Génération Y, génération spontanée ?

Confronté à la génération Y, le manager de proximité fait parfois face à des difficultés et au malaise. Voici les cinq questions qu'il convient de se poser pour les comprendre et mieux les appréhender.

1. Qui constitue la génération Y ?
Né entre 1979 et 1995, c’est un groupe de 13 millions de personnes, qui représente 20% de la population française et demeure plus importante en quantité que la génération précédente, la “génération X”. Elle a donc aujourd’hui entre 18 et 30 ans. Elle est en entreprise ou aspire à y entrer.
2. En quoi son management diffère car nous avons tous eu étant jeune, un chef parfois difficile à supporter ?

J’observe chez mes clients une difficulté plus du côté du manager que du jeune managé ! Les premiers rencontrent de vraies difficultés de décodage ou de calage. Il n’est pas rare d’attendre des choses pas très agréables de la part des managers les concernant : ils sont qualifiés de « pas très gros bosseurs, privilégiant leur vie privée », « pas très loyaux », « versatile, si leur besoin n’est pas immédiatement satisfaits ». La réalité est évidemment différente.
Prenons un exemple vécu, j’ai rencontré un manager dubitatif.
Un de ses jeunes techniciens, ne trouvant pas la solution technique à un problème client, s’en ouvre le soir chez lui, sur un réseau social. Il explique aux techniciens connectés, d’horizons divers dont certains appartiennent probablement à la concurrence, le contexte client, le système installé et le problème. Dans ces échanges, il trouve la solution, la met en œuvre dès le lendemain, cela fonctionne, le client loue ses compétences et sa réactivité à son manager.  Tous sont contents, sauf le manager qui s’interroge sur la loyauté de son collaborateur pour s’être ouvert à des inconnus du problème. Vous imaginez le malentendu !
3. Ce n’est pas un peu stéréotypé cette « opposition de génération », le choc des anciens et des modernes ?

Sur le fond c’est vrai, à ceci près que la génération Y est une génération de rupture. Elle est née avec un PC dans son berceau, internet dans la cour d’école et les réseaux sociaux ont animé son entrée dans l’âge adulte. Elle n’est donc pas dans la continuité de la précédente  comme celle de la génération X  (née entre 1962 et 1978) et les papy-boomer.
4. Comment les décrypter en entreprise ?

Le jeune adulte est un anxieux pragmatique

  • Il a vécu  dans l’insécurité permanente  (divorce des parents, famille recomposée, sida, intégration difficile sur le marché du travail,…). Cette insécurité, il l’a domptée pour en faire une alliée qui lui permet d’être plus mobile, plus souple et apte aux changements rapides et permanents
  • il prône la coopération et le travail en équipe tout en étant en compétition avec tout le monde
  • il est indépendant et fonceur
  • il exige des explications à ce qu’il fait et une gratification immédiate : autant dire que les entretiens annuels d’évaluation sont à une échéance beaucoup trop lointaine et en prime, étant né avec une télécommande dans les mains, il est habitué à ce qu’en appuyant sur un bouton, il obtienne ce qu’il veut
  • c’est un découvreur : l’information récoltée grâce aux NTIC fait de lui quelqu’un plutôt brillant quel que soit la strate professionnelle
  • il propose souvent des alternatives aux tâches répétitives qui bouleversent les modèles d’organisation (délégation, transversalité, synergie, mise en commun, dépassé les frontières de l’entreprise)
  • pour lui les compétences passent avant la hiérarchie, il réagit fortement aux « X »qui revendiquent ancienneté et expérience. Attention la  route de ses études a été longue  avec des difficultés à la quitter (via les difficultés d’intégration au marché de travail), enrichie de sa capacité à collecter l’information sur le net, il considère que cela a autant de poids que l’expérience
  • il est sensible et réceptif à la diversité et à la globalisation : pour lui la tolérance est une évidence alors face à l’autorité aveugle (sans explication), il refuse, rejette et part.

5. Et son manager, c’est la solitude du gardien de but devant le penalty ?

Non les règles sont simples. C’est apporter la réponse à une question primordiale pour lui : « cher manager, voilà ce que je vous apporte et vous qu’avez-vous à m’offrir ? ».
Face à ce registre, voici mes conseils au manager :

1.Ne jouez pas les gros bras : ils sont peu timides, très à l’aise devant l’autorité.
2.Pour favoriser son intégration demandez-lui un rapport d’étonnement, il appréciera, mais attention cela risque de décoiffer !
3.Donnez-lui des défis, il sera le 1er à les relever. Il adore être partenaire et partager les 1ères loges. Ce que la génération « X » a du mal à admettre, elle qui a attendu si longtemps que les « baby-boomers » partent, pour accéder aux 1ères loges…
* à des projets à enjeux,
* à des collaborations en mode horizontale où la compétence prime la hiérarchie,
* à une valorisation rapide de sa contribution,
* à associer son nom au vôtre,
* à une invitation à co-présenter  les travaux devant l’autorité supérieure,

4.  Managez au résultat et non au contrôle.
5. Démultipliez les points d’avancement, des rencontres informelles rapides,  c’est aussi la génération « google », elle a l’habitude d’obtenir des réponses instantanées, alors la prise de rendez-vous par la secrétaire qui va regarder dans votre agenda vos disponibilité dans les 15 prochains jours…
6. Expliquez les décisions, sinon, il cherchera par lui-même et n’avancera pas.
7. Demandez-lui souvent son opinion, il acceptera que vous ne la suivez pas mais pas que vous ne lui demandiez pas.
8. Respectez son projet de vie : étant par nature un connecté, sa vie professionnelle et sa vie privée sont imbriquées, et c’est une erreur de croire qu’il privilégie la 2nde au détriment de la 1ère. Ils préféreront de la flexibilité, des horaires variables ou à la carte en fonction de l’organisation de l’entreprise.
9. Accompagnez son développement professionnel : ce sera une marque de confiance d’aborder les questions difficiles de l’évolution, la formation, l’employabilité,…
10. Pouvoir s’appuyer sur vous, le sécurise, il a besoin d’être encadré, mais plus par un coach, un leader qu’un chef à l’ancienne.

C’est ainsi que la légitimité du chef se gagne, car pour lui la hiérarchie se mérite, il considère ridicule de l’obtenir par l’ancienneté, le titre ou la place dans l’organigramme.
* le chef c’est celui qui est compétent, qui est capable d’animer un réseau de professionnels et différentes sources d’informations internes et externes (et non qui les retiennent).
* Évitez toute projection ou réplication, ce sont des situations du passé.

Finalement, j’adresse un conseil aux « Managers de la génération « X » en dépit de vos grades et titres, il faudra désormais gagner vos galons ». Pour tous ceux qui se demandent « Pourquoi je devrais m’adapter à cette jeunesse, alors qu’étant jeune, c’est moi qui ai dû faire  cet effort ? », vous les mettez en garde, l’impasse n’est pas loin et le  « turn over » de l’équipe va s’accélérer.