Ce que les peuples Premiers nous apprennent pour innover en management

L'entreprise est peut-être une tribu comme une autre. Dans ce cas, il est pertinent de s’intéresser à certaines bonnes pratiques observées chez les peuples Premiers. Les managers avisés pourraient s'en inspirer sans modération.

Qu’est-ce que les peuples Premiers peuvent bien avoir en commun avec le monde de l’entreprise ? L’entreprise, est avant tout un organisme vivant, comme l’est une tribu avec sa culture identitaire, son mode de gouvernance, ses lois pour se réguler, ses rituels, ses espaces structurants. Ses membres gèrent ses ressources (compétences, talents, actifs…) et les interactions d’interdépendance, entre eux, et avec leur écosystème, sont au cœur du fonctionnement de l’organisation. C’est sur la base de ce constat que j’ai eu le plaisir de m'entretenir avec Karine Massonnie, ethnoreporter, spécialiste des peuples Premiers et également coach, formatrice et conférencière. Avec elle, j’ai tenté de mieux comprendre les pratiques managériales de ces communautés pour en faire une source d’inspiration pour nos organisations dans les périodes de profonds bouleversements qu’elles vivent actuellement. Je partage ici quelques-unes de mes observations.

Vision, sens et reliance

“Les peuples premiers se caractérisent par une vision holistique du monde dans laquelle le nous prime sur le je”. L’individu agit pour le collectif et le collectif se voit comme agissant au service d’une cause plus grande. Ces peuples sont très soucieux de l’harmonie à soi, à l’autre et au milieu. Cette vision du monde, globale et écosystémique, crée le Sens du "vivre et travailler ensemble" à chaque moment de la vie du collectif, renforçant ainsi la responsabilité et la reliance de chaque individu au projet collectif.  Le projet de la communauté en accord avec la vision est réinterrogé en permanence pour veiller à ce que le groupe soit toujours motivé, aligné sur ce projet. Le sens et l’identité du groupe sont largement transmis grâce à une mémoire collective fondée sur une transmission orale à travers le partage d’expériences, d’apprentissages, des mythes et des légendes.

Confiance dans chaque membre de l'équipe

La collaboration et la coopération sont des clés de voûte du fonctionnement de ces peuples. La confiance est à la racine de la vie du collectif. La place des enfants est respectée. Ces derniers sont responsabilisés et souvent concertés dans les prises de décision collectives. La confiance est accordée à l’enfant dès son entrée dans le groupe… elle n’attend pas le nombre des années.  Une bonne manière de lutter contre les baronnies sclérosantes imposées par des années au pouvoir ! Quelle place laissons-nous aux nouveaux entrants dans l’entreprise ? Quel poids accordons-nous aux jeunes générations ? Des questions certainement intéressantes à soulever à l’heure où l’intelligence collective est sur toutes les lèvres.

Optimiser l'accès aux ressources

La vie de la communauté s’organise autour d’espaces dédiés. Ces peuples nomades recherchent constamment le meilleur endroit pour leur vie collective, c’est-à-dire celui qui présente les meilleurs ressources au meilleur moment. Les communautés peuvent aussi être amenées à s’entraider pour optimiser l’accès à des ressources. Les nouvelles formes de travail actuelles (flexoffice, télétravail, coworking…) nous renvoient justement à une forme de nomadisme qui optimise notre accès à des ressources. Comment pourrions-nous les favoriser, les démultiplier pour créer encore plus de valeur pour nos organisations ?

La juste innovation et la juste action

Vivant dans le temps présent, davantage "bricoleurs" que planificateurs, ces peuples ont une approche d’innovation “juste”. Une innovation non systématique mais créatrice de valeur et adaptée aux besoins des parties prenantes. Toute action sur le point d’être menée est interrogée à l’aune de la question "Est-ce utile ou non ?" et ce qui est inutile n’a pas lieu d’être. A l’heure où certains medias décrient les inventions délirantes d’entreprises de la Silicon Valley, je pense en effet qu’il n’est pas inintéressant de se pencher sur ces concepts à la racine de l’économie fonctionnelle et circulaire.

Société de loisirs avant tout

Ces peuples sont avant tout des sociétés de loisirs. Contre toute attente, l’activité "économique" ne représente que quatre à cinq heures de leur journée, le reste étant dédié aux loisirs. Le mot "travail" n’est pas employé directement. La notion de plaisir est extrêmement présente dans ce que nous décrivons comme étant le « travail. Par exemple, il est très courant d’entendre chanter des individus qui travaillent dans les champs. La dissociation entre vie professionnelle et personnelle n’existe pas, un peu comme chez les entrepreneurs qui vivent très fortement cette porosité entre ces deux sphères.

Ouverture du champ de vision

Enfin, les membres de ces communautés se distinguent aussi par une posture d’écoute, de collaboration et d’ouverture. Cette attitude et la place laissée au silence et au vide Le temps laissé aux loisirs permet de s’ouvrir à ce qui est différent, de prendre du temps pour expérimenter, découvrir, aller à la recherche de nouveaux milieux…Cette posture d’ouverture est cruciale pour l’adaptation de ces communautés à leur milieu.

Nul doute que nous avons beaucoup à apprendre de ces peuples qui sont dans un lâcher-prise total, sans aucun contrôle possible sur la Nature et une vie dans l’instant..