Optimiser la fonction paie pour améliorer la performance financière de l'entreprise

Certaines actions simples peuvent être menées pour limiter l'impact de la fonction "paie" sur le portefeuille de l'entreprise, voire pour en faire une source de productivité et donc de rentabilité. Les conseils de Daniel Clementine.

Nous sommes tous abreuvés, nuit et jour, par les communiqués de presse et les brèves de comptoir sur les effets désastreux de la crise financière sur l'économie réelle et le tissu économique.

Les entreprises, quelle que soit leur taille, rencontrent des difficultés significatives de trésorerie et pour certaines, des politiques drastiques de réduction des coûts ont dû être mises en œuvre pour « limiter la casse » et conserver l'outil de production en marche. Dans ce contexte, le « cost-killing » a le vent en poupe car la course à la trésorerie est un des gages de survie de l'entreprise dans la conjoncture actuelle.

Il ne s'agit pas exclusivement de réduire les ressources humaines de l'entreprise. Les marges de manœuvre sont multiples :
·         les effectifs salariés, ·         les services généraux, ·         les charges sociales et la fiscalité...

L'optimisation du besoin en fonds de roulement (BFR) est également un concurrent sérieux dans la course à la trésorerie. L'objectif est d'obtenir plus de « cash » dans un délai rapide pour financer l'exploitation de l'entreprise en agissant sur ses clients et ses fournisseurs.

Les solutions existent donc ; mais elles ne sont pas toujours suffisantes voire adéquates pour l'ensemble des entreprises. Dans ce contexte, il s'avère indispensable d'identifier le génome commun existant entre les différents acteurs composant notre économie : la TPE, la PME, l'association, la fondation et la multinationale.

Ce dénominateur commun est le facteur humain et donc la fonction ressources humaines (RH) en charge de l'administrer. Au sein de cette fonction RH, nous retrouvons plus particulièrement la fonction « paie ». C'est un des sous-maillons de la RH qui apparaît traditionnellement comme un centre de coût. Or, contrairement à l'idée généralement répandue, la fonction paie n'est pas antinomique à la culture « cash ».

Certes, les salaires et les charges sociales doivent être réglés, en contrepartie du travail accompli par les salariés, dans des délais stricts et suivant des mécanismes de calcul réglementés. Les marges de manœuvre à ce niveau sont inexistantes, à une exception près que les entreprises rencontrant des difficultés de trésorerie peuvent négocier un étalement de leur dette sociale auprès des organismes sociaux et de l'administration fiscale.

Cependant, d'autres leviers d'action existent pour maîtriser l'impact de la fonction Paie sur le portefeuille de l'entreprise. Voici quelques leviers qui s'appliquent dans le contexte actuel, et à notre avis, doivent constamment animer les entreprises quelle que soit la situation économique :



1.     Une approche prospective de sa masse salariale et des charges associées

Connaître son budget masse salariale pour l'année et ses évolutions au cours de la même période en fonction du turn-over et des échéances légales, conventionnelles et/ou contractuelles (prime de 13e mois, prime de vacances...) permet de mieux définir et anticiper son besoin de trésorerie. Cette démarche permettra par la même occasion de prévoir son besoin de « cash » pour les charges sociales afférentes.

2.     Une application fine du droit du travail et des conventions pour le calcul des éléments de salaire

Bien maîtriser les mécanismes de calcul des éléments de salaires évite de faire courir à l'entreprise des risques financiers souvent coûteux (litiges prud'homaux, sanctions pénales et pécuniaires...) et autorise, dans une certaine mesure, lorsque les circonstances le permettent, de « payer au plus juste » les éléments de rémunération revenant aux salariés. En effet, la politique du « plus favorable au salarié » n'est pas une fin en soi.

Nous pouvons citer deux exemples :
·        Les indemnité de congés payés : tous les éléments de rémunération variable ne sont pas à prendre obligatoirement dans le salaire de référence pour le calcul de l'indemnité de congés payés suivant la règle dite du 10ème (même règle en cas de départ du salarié pour les congés restants) ;
·        la prime de vacances : la convention collective Syntec prévoit que les entreprises peuvent s'exempter du versement de la prime de vacances à condition que les bonus, primes et commissions versés au cours de la période du 1er mai au 31 octobre de la même année soient d'un montant au moins équivalent.

La mise en application de ces principes d'optimisation doit cependant respecter les usages habituellement pratiqués dans l'entreprise pour éviter tout litige avec les salariés.

