Centralisation, spécialisation, internalisation : le marketing en mutation
L’importance stratégique du marketing est croissante, en particulier dans son approche de la gestion des données de l’entreprise. Cette importance engage à un cycle de ré-internalisation du marketing dans les entreprises de grande taille.
Un nouveau cycle de centralisation
Après le branding classiquement corporate, le
marketing subit un nouveau cycle de centralisation des outils, des équipes. Il
faut bien noter que, ces dernières années, le marketing est en cours de mutation :
il est plus scientifique, plus analytique. Les outils à disposition du marketer
se sont multipliés, enrichis aussi : CRM, DMP, nurturing et marketing
automation, gestion des médias sociaux et social listening, etc.
Les organisations sont, elles, de plus en plus transverses et demandent
l’implication de différents métiers, ce qui est simplifié quand la maîtrise des
sujets est interne à l’entreprise.
Les dispositifs 360°, quant à eux, imposent en particulier l’intégration de plusieurs métiers. Par ailleurs, les médias sociaux et l’immédiateté de l’information obligent à un alignement de la communication interne sur la communication externe, et de fait à une gestion intégrée. Pourtant cette centralisation a besoin de relais marketing, qui localement, adapteront (linguistiquement, culturellement) les messages globaux ; une mission qui est de plus en plus dévolue aux field marketing.
Une impérieuse spécialisation des équipes
Si cette vague de centralisation engage une
vague de spécialisation des équipes, la spécialisation conforte cette
centralisation, par pure logique économique.
De fait, l’intégration de ces nouveaux outils, leur complexité parfois, demandent
des spécialistes pour les gérer, d’autant que ces outils évoluent aussi très
rapidement. La gestion du marketing automation, de l’ABM, des médias sociaux
sont autant d’exemples de fonctions qui se sont spécialisées. La connaissance
client, marché, produit, la maîtrise des personas est plus souvent interne à
l’entreprise. Le content marketing étant aussi sur la voie de l’internalisation.
Les syndromes de la globalisation
Les lancements produits et les campagnes de communication
sont internationaux ; ils couvrent plusieurs continents en différentes
langues, utilisent divers canaux (mobile, médias sociaux etc.) … C’est pourquoi
une gestion centralisée garantit l’homogénéité, l’unicité du message, et assure
le bon timing, la cohérence globale dans un monde où Internet abolit les
frontières, rien ne reste cloisonné. La maîtrise de ses rythmes par
l’entreprise, l’usage du newsjacking, l’ère de l’immédiateté et du besoin
croissant de la communication temps réel… Plaident pour plus de centralisation.
En un mot, le besoin de planification réactive favorise ces phénomènes de
centralisation dans les grands groupes.
De plus, la business intelligence se doit d’être intégrée. Et surtout avec le développement
de l’expérience utilisateurs, la connaissance et la maîtrise de ces données revêt
une importance stratégique, qui doit résider entre les mains de l’entreprise, du
marketing.
Le blast de la digitalisation
C’est la fin du marketer généraliste, c’est
aussi la fin de nombreux métiers décentralisés : le responsable des
évènements, le responsable presse etc.
C’est aussi l’émergence de nouveaux métiers ultraspécialisés : responsable
du contenu (content manager), de la veille sur les médias sociaux (social
listenning manager), responsable de l’analyse des données (data scientist), ou
de la stratégie mobile etc.
Des métiers pour lesquels la maîtrise des données, la connaissance fine de l’expérience
utilisateur sont cruciales. Des métiers au croisement du marketing et de la
direction informatique. Effectivement, ces changements impactent aussi les
organisations qui demandent plus de réactivité, d’interactivité, d’intégration entre
les différents métiers de l’entreprise.
Les marques sont, deviennent médias, elles produisent
aussi leur propre contenu. Mauvaise nouvelle pour les agences !? C’est
pourtant une chance de se réinventer. Les agences de RP, en retard sur leur
digitalisation, commencent enfin à sérieusement intégrer les médias sociaux. Les
spécialistes de la génération de leads intègrent, eux, la création de contenus.
Et parce que tout ne peut pas s’internaliser ou que les tâches à faible valeur
ajoutée n’ont pas de sens à être internalisées, c’est par contre une
opportunité forte pour les indépendants, les freelances, les slashers de la
génération Y.
Des nouveaux modèles à inventer
On peut penser que l’entreprise est moins créative quand elle ne fait pas appel à des agences, car elle reste centrée sur ses préoccupations et elle est moins confrontée aux idées des autres acteurs, des autres secteurs. Elle peut être aussi plus conservatrice dans ses approches aux nouveaux outils, aux nouvelles idées. De plus, se constituer un corpus d’experts n’est pas si simple, et le recrutement, la formation, la rétention sont parfois coûteux… Une entreprise agile devra certainement savoir gérer un réseau de compétences externe, là aussi avec une nouvelle fonction RH à créer : peut-être un sujet qui serait demain managé par un Chief Freelance Officer!?
Mais cette internalisation apporte peut-être plus de réactivité, d’interactivité/ d’intégration avec les autres métiers de l’entreprise. Elle permet de plus une totale maîtrise de ses données. L‘internalisation offre aussi plus de contrôle et plus de cohérence, dans l’intégration des tactiques marketing et communication, à la stratégie de l’entreprise.
Pourtant les cycles sont de plus en court
aussi, entre Global, Glo-cal, Local, les organisations se cherchent de nouveaux
modèles pour s’adapter et survivre.
Les entreprises trouveront peut-être demain une nouvelle échappatoire avec le digital
labor, et un marketing as a service à inventer autour de plateformes
collaboratives… Une autre forme d’externalisation.
A suivre.