Le manager de transition, ce phare dans la nuit
Tout au long de ma carrière, j'ai été amenée à travailler avec des managers de transition ou à exercer moi-même ce métier passionnant.
Donner un nouvel élan à une entreprise au ralenti, répondre à un besoin urgent ou réaliser un pivot stratégique : autant de missions sur lesquelles les managers de transition me paraissent essentiels. En dépit des incertitudes économiques et politiques aujourd’hui traversées par la France, le recours aux managers de transition demeure limité. Je suis pourtant convaincue de l’essor qu’ils peuvent apporter beaucoup aux organisations et, de manière plus large, à la société.
Management de transition : des débuts timides sur le marché français
En France, le management de transition aurait bien besoin de retrouver ses lettres de noblesse. Symptôme supposé d’un mal dont on ne dit pas le nom, le manager de transition inquiète les collaborateurs. Et pour cause : apparu dans les années 80 en Europe du Nord et aux Etats-Unis, il est souvent associé à l’image d’un cost-killer sans foi ni loi. “L’entreprise est-elle en mauvaise posture ? Qu’est-ce qui va changer dans mon quotidien ?” La méconnaissance de la fonction et la réticence au changement ont limité son développement sur le marché français. Si l’on se compare à nos voisins européens, un manager de transition est sous mission 63% des jours travaillés, contre 81% en Allemagne par exemple.
Un potentiel inexploité en termes d’usage comme en termes de périmètre - son recours se cantonne la plupart du temps aux fonctions de direction ou au département finance. Les dernières années témoignent toutefois d’un intérêt plus marqué des entreprises à leur égard : en France, le marché du management de transition enregistre une croissance de 16,1 % par an depuis 4 ans.
Un profil stratégique pour dynamiser la croissance des entreprises…
Le manager de transition est pourtant nécessaire pour accompagner l’entreprise dans un contexte économique et politique incertain. Difficultés d’organisation, nécessité d’accélérer certains axes de développement ou d’opérer un virage stratégique : les cas d’usage sont nombreux, et les bénéfices d’un manager de transition le sont plus encore.
L’impact immédiat, en premier lieu : le manager de transition est sollicité pour atteindre des objectifs précis, dans une situation face à laquelle il a déjà fait ses preuves, souvent dans un secteur similaire. Il est opérationnel immédiatement quand une nouvelle recrue aura besoin de plus de temps pour prendre ses marques. Il peut s’attaquer rapidement à des retards pouvant coûter des milliers d’euros à l’entreprise, ou amorcer des pivots stratégiques pour prendre un temps d’avance sur la concurrence. Enfin, il apporte à l’entreprise un regard extérieur sur ses pratiques.
La responsabilisation face aux objectifs fixés pour la mission est l’autre grand avantage de ces profils : le manager de transition est la plupart du temps un travailleur indépendant, c’est un véritable chef d’entreprise. Son activité dépend du bouche-à-oreille et donc de la satisfaction de ses clients. Traduction : il a tout intérêt à répondre efficacement aux besoins de l’entreprise. Ce statut concerne une mission définie sur une période déterminée, à l’inverse de l’embauche d’un cadre qui pourrait se révéler coûteuse pour l’entreprise en cas d’évolution des besoins.
Et répondre à des sujets de société
En France, le taux d’emploi des 55-64 ans est de 58,4%, soit en dessous de la moyenne de l’Union européenne (64%) et bien en-deçà des très bons élèves comme l’Islande (81,2%) ou la Suède (78%). Disons les mots : en France, à 50 ans, on est vieux. Difficile de (re)trouver un emploi standard, en dépit de tout ce qu’on a à apporter à l’entreprise. Près d’un tiers des recruteurs admettent d’ailleurs filtrer les candidatures des séniors, selon une étude de Grant Alexander/Opinion Way. Dans d’autres pays de l’UE, ce n’est pas un problème. Avec le management de transition, on pourrait mettre à profit l’expérience des plus âgés - généralement plus habitués à gérer des équipes, à manager et à résoudre des problèmes complexes - tout en levant les freins à l’embauche des seniors comme par exemple la crainte de s’engager sur le long terme, d’un côté comme de l’autre. C’est le parfait profil pour faire prévaloir la compétence face à l’âge. Et ce n’est que le début : le marché va d’abord privilégier les profils plus expérimentés, c’est certain. Mais l’essor de la fonction verra probablement émerger, à terme, des profils plus juniors pour toucher de nouveaux champs d’action.