3.     L'optimisation du calcul des accessoires de salaire et des charges sociales

La réduction du besoin de trésorerie pour financer le cycle du personnel passe également par une optimisation des méthodes de calcul appliquées pour l'évaluation de certains avantages accordés aux salariés (et par conséquent des cotisations sociales associées). Il s'agit en l'occurrence de l'évaluation des avantages en nature.

Prenons l'exemple de l'avantage en nature voiture qui doit être valorisé lorsque des véhicules sont mis à la disposition du personnel pour les besoins professionnels et personnels.

L'évaluation suivant la méthode « forfaitaire » s'avère la plus facile à mettre en œuvre (pas de formalisme particulier). Or cette dernière est souvent défavorable - pour le salarié et l'entreprise - en comparaison avec la méthode dite « au réel » qui consiste à chiffrer l'avantage en nature suivant le kilométrage parcouru. 
A l'inverse, on peut appliquer les allocations forfaitaires prévues par le législateur au lieu de prévoir des remboursements au réel ; voire faire un panachage des deux modalités pour différencier les déplacements en fonction des destinations.

Par ailleurs, un calcul dans les règles de l'art des cotisations sociales est également un levier de performance dans la stratégie de maîtrise financière de la fonction Paie. En premier lieu, évaluer correctement ses charges sociales évite d'encourir des redressements Urssaf et des ajustements demandés par les organismes sociaux. Enfin, une application fine du droit de la Sécurité sociale permet de bénéficier des mesures d'allégement ou d'incitation financière prévues par le législateur (réduction Fillon, aides à l'embauche, autres exonérations sociales).
  4.     Des procédures pertinentes et efficaces permettant de piloter les créances de l'entreprise vis-à-vis de ses salariés et des organismes sociaux

Il s'agit en l'occurrence de mettre en place les outils (tableaux de bord, reporting...) et les procédures adéquats pour s'assurer que les acomptes, les avances et les prêts consentis aux salariés sont récupérés suivant les échéanciers prévus.

En deuxième lieu, l'entreprise doit veiller à organiser dans des délais courts les formalités administratives lui permettant d'obtenir le versement de l'intégralité des indemnités journalières de Sécurité sociale (I.J.S.S.) avancées aux salariés en cas de maladie, maternité... ainsi que les indemnités de prévoyance (régime de prévoyance souscrit auprès de son assureur).

Le retraitement de ces indemnités dans la paie, afin de rattraper les charges sociales calculées au moment du maintien de salaire, devra également être opéré dans les meilleurs délais.

Un dispositif de contrôle interne efficace, des procédures simples et des outils de pilotage adéquats sont donc indispensables au développement et au maintien de la performance financière de la fonction Paie.
  5.     L'optimisation du budget de formation professionnelle

Les employeurs sont assujettis au financement de la formation professionnelle de leurs salariés. Cette obligation est souvent perçue, à tort, par les TPE et les PME sous l'angle unique de la dette vis-à-vis de l'organisme collecteur ou de l'Etat.

En effet, il s'agit d'un budget disponible que l'entreprise peut, dans une certaine mesure et sous certaines conditions, utiliser pour répondre aux obligations de formation de son personnel afin de l'adapter à l'évolution de son poste et le rendre plus performant par le développement de ses compétences.

La formation des salariés est un des leviers d'amélioration durable de la productivité, et donc dans une certaine mesure, de la rentabilité de l'entreprise.
  6.     Une organisation de la fonction Paie permettant d'en maîtriser le coût

L'organisation générale de la fonction paie au sein de l'entreprise doit également être un axe de réflexion afin d'en réduire le coût ou du moins d'en maîtriser les dépenses.

Les opportunités organisationnelles telles que l'externalisation ou la centralisation (Centre de services partagés, mutualisation des moyens...) sont autant de pistes de réflexion qui offrent à l'employeur la possibilité d'optimiser les frais de fonctionnement associés (frais de personnel, coût d'acquisition et de maintenance des systèmes de paie, frais généraux, loyers...).


En conclusion, ces leviers d'actions, comme nous venons de le voir, autorisent l'inscription de la fonction Paie dans la stratégie de performance financière adoptée par l'entreprise. Ils sont relativement simples à mettre en œuvre et ils n'entraînent pas, sauf exception, de bouleversements majeurs au sein de l'entité.

Les résultats sont réels et chiffrables à la seule condition que l'entreprise s'engage dans une démarche structurelle et non conjoncturelle.