Les MAMAA, ou la leçon de dissimulation

Comme chaque année au mois d'avril, les MAMAA (pour Microsoft, Amazon, Meta, Apple et Alphabet (Google)) ont dévoilé leurs chiffres et derniers résultats toujours de plus en plus stupéfiants.

Tandis que Alphabet affiche un chiffre d’affaires en hausse 23% par rapport à l’année précédente, Meta a révélé des ventes de 27,9 milliards de dollars et des bénéfices nets de 7,5 milliards. Ces chiffres impressionnants ont de quoi faire pâlir les plus envieux, pourtant les grands groupes semblent bien plus timides à communiquer sur les bénéfices réels de leurs produits et services. À juste titre.

D’un point de vue commercial, cela permet de garder leurs concurrents dans l’ignorance et s’assurer qu’ils ne seront pas copiés. Mais dans un souci de transparence, notamment auprès des investisseurs, et surtout parce que ces grands groupes sont devenus la cible d’enquêtes et procès antitrust, le voile du secret s’amincit, dévoilant la vulnérabilité des entreprises et des business models peu éthiques.

Ces enquêtes ont ainsi révélé que les plus grandes sources de bénéfices d’Alphabet et d’Apple sont leurs magasins d’applications. En 2019, les revenus générés pour Google étaient d’environ 11 milliards de dollars, tandis que pour Apple les enquêteurs estiment qu’ils s’élèvent à 25 milliards de dollars l’année dernière. Selon l’Autorité de la concurrence et des marchés, ces revenus ont doublé entre 2017 et 2020. En regardant de plus près, les jeux représentent 70% des revenus d’Apple, et plus étonnant encore, 64% des ventes de jeux ont été généré par les 1% des joueurs Apple les plus dépensiers. A l’image des casinos, ces “flambeurs” sont communément appelés “baleines”. Mais à l’image des casinos, ces joueurs influençables, sont-ils protégés par la loi ?

Et si les grands groupes, avaient justement intérêts à ne pas révéler que leur plus grande source de revenus résulte d’achats compulsifs issus de personnes vulnérables ?

Perdre le contrôle face au jeu, ne pas réussir à s’arrêter, jusqu’à le faire passer avant toute autre activité, c’est ce qu’on appelle être addict, et les jeux et applications font face à ce type de profils, capables de dépenser des centaines d’euros pour accomplir une quête et équiper un personnage sur son smartphone. Les MAMAA sont tout à fait conscients de la provenance de leurs profits. En manipulant justement leurs résultats et en gardant un flou certain autour de ceux-ci, cela permet de faire profil bas face à leur responsabilité.

L’économie des plateformes a été théorisée par Jean Tirole, pourtant huit ans plus tard un problème demeure : la responsabilité des entreprises face aux comportements compulsifs n’est pas engagée. Alors qu’il est largement admis que sur la Toile de nombreux risques existent pour les utilisateurs, notamment de cyberharcèlement, incitation à des pratiques dangereuses et familiarisation à des produits illicites, la dangerosité des jeux et autres applications est encore peu reconnue. Pourtant aujourd’hui ces jeux dans lesquels les joueurs sont soumis à la possibilité de payer pour avancer ou gagner des vies, sont l’antichambre des jeux d’argent.

Cette période rappelle donc l’hypocrisie majeure de ces grands groupes qui sont des machines à diluer la responsabilité. Face aux dernières révélations, ils ne pourront plus dire qu’ils “n’avaient rien à cacher”.