Une nouvelle ère dans la lutte contre les discriminations en France ?

Vivons-nous un moment historique en France avec l'adoption par l'Assemblée nationale de la loi généralisant le test anti-discrimination à l'embauche, au logement et au crédit ?

Cette loi ambitieuse vise à identifier et sanctionner les discriminations, particulièrement dans le processus d'embauche.

Le principe du test statistique ou individuel est simple : vous faites parvenir X CVs a une entreprise, présentant des profils à compétences égales, et faites varier des éléments correspondants à un ou plusieurs des 25 critères de discrimination fixés par la loi : patronyme, âge, sexe ou identité de genre, adresse, handicap ou apparence physique par exemple. Le volume de CVs envoyés doit permettre d'identifier des tendances statistiques fiables, de l'ordre de "telle catégorie de candidat reçoit X% de moins de réponse de telle nature que telle autre".

Pourquoi cette loi est-elle nécessaire ?

Parce que rappelons-le, la discrimination est bien réelle. Consciente ou inconsciente, elle se fonde sur des stéréotypes et des biais, eux aussi conscients ou inconscients, qui viennent modifier notre manière de percevoir et d'évaluer une personne selon des caractéristiques physiques ou identitaires qui n'ont aucun rapport avec la compétence. Ses impacts sont majeurs et délétères pour l'ensemble de notre société : rupture d'égalité entre citoyens, négations de droits fondamentaux au logement, au travail et à sa rémunération juste, à l'accès aux services publics et privés, sentiment de relégation et d'humiliation, découragement, perte d'ambition et d'esprit d'entreprise… Les impacts négatifs de la discrimination sont immenses.

Cette initiative législative, qui représente un jalon important dans notre quête d'une société plus équitable et inclusive met ainsi en lumière la réalité persistante de la discrimination dans le milieu professionnel. En reconnaissant ces inégalités, elle se positionne comme un outil clé pour impulser un changement de comportement au sein des entreprises et des administrations.

L'adoption de cette loi marque l'introduction de méthodes proactives pour identifier et lutter contre la discrimination :

  • La Dilcrah, sous la tutelle de la première ministre, est chargée de coordonner les campagnes de testing, dont les résultats pourront être rendus publics, et d'assister les citoyens s'estimant discriminés.
  • Les sanctions financières prévues pour les entreprises ne développant pas de solutions contre la discrimination s'élèvent de 1 à 5% du total des rémunérations versées, pour les entreprises récidivistes.
  • Un comité des parties prenantes sera chargé d'élaborer les méthodologies de test.

Comment les entreprises qui ne l'ont pas déjà fait peuvent-elles se mettre en ordre de bataille ?

Quatre grands chantiers complémentaires sont à mener de front et de toute urgence pour les entreprises qui auraient pris du retard sur les sujets d'inclusion :

  • La reconnaissance et la prise en compte des besoins spécifiques de certaines catégories de population : adaptation des postes, outils ou temps de travail pour les personnes en situation de handicap, prise en compte des spécificités de la santé des femmes,  des problématiques parentales ou propres aux collaborateurs en fin de carrière. Trop d'entreprises confondent encore équité et égalité, générant ainsi des situations profondément inéquitables.
  • Le questionnement et la redéfinition des processus et pratiques RH : recrutement, intégration, formation, mobilité, vos processus et pratiques RH sont-ils intrinsèquement équitables ? Permettent-ils, par leur nature même, de prévenir les discriminations ?
  • La montée en compétence des managers dans leur pratique professionnelle de… managers. Être un manager non discriminant, et a fortiori inclusif, c'est tout simplement être un bon manager. Il est urgent de cesser de traiter les sujets d'inclusion comme une couche supplémentaire à acquérir et de la mettre au cœur de la définition même du management efficace.
  • La transformation culturelle assise sur la transformation des modes de fonctionnement doit s'accompagner d'une prise de position culturelle forte et observable dans l'ensemble des décisions et communications de l'entreprise.

Cette loi n'est pas sans susciter des interrogations et des défis. Les débats parlementaires ont révélé des divergences de vues, notamment concernant le rôle de la Dilcrah et la compétence de la Défenseure des droits. Ces discussions sont essentielles pour affiner la loi et garantir son efficacité. L'impact potentiel de cette loi est néanmoins considérable. Elle ouvre la voie à des pratiques plus justes et transparentes dans le recrutement et au-delà, contribuant ainsi à façonner une société où l'égalité des chances n'est pas un idéal lointain. Bien que la route vers l'éradication totale des discriminations soit encore longue et semée d'embûches, cette loi est un pas dans la bonne direction.