inhabituelle, comme une crise sanitaire, survient, souligne Clémence Richard, Senior Manager au sein du cabinet Robert Walters. Comme ils ont déjà vécu plusieurs crises, ils savent relativiser et sont donc d'excellents éléments lorsqu'une équipe manque de cadre ou de vision." Ils savent garder la tête froide. Un avis partagé par Christophe Debray, directeur du recrutement de Cooptalis. "Ils font plus facilement la part des choses lorsqu'une crise se présente, du fait de leur expérience, remarque-t-il. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est intéressant de leur donner un rôle de coach afin de séréniser les équipes."
Des salariés fidèles sur lesquels investir
À l'inverse des juniors, les seniors sont rarement considérés comme de "bons" investissements pour les entreprises. Comme ils sont généralement en fin de carrière, les employeurs hésitent à les former et à les faire monter en compétences. Une erreur tactique, selon Christophe Debray. "Les seniors sont des salariés fidèles, constate-t-il. Leur engagement auprès de l'entreprise est souvent plus important que celui des juniors, qui sont davantage sollicités et qui n'hésitent pas à changer d'employeur tous les 18 mois."
Une enquête menée en novembre 2021 par OpinionWay pour Microsoft révèle en effet que les moins de 35 ans sont les plus volatiles sur le marché de l'emploi : 55% envisagent plus facilement d'envoyer leur CV à d'autres employeurs depuis la crise sanitaire, contre 36% des salariés âgés de 50 ans et plus. Recruter un senior, c'est donc apporter de la stabilité à une équipe.
Assurer la transmission des compétences
Intégrer un senior, c'est sécuriser le transfert des savoirs entre les différentes générations au sein de l'entreprise. Or, en période de crise, s'asseoir sur le savoir-faire acquis par les plus expérimentés au cours de leurs carrières est un luxe que peu d'entreprises peuvent s'offrir. "Les seniors sont des outils de formation vivants, explique Clémence Richard. Les entreprises ont tout intérêt à capitaliser sur eux, via des dispositifs de mentoring, pour accompagner leurs jeunes talents ayant du potentiel."
La bonne nouvelle, c'est que les aînés ont suffisamment de bande-passante pour mener cette mission. "Les seniors n'ont généralement plus d'enfant à leur charge et sont plus facilement mobiles durant la semaine : leur disponibilité est donc plus importante", souligne Clémence Richard. Un atout à l'heure où les entreprises demandent de l'engagement de la part de leurs équipes pour participer à la relance.
Des efforts consentis sur la rémunération
Les seniors sont souvent considérés comme très chers. Si leurs rémunérations sont plus élevées, c'est parce que leur niveau de compétences l'est aussi. Reste qu'en période de crise, durant laquelle les entreprises regardent à deux fois avant de mettre la main au portefeuille, les salaires des seniors sont un frein à leur embauche pour 72% des employeurs, selon une étude menée par Cooptalis entre octobre et décembre 2021. Pourtant, "les seniors sont moins regardants que certains juniors sur leurs niveaux de rémunération", soutient Christophe Debray. Avant d'ajouter : "Leur priorité est souvent de donner du sens à ce qu'ils font. Ils sont donc plus sensibles aux valeurs de l'entreprise qu'aux salaires qu'elle propose." Il n'est pas rare de voir des seniors accepter de revoir leurs prétentions salariales à la baisse pour occuper un poste dans une entreprise à mission, par exemple.