Non, la crise ne profite pas à tous les métiers de la tech !

Face à des plateaux entiers de développeurs inoccupés dans les ESN, le secteur technologique saisit l'ampleur dramatique de l'impact du virus sur l'emploi.

"Tu es informaticien, ne t’inquiète pas, tu vas vite retrouver un travail" : cette phrase de plus en plus de personnes l’entendent à mesure que la crise sanitaire de la Covid-19 se transforme en crise économique. Que l’on soit développeur ou ingénieur, nous faisons partie des "chanceux", de ceux qui ne risquent pas de passer des mois au chômage même s’ils sont licenciés économiques. Une idée reçue et tenace, très loin des réalités de nos métiers… 

Face à la crise, des milliers d’emplois IT menacés

Lorsque le gouvernement a annoncé le début du confinement le 17 mars dernier, nombreux sont ceux qui ont rapidement compris l’ampleur de la catastrophe économique à venir. Peu, en revanche, ont saisi les impacts dramatiques que cela aurait sur l’emploi dans le secteur de la tech. Après tout, le e-commerce ne s’est jamais aussi bien porté. Les demandes des entreprises pour les applications collaboratives, la cybersécurité ou le Cloud ont explosé durant le confinement. Certes, mais on parle là d’une infime partie des projets IT. 

La réalité, c’est que la grande majorité des entreprises, de la start-up au grand compte, ont mis les deux pieds sur le frein dès le début du confinement. 90 % des projets informatiques en cours ou planifiés ont été brutalement stoppés. Des dizaines d’ESN se sont alors retrouvés avec des plateaux entiers de développeurs inoccupés et ont dû réduire très rapidement la voilure pour affronter la tempête. Ainsi, les plus juniors, mais aussi ceux en CDD ou encore les moins indispensables ont été remerciés. Et nous n’en sommes qu’au début…

Un métier en obsolescence programmée

Depuis des années maintenant, on entend cette petite musique trompeuse : il y aurait dans notre pays une pénurie de ressources IT. Ces licenciements ne doivent donc pas nous inquiéter, puisque ces personnes sont très recherchées. Pour certains talents c’est effectivement le cas, mais ces profils ne constituent qu’une petite partie des ressources tech. Sur ce marché, les formations et les expériences professionnelles sont très hétérogènes. 

Il semble ainsi utile de rappeler que le métier d’informaticien est celui qui est le plus rapidement en obsolescence. Un jeune qui s’engage dans cette voie doit accepter l’idée qu’il prend le départ d’une course sans fin. Régulièrement, il lui faudra remettre l’ouvrage sur le métier pour rester au niveau de l’état de l’art. Cela nécessite une veille technologique et une formation continue pour suivre le rythme des langages, des technos et des logiciels en évolution permanente. Un peu comme le lapin d’Alice au pays des merveilles, l’informaticien passera sa vie à courir après le temps. Projeter de faire carrière dans la tech demande donc une abnégation, une résilience et une passion fortes. 

Des premières victimes toutes désignées

Que vont alors devenir ces informaticiens dont les entreprises n’ont plus besoin? Ceux qui ont passé toute leur carrière à maintenir des systèmes d’information vieillissants et technologiquement dépassés. Projetés dans un monde qui leur est complètement étranger et dans lequel ils n’ont aucun repère, ils vont avoir toutes les peines du monde à se relever. Et que dire à tous ces jeunes développeurs, fraîchement sortis de bootcamp en reconversion, en recherche d’un apprentissage ou en fin de CDD ? Leur manque d’expérience, de réseau et de polyvalence fera d’eux les premières victimes de la crise actuelle. 

On pourrait alors penser naïvement qu’en suivant une formation sur une technologie très demandée ils pourront rebondir. Ce serait si simple ! Or, le monde de la tech est une jungle, dans laquelle des milliers de voies sont envisageables. Comment savoir laquelle suivre lorsqu’on ne connaît pas encore le monde de l’entreprise et ses attentes, ou qu’on n’a pas levé le nez de son écran depuis 10 ans ? Partir dans cette jungle à l’aveugle, sans personne pour vous guider ressemble à une aventure bien périlleuse. 

Les soft skills s’invitent dans le rebond

Identifier les formations technologiques utiles, celles qui répondent vraiment aux problématiques actuelles des entreprises constitue une première étape. Mais les informaticiens victimes de la crise vont également devoir réapprendre à apprendre. Premièrement, ils doivent absolument sortir de l’image d’Épinal du geek, fan de Star Wars et perché dans sa tour d’ivoire. Les entreprises cherchent désormais des gens, hommes ou femmes, passionnés, humbles, ouverts, capables de collaborer avec les ressources métiers et d’être force de propositions. Autant de soft skills qui doivent désormais faire partie intégrante de leurs nouveaux apprentissages et boîte à outils.

Ainsi, il leur faudra apprendre à se vendre sur un marché évolutif et très concurrentiel, mais aussi à travailler leurs points faibles. Ils et elle devront aussi s’adapter aux nouveaux usages du travail à distance, se constituer un réseau ou à devenir un influenceur dans leur domaine. Un travail sur soi et pour soi, qui va les aider à rebondir, mais, plus important encore, à adopter un nouvel état d’esprit qui les empêchera, dans 2 ou 3 ans, de se retrouver à la case départ !