Le travail flexible, une mode éphémère ?

Pourquoi le télétravail rencontre-t-il tant de succès ? Retour sur les bénéfices et les risques d’une mode que la réforme du code du travail par ordonnances risque d'accélérer dans les années à venir.

Qu'est ce que le travail flexible ?

Là où pendant la seconde moitié du XXe siècle le travail s’effectuait au bureau ou à l’usine, à heures fixes, le travail à distance et hors des horaires de bureau gagne en popularité partout dans le monde.

L’adoption en France du télétravail est pourtant plus compliquée, malgré la généralisation des outils de mobilité ou les encouragements du gouvernement qui a notamment facilité le recours au télétravail dans la réforme du code du travail par ordonnances.

Des études réalisées aux Pays-Bas montrent qu’environ la moitié des travailleurs du pays bénéficiaient dès l’embauche d’accords concernant la flexibilité au travail. Que cet ajustement se fasse par une plus grande amplitude horaire, des ajustements du lieu de travail ou sur le temps de travail, les patrons du pays semblent plus enclins que dans l’Hexagone à fournir aux salariés des ajustements personnalisés. Pourtant, dès 2015, les étudiants français, interrogés dans le cadre d’une étude Citrix/Ifop sur le travail indiquaient déjà à 65% qu’ils souhaitaient pouvoir bénéficier d’horaires adaptables.

La nouvelle génération aspire de plus en plus à la prise en compte de leurs besoins spécifiques, temps de transport et équipement mobile en tête. En outre 68% des jeunes interrogés se sentent plus à l’aise lorsqu’ils travaillent de chez eux. La proportion d’employés intéressés par la flexibilité augmente d’année en année et devrait donc, en toute vraisemblance, continuer de progresser.

A l’étranger, en tout cas, les dirigeants d’entreprises ont bien vite compris que travailler de chez soi lorsque les temps de trajet étaient longs, par exemple, était un atout pour le temps de travail effectif ; dans la majorité des cas, les entreprises ayant consenties à une flexibilité plus importante ont gagné en productivité.

L'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée

Aux Pays-Bas, les employés qui bénéficient d’aménagement expriment une meilleure satisfaction au travail. Le principal confort offert par cette solution consiste en une meilleure prise en compte des impératifs de la vie privée comme s’occuper des enfants ou d’un proche malade. Une étude de Swisscom, "WorkAnywhere", réalisée sur des cadres en 2013, démontre quant à elle l’amélioration de la satisfaction à la fois personnelle et professionnelle suite aux aménagements consentis.

Les bénéfices du travail flexible sont également à chercher du côté de l’égalité salariale. Selon Bain & Company et CEW, la création d’un modèle de travail dans lequel la flexibilité contribue à permettre aux couples qui travaillent de mieux se répartir les tâches personnelles est un facteur important pour l’égalité homme-femme en entreprise. Bain & Company et CEW a établi, dès 2015, que la part des femmes dans les fonctions administratives est de moins de 15%, alors que les femmes obtiennent en plus grand nombre des diplômes universitaires que les hommes. Les chercheurs affirment que là où de nos jours il y a de nombreux départs au sein du personnel féminin autour de la trentaine, la flexibilité au travail pourrait apporter une part de la solution aux problématiques des carrières féminines.

Si l’adoption de méthodes plus flexibles et d’autres facteurs de lutte contre les inégalités salariales a par exemple permis à de nombreux pays européens de réduire les inégalités salariales, la situation française, elle, stagne globalement, baissant de seulement 0,5% depuis 2011.

Travail flexible, le système parfait ?

Passer moins d’heures au bureau reste souvent un tabou, notamment en France où la valeur d’un employé se mesure souvent aux horaires qu’il y effectue. Corollaire négatif, le pays est un champion du présentéisme, qui coûte chaque année 14 milliards d’euros aux entreprises françaises, même si ce facteur a souvent été mis en relation avec la satisfaction au travail et la productivité.

L’absence physique du personnel est ressentie dans bien des cas comme un risque de laisser-aller dans la conduite du travail demandé. Les risques sont par ailleurs réels puisque les managers français sont peu habitués et souvent peu formés à la gestion des salariés flexibles.

Dans bien des cas, estomper les limites vie privée/vie professionnelle est une source d’angoisse à la fois pour l’employé et le management. Gérer la rencontre des deux mondes se fait essentiellement par l’aménagement d’un espace de travail efficace dans le cas du travail à domicile, permettant à l’employé d’être performant ou dans la définition d’horaires précis, même s’ils sont ajustés.

Dans l’immense majorité des cas, créer petit à petit un espace de flexibilité semble être la solution à retenir des expériences plus nombreuses des pays étrangers. Un piège dans lequel on tombe bien souvent en matière de travail flexible est de porter toute l’attention sur le résultat, la performance et le produit fini. Cela peut être source de stress. Travailler par cycles courts, en des approches de management agile, permet au manager d’offrir un soutien ciblé sur le processus et la possibilité de l’évaluer, ce qui diminue la pression pour l’employé. Il est ainsi fortement conseillé de communiquer tout au long de la journée pour pouvoir discuter du processus de travail et de tous ses obstacles.

Certaines modes résistent aux effets du temps. C’est le cas du travail flexible. Mais pour qu’il corresponde encore aux modèles de demain, il ne doit pas cesser de s’adapter et garder ce qui fait son ADN, la personnalisation des solutions. En connaissant bien les différentes situations individuelles et en tenant compte de celles-ci, un employeur peut mettre à disposition de chaque employé le matériel et les logiciels qui lui sont le plus adaptés. 

La flexibilité au travail contribue à l’émergence d’un modèle de travail créant les conditions d’égalité nécessaires à la réduction de l’écart entre les sexes dans les plus hautes fonctions, ainsi qu’à créer des structures dirigeantes plus souples et plus efficaces, contribuant finalement à une amélioration du bien-être au travail.